- Paraguay
- Tata Martino
Tata Martino : l’homme du président
Ce 15 août, on ne chôme pas au Paraguay. On investit même le nouveau président, Horacio Cartes. Le rapport avec le football ? Il est l'ami de Gerardo Martino et Sandro Rosell. Sans lui, « El Tata » n'aurait sans doute jamais entraîné le Barça.
Il était aisé de faire de Lionel Messi, l’homme-clé dans la décision du Barça de recruter Gerardo Martino. « El Tata » ne venait-il pas de tout juste boucler une saison exceptionnelle avec Newell’s Old Boys, le club où le meilleur joueur du monde avait fait ses débuts ? Le joueur Martino n’était-il pas idolâtré par Jorge Messi, père de ? Sur ces bases, les amateurs de conjectures, souvent aveuglés par leur ignorance de l’épaisseur du CV de Martino, pouvaient en déduire qu’un caprice de Messi avait fait de Tata, le remplaçant de Tito.
Mais la décision de faire de Martino le nouveau coach blaugrana ne s’est pas jouée à Rosario, plutôt à Asunción. Et l’homme-clé de la transaction ne se nomme pas Leo Messi, mais Horacio Cartes, ex-président du Club Libertad, homme d’affaire sulfureux, et président du Paraguay depuis ce jeudi 15 août. Cartes est un ami de Sandro Rosell, qu’il a connu une fois aux commandes du Club Libertad. Un accord de coopération lie depuis 2004 le Barça à Libertad. Cartes est aussi l’ami de Martino. Ils se sont connus en 2002. Alors coach aux débuts balbutiants, El Tata est recruté par Cartes pour occuper le banc de l’un des grands du football paraguayen. Martino fera de Libertad un champion dès sa première saison passée à Asunción. En misant sur El Tata, Cartes a eu raison avant tout le monde. Les deux hommes continueront de travailler ensemble une fois Martino aux commandes de la sélection Albirroja. Cartes devient alors directeur des sélections.
Coup de fil à un ami
Bien avant de signer au Barça, Martino a rencontré Sandro Rosell, lors d’un dîner à trois organisé par Horacio Cartes, à Asunción. Journaliste pour le quotidien paraguayen ABC, Gabriel Cazenave fait remonter la rencontre à 2011. Martino est alors sélectionneur du Paraguay. Lors de sa conférence de presse de présentation, le coach du Barça a évoqué ce dîner, mais sans le dater. Une chose est certaine, Martino a fait forte impression à Rosell lors de cette première et unique rencontre avant qu’il ne signe au Barça. Quand il se doit de trouver un remplaçant à Tito Vilanova, Rosell appelle Horacio Cartes pour lui demander le numéro d’El Tata. Le néo-président du Paraguay, élu depuis le 21 avril, mais seulement investi ce jeudi, a donc fait office d’intermédiaire pour que l’ex sélectionneur du Paraguay puisse commencer à négocier avec le Barça. « Surréaliste » , comme dirait Ariane Massenet. Mais l’affaire se révèle encore plus piquante, quand l’on connaît le passé trouble de Cartes.
Viandes, boissons et cigarettes
Puissant homme d’affaire, Horacio Cartes a attendu 2009 avant de s’engager en politique, dans les rangs de l’hégémonique parti Colorado. Une réaction épidermique à la victoire du progressiste, Fernando Lugo. L’ancien évêque avait mis fin à 61 ans de domination du parti Colorado. À plusieurs reprises, Cartes a connu des démêlées avec la justice. En 2000, des centaines de kilos de marihuana et vingt kilos de cocaïne sont ainsi saisis dans un avion qui a atterri sur un terrain lui appartenant. L’une des moult affaires qui l’ont lié au narcotrafic. Au Brésil, une banque lui appartenant a aussi dû répondre d’accusations de blanchiment d’argent. Cartes n’a toutefois jamais été condamné. En 1985, il est bien impliqué dans une affaire d’escroquerie à l’État pour l’achat de dollars achetés à prix préférentiel puis revendus bien plus chers, mais il bénéficiera d’un non-lieu après avoir passé un an en prison.
Reste que la DEA, selon des câbles révélés par Wikileaks, a activement suivi ses pas. Escorté de soupçons, Cartes n’est est pas moins un homme d’affaire prospère. Le groupe qui porte son nom écoule viandes, boissons, cigarettes, et vêtements. Avec le club Libertad, qu’il a présidé de 2001 à fin 2012, il a remporté sept titres. Au Paraguay, ses relations d’amitié avec Martino n’ont jamais relevé du mystère. Du temps de son mandat à la tête de l’Albirroja, les mauvaises langues estimaient d’ailleurs que les listes du néo-entraîneur barcelonais comportaient trop de joueurs de Libertad. Une considération qui avait le don d’exaspérer Martino. Mercredi, Cartes a reçu un coup de fil d’El Tata, via Sandro Rosell. Le président du Barça se trouve,à Asunción. Il n’aurait manqué pour rien au monde la cérémonie d’investiture de son ami Horacio Cartes.
Thomas Goubin