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Tata Martino a libéré le Barça du tiki-taka
Arrivé sur la pointe des pieds pour poser ses fesses sur le banc du Barça sans en changer ni les habitudes, ni la philosophie de jeu, Tata Martino ne semble pourtant pas vouloir se cantonner à son rôle de nounou de luxe. Après six matchs et autant de victoires, l'Argentin a pris ses marques, fait des choix forts, fermé quelques bouches et se pose en véritable successeur de Guardiola. Balèze.
Le 7 mai 2008, le FC Barcelone « fin de règne » de Rijkaard prenait quatre pions face à un Real Madrid totalement supérieur, notamment au niveau de la possession de balle. Depuis cette date, le Barça n’avait jamais laissé le ballon à l’adversaire. Cette série de 316 matchs s’est interrompue le 21 septembre dernier contre le Rayo Vallecano. Les Blaugrana, bien que larges vainqueurs, n’ont eu le ballon que 49% du temps. Une statistique qui a immédiatement enflammé le monde du football espagnol. Nombreux, dans la presse et ailleurs, sont ceux qui lui sont tombés dessus à bras raccourcis, lui faisant le procès de vouloir rompre avec le sacro-saint tika-taka. Même Carlo Ancelotti paraissait étonné. « C’est surprenant de voir le Barça marquer sur contre-attaque » , reconnaissait l’Italien, sourcil gauche relevé, en conférence de presse. Pour bien aider, Sandro Rosell parlait même de « crise » avant le match de mardi contre la Real Sociedad. Un peu bousculé par ces débats, Tata a remis tout le monde à sa place contre les Basques de Saint-Sébastian : une victoire 4 buts à 1, 70% de possession de balle, 762 passes, 23 tirs au buts. Un récital. Mais si l’ancien des Newell’s Old Boys est revenu au football toque, il a aussi sorti Messi à la 80e, mis Pedro sur le banc alors qu’il restait sur un triplé et fait rentrer deux gamins sur la pelouse. C’est peut-être un détail pour vous, mais au sein du très dogmatique Barça, ça veut dire beaucoup… La fin de l’esclavage Après le match, l’Argentin pouvait affronter les médias espagnols la tête haute : « Si vous me demandez la façon dont j’aime gagner les matchs, je vous répondrais que j’aimerais que tous les matchs soient comme celui-ci » . Si le technicien préfère « lorsque son équipe gagne en ayant le contrôle du ballon » , il n’est pas pour autant l’esclave d’un quelconque style de jeu. Camper devant la surface adverse en multipliant les passes et en attendant la faille fonctionne souvent, mais pas toujours. Au fil des mois et des matchs, les adversaires du Barça se sont habitués à ce style de jeu et ont parfois réussi à le contrer, le 7-0 encaissé en deux matchs contre le Bayern Munich en est le meilleur exemple. Par le passé, lorsqu’ils se retrouvaient dans cette situation, les Blaugrana n’avaient pas de plan B, pas d’alternative et s’entêtaient dans un football toque qui devenait alors stéréotypé et stérile. Ce que cherche Tata, c’est simplement « des alternatives » . « L’équipe doit pouvoir varier son jeu, changer de rythme et parfois attaquer de façon verticale. Il n’est pas toujours justifié de faire autant de passes pour arriver devant le but adverse » , remarque-t-il. Finalement, Tata, c’est peut-être la fin du monothéisme tyrannique du tiki-taka et l’avènement d’un Barça polythéiste plus pragmatique et plus efficace. Enfin un successeur à Guardiola ? Nul doute qu’il faut disposer d’un certain charisme et d’une grande volonté pour opérer ces changements, convaincre les joueurs, les dirigeants et les supporters. L’ancien sélectionneur du Paraguay ne manque ni de l’un, ni de l’autre. Contrairement à ses deux prédécesseurs qui ne comptaient réellement que sur 12 ou 13 joueurs par peur de froisser la sensibilité des monstres sacrés du vestiaire, Martino a mis en place cette saison un large turn-over. Aucun joueur n’est assuré de disputer tous les matchs, aucun n’est clairement exclu. L’ex défenseur de Tenerife raisonne plus en terme de groupe qu’en terme d’équipe. Pour s’en prouver, une seule statistique : sur les six premiers matchs de la saison en Liga, les 22 buts marqués par le Barça l’ont été par 11 joueurs différents. Autre exemple, au milieu, Xavi et Iniesta sont clairement mis en concurrence avec Fàbregas et Song. Les deux symboles de la philosophie du Barça ne disputeront sans doute pas 60 matchs cette saison et c’est un mal pour un bien. Si Messi reste forcément un titulaire indiscutable, son coach n’hésite plus à le sortir en fin de match, quitte à lui déplaire. Là aussi, ces minutes de fraîcheur grappillées seront probablement précieuses en fin de saison. En plus tous ces travaux, papa Tata est en passe de réussir l’intégration de Neymar. Tranquillement, sans faire de vagues, le Brésilien joue, prend ses marques et se fonde dans un collectif pourtant particulièrement exigeant. En bref, le Barça semble avoir de nouveau un entraîneur et un meneur d’hommes sur le banc. Un leader de la trempe de Guardiola, capable d’apporter une vision, de défendre ses choix et même de voguer à contre-courant lorsqu’il le faut. Avec Tata, le Barça peut retrouver une seconde jeunesse.
Par Pablo Garcia-Fons, à Madrid