ACTU MERCATO
Tata Martino, qu’est-ce qu’il y a sous ton grand chapeau ?
C'est officiel, Gerardo Martino est le nouvel entraîneur du FC Barcelone. Relativement méconnu en Europe, Tata est un Bielsa sans la folie. Un type qui aime le jeu court et beau. Un entraîneur fait pour le Barça? A voir.
Vilas Boas ? Trop cher. Luis Enrique ? Trop compliqué (1). Hiddink ? Trop hollandais. Bielsa ? Trop fou. Le Barça a donc choisi de se rabattre sur la véritable solution de facilité : Tata Martino. Un entraîneur argentin inexpérimenté en Europe et inconnu du grand public. Avant de signer pour les Blaugrana, le nom de Martino avait déjà circulé dans les bureaux de Málaga, de la Real Sociedad ou encore de Colo-colo (Chili). Problème : l’Argentin, en course pour la Libertadores avec son club de cœur, Newell’s Old Boys, avait prévenu qu’il resterait en poste jusqu’à une hypothétique finale des siens dans la compétition. Une condition que personne n’était alors disposé à accepter (la finale de la Copa Libertadores à lieu en ce moment, en pleine pré-saison européenne). Pour Martino et Newell’s, la Libertadores s’est finalement arrêté en demi-finale contre l’Atlético Mineiro de Ronaldinho et Bernard. Les séances de tirs au but et la malchance auront eu raison des Argentins, grandes révélations du tournoi, grâce à un football particulièrement jouissif. Cette élimination, conjuguée au départ surprise de Vilanova, aura finalement permis à Martino d’accepter de relever le plus gros et périlleux défi de sa vie : entraîner le Barça. Un rêve inimaginable il y a quelques semaines pour celui qui avait affronté les Blaugrana en tant que joueur de Tenerife au début des années 90.
Fan absolu de Guardiola
À première vue, on se dit que remplacer Tito par Tata ressemble à une bonne blague. À première vue seulement. Car Martino, au-delà d’être la solution la plus économique qui se présentait à Zubizarreta, le directeur sportif culé, est aussi l’entraîneur le plus à même de poursuivre la philosophie Cruyfiste remise au goût du jour par Guardiola il y a quelques années. Lorsqu’il reprend Newell’s Old Boys, le club formateur de Lionel Messi est au bord de la relégation. Comme tous les clubs argentins actuels, il n’a aucune identité de jeu, un collectif rachitique et une notion du spectacle toute relative. Dans le marasme du football albiceleste, Newell’s Old Boys n’est qu’un mauvais élève de plus. Martino qui sort d’une expérience plutôt réussie avec la sélection paraguayenne, va tout changer. Celui qui se considère alors comme un « fan absolu du Barça et de Guardiola » transpose la formule blaugrana à sa nouvelle équipe. Les débuts sont difficiles, mais au fil du temps, Newell’s devient rapidement l’équipe argentine la plus séduisante (et intéressante) à voir jouer. Tata mise tout sur le collectif et la possession de balle. Il remplace très vite son attaquant de métier par Scocco, un 9 et demi, plus participatif dans le jeu. Puis reboote Vergini, son bourrin de défenseur central, en premier relanceur de son équipe. Enfin, il travaille son pressing qu’il souhaite haut et intense. Tata perd des matchs, mais jamais l’idée de jeu qu’il a mis en place. À ceux qui le critique pour l’absence de plan B, il lance : « Mon plan B, c’est d’améliorer mon plan A. » Le titre logique de champion d’Argentine lui donnera finalement raison. « En Argentine, nous sommes focalisés par le résultat, on ne pense qu’à cela et ça nous fait beaucoup de mal depuis trop longtemps maintenant. On devrait s’inquiéter de la manière plutôt que du score final, en pensant comme ça, tout irait bien mieux. » Stat intéressante : le Ñuls de Martino a toujours pris le dessus, en matière de pourcentage de possession de balle, sur ses adversaires. Voilà le genre de truc qui a sûrement pesé dans la décision finale des dirigeants du Barça.
Le quatrième entraîneur argentin de l’histoire du Barça a plutôt une conception aristocratique du football. Adoubé par Menotti qui dit de Tata qu’il « honore le football et la profession d’entraîneur » , Martino ne fait partie d’aucun des deux grands courants habituels footballistiques argentins. S’il se décante plus pour le menotisme que pour le bilardisme, Martino est un Bielsista convaincu depuis que ce bon vieux Marcelo l’a dirigé au Newell’s Old Boys en 90. À l’image de Guardiola, Martino voue lui aussi un véritable culte à l’Argentin : « Bielsa, c’est de la minutie, de la passion, du travail et une honnêteté intellectuelle à toute épreuve. J’aime penser que je suis l’un de ses élèves. Pour l’instant, j’ai la même coupe de cheveux que lui, mais j’aspire à lui ressembler autrement que physiquement » , se marrait Tata avant de reprendre les rennes de Newell’s Old Boys. Pour l’instant, il est plutôt en avance sur les temps de passage de son idole au niveau des titres gagnés (même si la plupart ont été remportés dans le championnat paraguayen). Comme Bielsa avec le Chili, Martino a fait des miracles avec le Paraguay. En 2010, l’élève avait même dépassé le maître en hissant les Guaranis jusqu’en quart de finale du Mondial. Martino, comme son ami Marcelo, avait alors offert la plus dure des oppositions à Del Bosque et ses hommes dans un match complètement dingue. Comme Bielsa, Martino est une des idoles de Rosario. L’ancien n°10 du Niouls n’a pas seulement remporté le titre en tant que joueur et entraîneur. Il est carrément le joueur ayant disputé le plus de matchs avec le maillot de Newell’s. Il a aussi fait partie de la fameuse équipe championne d’argentine 88. La seule dans l’histoire à être sacrée championne avec onze joueurs exclusivement formés au club. Pas étonnant, après cela, qu’il accorde, comme Bielsa, une attention toute particulière à la Cantera. Un bon point de plus pour le futur entraîneur blaugrana.
Incapable de donner un ordre à Messi ?
Comme Bielsa ou Guardiola, Tata se définit comme un véritable passionné de football. Un mec capable de passer des heures entières à discuter du ballon sans éprouver la moindre lassitude. Là encore c’est un bon point. Le Barça s’écoute autant qu’il se regarde. Un discours médiocre est le pire ennemi du storytelling. En l’état actuel des choses, Martino représente un bon compromis entre Pep et Bielsa. S’il n’est pas aussi charismatique que le Catalan, ni aussi radical que Bielsa, l’option Martino offre la possibilité au Barça de toujours continuer un cycle que personne en Catalogne ne veut voir s’éteindre. Martino, connu pour ses cotés sanguins, aura la charge de réanimer une flamme qui avait menacé de s’éteindre définitivement avec les absences et les coups de pompe à répétitions du malheureux Vilanova. Reste à savoir s’il en a vraiment la carrure et les épaules. Il y a quelques mois, Tata déclarait à la chaîne Fox Sport qu’il aurait « bien du mal à donner des consignes à Messi. Il fait tout bien. » Réputé méticuleux, obsessif et proche des joueurs, Martino va devoir mettre son admiration pour Messi de côté pour mieux gérer les égos de stars qu’il n’a jamais vraiment eu le plaisir de diriger. Quand on s’appelle à la fois Gerardo et Tata, les troubles de la personnalité ne sont normalement pas un souci.
Par Javier Prieto-Santos
(1), l’Asturien, l’un des favoris à la succesion de Tito, a signé au Celta Vigo depuis quelques semaines.
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