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Taylor Moore : « À Valenciennes, certains joueurs m’ont appelé Mbappé »

Propos recueillis par Florian Porta
11 minutes

On ne l'avait plus revu en France depuis l'épisode Mbappé-Lauclair. À 26 piges, Taylor Moore est de retour dans l'Hexagone, à Valenciennes. L'occasion d'aller prendre des nouvelles du défenseur anglais, dont la carrière n'a plus rien à voir avec celle du Français.

Derby County's Tom Lawrence (left) and Bristol City's Taylor Moore battle for the ball during the Sky Bet Championship match at Pride Park, Derby. Photo : PA Images / Icon Sport
Derby County's Tom Lawrence (left) and Bristol City's Taylor Moore battle for the ball during the Sky Bet Championship match at Pride Park, Derby. Photo : PA Images / Icon Sport

Sept ans après ton départ, te revoilà en France, comment se passe ton retour ? 

Ça se passe très bien pour l’instant. J’ai un peu l’impression de rentrer à la maison. C’est vrai que ça fait bizarre de retrouver un vestiaire et un club français, d’être tout le temps entouré de de personnes qui parlent français aussi. Mais ça fait plaisir.

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La dernière fois qu’on t’a vu ici, c’était pour la finale de la Coupe Gambardella en 2016, entre Lens et Monaco (succès 3-0 de l’ASM grâce à un doublé de Kylian Mbappé) où Daniel Lauclair pense t’interviewer alors qu’il est en face de Mbappé. On t’en parle encore ? 

Bien sûr ! Je pense qu’il n’y a pas eu une semaine depuis où on ne m’a pas identifié sur les réseaux sociaux ou alors un copain qui me l’envoie par SMS juste pour me dire : « Regarde ce que j’ai retrouvé. » C’est bizarre, des fois, la vidéo ne va vraiment pas circuler et d’un coup on va la voir sur tous les réseaux. La tête de Kylian Mbappé, au bout de la troisième fois que Daniel Lauclair l’appelle Taylor Moore, c’est drôle. Même à Valenciennes, certains joueurs, au bout de 24 heures, quand ils ont commencé à me connaître, ils m’ont appelé Mbappé. C’était assez drôle pour eux, pour me remettre dans le bain et pour rigoler un peu avec moi au début. J’ai un copain qui a dû m’envoyer la vidéo une trentaine de fois. À chaque fois qu’il la voit, il m’envoie un truc du genre : « Je n’arrive pas à m’en remettre, on t’a comparé à Mbappé. » Mais oui, c’était drôle, et ça l’est toujours.

Daniel Lauclair, non, on ne s’est jamais contacté. Ce serait assez drôle de se revoir un jour et de faire une interview à trois.

Et finalement tu n’as jamais discuté avec Daniel Lauclair ?

Non, non, non. Il a dû se rendre compte de son erreur un peu après. Kylian Mbappé m’avait suivi sur Twitter ou Instagram, je ne sais plus parce qu’on rigolait un peu sur la vidéo et à mon avis, il en a eu marre de se faire taguer ou que les gens l’appellent Taylor Moore. Il a dû se dire : « Mais merde, j’ai fait quoi pour qu’on m’appelle Taylor Moore ? » Mais Daniel Lauclair, non, on ne s’est jamais contacté. Ce serait assez drôle de se revoir un jour et de faire une interview à trois.

T’avais déjà ce sentiment, à l’époque, que Mbappé allait avoir cette carrière ?

Tu sentais directement qu’il était fort. Si on revient sur le match, j’ai essayé de jouer, j’avais une blessure à l’ischio et au final, quand t’as 18 ans en finale de Gambardella, tu forces le truc à mort. Maintenant, si la finale avait lieu demain, je connais un petit peu mieux mon corps et je sais que ce ne serait pas la meilleure des choses à faire. Mais dès qu’il a accéléré, dès qu’il est parti en sprint, je n’avais aucune chance. Mon ischio ne tenait qu’à un fil. Ce n’était pas un très bon jour pour moi, mais c’était déjà un talent incroyable.

T’aurais plus de chances aujourd’hui, avec un ischio en pleine forme ?  

Pour l’attraper ? (Il se marre.) Ah non je ne pense pas. Même maintenant, en pleine forme, ce serait compliqué mais je pense qu’il n’y a pas un défenseur sur la planète entière qui n’aura pas ces difficultés face à Mbappé.

 

Pourtant, au moment de cette finale, la comparaison est presque flatteuse pour lui. T’as découvert la Ligue 1 quelques mois avant lui quand même… 

Je pense que si les rôles devaient s’inverser aujourd’hui, je dirais que c’est très, très flatteur pour moi. C’est incroyable de voir la carrière qu’il nous sort et ce qu’il fait pour le Paris Saint-Germain mais aussi pour l’équipe de France. Je sais qu’en ce moment, ça doit être difficile pour lui, mais je pense que c’est quand même beau à voir. Quand on est jeune, on ne sait pas forcément ce qui nous attend derrière. Je pense qu’on a deux carrières complètement différentes, mais c’est beau de voir qu’un jeune Kylian Mbappé qui jouait la finale de Gambardella puisse maintenant marquer un triplé en finale de Coupe du monde.

J’ai vraiment eu du mal à digérer, je voulais à tout prix jouer pour Lens mais je comprends aussi les raisons maintenant quand je vois l’état dans lequel le club était avec la DNCG.

Justement, lui a eu sa chance avec son club formateur derrière. Toi, on t’a poussé vers la sortie l’été qui a suivi. Qu’est-ce qui s’est passé ? 

Aujourd’hui j’ai 26 ans, je prends un petit peu de recul sur la situation. J’ai été vite lancé chez les pros, vite remis avec la CFA aussi parce que les choses n’allaient pas. Ça n’allait pas sur le terrain, je n’étais pas forcément en confiance en dehors non plus. C’était le premier grand obstacle que j’ai eu pendant ma carrière. À 18-19 ans, t’as plein de rêves. Petit à petit tu te rends compte que le monde pro, c’est compliqué et j’ai galéré sur le terrain. À un moment donné, ça n’allait vraiment pas. Je n’avais pas confiance en moi-même, je ne savais pas comment réagir et je n’avais pas forcément les outils pour prendre sur moi, me remonter les manches et vraiment attaquer le challenge qui était mis devant moi. Il y a eu le départ d’Antoine Kombouaré, l’arrivée d’Alain Casanova qui m’a expliqué très, très rapidement que je n’étais pas dans ses plans. Le club a préféré prendre l’argent et me laisser partir. J’ai vraiment eu du mal à digérer, je voulais à tout prix jouer pour Lens mais je comprends aussi les raisons maintenant quand je vois l’état dans lequel le club était avec la DNCG.

Quand tu vois que Lens va disputer la Ligue des champions à la rentrée, ça te laisse encore plus de regrets ? 

Je n’ai pas de regrets parce que, quand je pars, le club est en bas de tableau de Ligue 2. Même les supporters, les dirigeants du club, les joueurs, personne ne savait comment allaient se passer les sept, huit prochaines années. Les gens se reposaient surtout sur les bases de Lens en 1998, en 2000. Mais de voir un club comme Lens partir du bas de tableau de Ligue 2, remonter en Ligue 1 et jouer la Ligue des champions, c’est incroyable, c’est vraiment des trucs de rêve ça. Ça me fait sourire parce que tu penses à Bollaert, aux supporters, qui ont toujours été là, que ce soit en Ligue 2, en Ligue 1. C’est pour eux, c’est ce qu’ils méritent. Donc non, pas de regrets, juste de la joie pour ce club qui m’a formé. Ça montre à quel point les choses peuvent basculer dans les deux sens. Retrouver un tel niveau, c’est beau mais c’est aussi un club dont il faut s’inspirer maintenant que je suis ici, à Valenciennes. Après je ne sais pas si on va remonter jusqu’en Ligue des champions, mais pourquoi ne pas en rêver ?

Avant de revenir dans les Hauts-de-France, tu es retourné chez toi, en Angleterre, à Bristol, où tu as multiplié les prêts. Comment l’as-tu vécu ? 

J’étais tout seul en Angleterre parce que mes parents et mes frères étaient encore en France. Ce n’est jamais facile pour le garçon de 19 ans que j’étais de se retrouver tout seul et de quitter un club où j’aurais voulu rester. Mentalement c’était dur à digérer. Quand je suis arrivé, je sortais d’une saison de Ligue 2 où je connaissais le football dans une très belle équipe de Lens. Ce sont des systèmes complètement différents. Ensuite, j’ai été prêté une première fois puis une deuxième où ça s’est très bien passé. L’objectif, quand t’es plus jeune, c’est de revenir pour t’imposer. Et au final, c’est ce que j’ai fait. Malheureusement ça n’a pas duré longtemps, je me suis imposé pendant six mois et j’ai re-signé un nouveau contrat derrière. Tout se passait bien et là, bien sûr, tu repars en prêt une énième fois et au bout d’un moment, je me suis lassé de la situation, de revenir à chaque fois, de ne pas savoir si j’allais rester ou partir en prêt. C’est important aussi de se sentir valorisé par un club et petit à petit, au fur et à mesure des années, j’ai un peu perdu ça avec Bristol.

J’ai toujours eu en tête qu’un jour j’allais rentrer en France. Peut-être pas dans la région. Surtout quand tu grandis et que t’es formé à Lens, tu ne connais que ça. Tu ne penses ni à Lille, ni à Valenciennes.

Tu sentais déjà que ton avenir n’était pas là-bas ? 

Les dernières années, les explications que j’ai eues par le coach étaient parfois un peu mythiques. Pour lui, c’était des excuses, par exemple sur ma taille… Je comprends que, parfois, des entraîneurs font leurs choix pour leur style de jeu ou bien préfèrent avoir des joueurs défensifs beaucoup plus agressifs plutôt que des défenseurs centraux qui savent jouer au ballon. Chaque entraîneur a ses raisons mais je pense que les deux dernières années, je n’ai pas cherché à comprendre, j’ai juste accepté la situation telle qu’elle était parce que je savais que j’avais mon contrat et je savais que je n’étais pas dans les plans de l’entraîneur de Bristol. J’en ai profité pour faire deux années (en prêt à Heart of Midlothian, en Écosse puis à Shrewsbury Town, en D3 anglaise, NDLR) avec beaucoup de matchs pour être prêt pour ce challenge. Il vaut mieux ça qu’être à la cave et ne pas jouer. Même si j’ai pu prendre un petit peu de plaisir sur le court terme, l’objectif, sur le long terme, c’était vraiment de me trouver un nouveau projet suite à mon contrat avec Bristol.

Avec l’envie de revenir en France ? 

J’ai toujours eu en tête qu’un jour j’allais rentrer en France. Peut-être pas dans la région. Surtout quand tu grandis et que t’es formé à Lens, tu ne connais que ça. Tu ne penses ni à Lille, ni à Valenciennes. Plus tu grandis, plus tu te rends compte que le monde du football est grand et que tu peux bien trouver un projet qui t’intéresse ailleurs qu’à Lens. J’ai toujours eu dans l’idée de vouloir repartir à l’étranger, surtout en France, mais c’était une belle surprise aussi le fait que ce soit dans la région, à Valenciennes. Je voulais un nouveau challenge, quelque chose de complètement nouveau. Et plutôt que de rester en Angleterre pour jouer la D3 ou la D4, c’était vraiment un challenge intéressant de revenir en France, en Ligue 2 et de pouvoir m’épanouir ici. Donc j’ai vraiment hâte de me remettre dans le bain ici et de voir comment ça se passe cette saison. Mais je suis persuadé que ce sera une saison meilleure que celle de l’année dernière et moins bonne que celle d’après.

 

C’est quoi le projet de VA justement ? 

L’objectif, c’est de retrouver la Ligue 1. Je sais que cette année sera une année de transition. Ce qui m’a été expliqué, notamment par Ben Chorley (le nouveau directeur sportif du VAFC, NDLR), quand je l’ai rencontré cet été. Le club avait besoin de leaders, de cadres pour entourer un vestiaire qui est très talentueux mais aussi très jeune. Donc c’est bien pour eux d’avoir un joueur qui peut par exemple parler plusieurs langues comme moi, qui peut apporter de l’expérience aux plus jeunes, mais aussi se mélanger avec les plus anciens. Ils ont besoin de certains joueurs pour essayer de stabiliser un petit peu le truc pour ensuite l’année d’après ou encore l’année d’après vraiment pousser et essayer de retrouver la Ligue 1. C’est beau de voir ce que fait Sport Republic (qui a repris le club officiellement en juillet, NDLR) pour changer les choses. Ils mettent tout en place pour ne pas avoir d’excuses, que ce soit les installations, la qualité de vie au centre. Je parlais avec des joueurs qui sont ici depuis quelques années, comme Julien Masson, qui ont connu des moments difficiles avec ce club et même eux sont impressionnés. C’est vraiment un super beau projet qu’ils essaient de mettre en route pour le long terme. Ils ne sont pas là pour six mois, ni pour un an, ils sont là pour plusieurs années et essayer de redonner un petit peu de succès au VAFC.

C’est ça qui t’a convaincu de venir ici ?

Bien sûr, ça donne envie de se projeter sur le long terme ici, de vraiment voir les choses en grand pour une fois. Ils ont besoin d’un joueur qui a joué en Ligue 1, en Ligue 2, mais aussi qui a joué en Angleterre parce que, il me semble, avec le partenariat avec Southampton (Sport Republic est aussi propriétaire des Saints, NDLR), il y aura des affaires à suivre avec ça aussi. Donc oui, c’était vraiment valorisant de sentir que les dirigeants du club voulaient me donner un rôle. C’était un rôle important pour eux, un peu tête d’affiche mais c’est aussi une plateforme incroyable pour moi, pour pouvoir me montrer et progresser en tant que joueur parce que le coach est incroyable. Comment il voit les choses avec son staff, comment ils mettent en place les choses jusqu’au moindre détail, c’est intéressant. Je suis à l’écoute sans cesse avec lui. La façon dont il veut jouer, c’est beau à voir, c’est du beau football. Donc on va progresser tous ensemble, que ce soit les joueurs mais aussi le staff et le club.

Tu l’as dit, tu viens de passer du placard à Bristol à toute première recrue d’un nouveau projet à Valenciennes. Un conseil à donner à Kylian Mbappé pour sortir de celui du PSG ?

(Il rigole.) Je n’ai aucun conseil à donner à Kylian Mbappé mais je veux bien qu’il m’en donne, ça c’est sûr.

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Propos recueillis par Florian Porta

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