- Interview Tample
Tample : « Toulalan était un mauvais capitaine »
Mélancolie douce-amère, voix singulière, relents disco... Le quatuor qui forme Tample a su trouver la bonne formule. Contrairement aux Girondins de Bordeaux, l'équipe qu'ils supportent. Pour expliquer cette déviance, Gérald, le batteur, et Nico, qui œuvre au synthé et aux percus, sont appelés à la barre.
Depuis quand suivez-vous les folles aventures des Girondins de Bordeaux ?Gérald : Depuis tout petit, à partir du moment où mon père a commencé à m’emmener au stade. À ce moment-là, on était en plein dans les années Bez. J’ai toujours été un grand fan des Girondins.Nico : J’ai suivi le même cursus que Gérald, avec vingt ans d’écart. J’ai commencé à aller au stade en 2000.
On imagine que vous vous faites pas mal chambrer en tournée. Quels sont les arguments des haters ? Nico : « Vous n’avez pas de supporters, vous vivez dans le passé, il ne se passe plus rien depuis 2010… » Ce qui n’est pas totalement faux.
Quelles sont les plus belles émotions que vous ont fait vivre les Girondins ?Gérald : Le Bordeaux-Milan de 1996, en quarts de finale de la Coupe de l’UEFA. On prend 2-0 là-bas, et on gagne 3-0 à Lescure. Et j’étais au stade, dans le Virage Sud. C’était fou. La fête qui a suivi, place de la Victoire, était tout aussi incroyable. Ma deuxième grosse émotion, c’était la finale de la Coupe de la Ligue de 2007, contre Lyon. J’étais là aussi au Stade de France. Gros hold-up des Girondins, qui l’emportent dans les derniers instants grâce à un but de Carlos Henrique. Et le titre de 1999, avec le but de Pascal Feindouno au Parc des Princes, c’était pas mal aussi.
Comment expliques-tu qu’avant le match retour contre Milan, toute la ville était persuadée que Bordeaux allait retourner la situation ?Gérald : L’affiche était superbe, la plus belle depuis le Bordeaux-Juventus de 1985. Donc déjà, ça excitait tout le monde. Et on n’avait pas été ridicules à l’aller, malgré le score. On n’était pas bien en championnat, mais on avait quand même Dugarry, Zidane, Witschge… En allant au stade, j’y croyais vraiment. Notre espoir, c’était que Milan nous prenne de haut. Et c’est exactement ce qu’il s’est produit.
Et toi, Nico, quand est-ce que Bordeaux t’a fait vibrer ?Nico : Lors du match du titre de 2009, à Caen. La municipalité avait fait installer un écran géant place des Quinconces, et sur le but de Gouffran, ça a pété de partout, avec des fumigènes et tout le bazar. Mais mon meilleur souvenir reste la campagne de Ligue des champions qui a suivi, jusqu’à l’élimination face à Lyon en quarts. On finit premiers de la poule devant le Bayern et la Juventus… Au stade, c’était super d’avoir Lahm juste devant moi. Il était vraiment sympa, ce Parc Lescure.
Parce que la vie n’est pas faite que de plaisirs, quand est-ce que Bordeaux vous a le plus fait souffrir ?Gérald : Ce fameux Bordeaux-Lyon en Ligue des champions… Pour moi, on méritait de gagner. Mais ce sont les circonstances qui m’ont déçu, avec un mauvais arbitrage, plutôt que l’équipe.Nico : Se faire sortir en barrages de la Ligue Europa par Videoton, c’est quand même terrible. J’étais défait, je nous voyais tellement jouer la Coupe d’Europe… Sans déconner, c’était une CFA2 en face. Et le chambrage des potes, derrière… Putain. On est arrivés là-bas en ballerines, on pensait qu’on allait mettre des buts en ciseaux, et voilà. C’est à l’image de cette équipe de Bordeaux qui manque clairement de mental, on l’a vu par la suite. Je suis vraiment déçu par cet état d’esprit.
Dans le feuilleton de la saison bordelaise, quel épisode vous a le plus marqués : l’humiliation contre Videoton, la série de quinze matchs sans victoires, les trente ans des Ultramarines, les Brésiliens qui se marrent après une défaite ou la démission de Jérémy Toulalan ?Nico : Toulalan était un mec que je respectais beaucoup. Mais quitter un club comme ça, c’est lâche. Même si ça se passait mal en interne, il devait faire partie de ceux qui allaient redresser la situation. Mais il n’avait pas l’amour du maillot. On l’a pris pour un leader, et ce n’était en fait pas le cas. C’était un mauvais capitaine. Mais parmi les satisfactions de la saison, je retiens les matchs contre Lyon. Le but égalisateur de Malcom à l’aller, et le 3-1 au retour, c’était bien sympa. Là, j’ai eu des frissons.Gérald : Il faut aussi parler de la défaite en coupe contre Granville. Pour moi, c’était pire que Videoton. On mène à la 90e, on se fait égaliser et on prend trois cartons rouges. C’est d’ailleurs ce match qui signe la fin de Gourvennec à Bordeaux.
Gustavo Poyet vous plaît ?Nico : Il siffle beaucoup trop depuis le bord du terrain.Gérald : Il est pas mal, mais il a la même équipe que Gourvennec. Ça fait un moment qu’on n’a pas gagné, donc on ne va pas s’enflammer. Mais il a l’air d’avoir une bonne humeur que n’avait pas Gourvennec. Les conférences de presse de Gourvennec, c’était pas possible.Nico : Il sentait la lose, avec en plus une langue de bois insupportable.
Vous pensez que Bordeaux peut garder Malcom la saison prochaine ?Nico : Je pense qu’il ne faut pas le garder. Quand j’entends que certains clubs seraient prêts à poser soixante millions… Il ne peut pas à lui seul tirer l’effectif vers le haut, donc il faut prendre l’argent. Je l’aurais même lâché au mercato d’hiver. Derrière, tu pouvais te payer deux ou trois mecs un peu solides à quinze millions. Il est bon, mais il a un vrai manque de maturité. On avait fait pareil avec Rolán en refusant une offre énorme pour le garder. Résultat, il avait enchaîné une saison moyenne. Et là, on l’a prêté.
Dans les années à venir, que peut-il arriver de mieux aux Girondins de Bordeaux ?Nico : Beaucoup de Bordelais ont un blocage par rapport au nouveau stade, et j’en fais partie. Je trouve qu’il n’a pas d’âme. Quand je rentre dans le Matmut, j’ai l’impression d’être au parc des expositions. Je ne sais pas si je vais voir un match de foot ou un concert des Guns N’ Roses. Bon, quand je vois qu’il n’y a personne, je sais que c’est un match des Girondins. À Lescure, c’était une autre ambiance. Déjà, il y avait le scapulaire sur les sièges. Donc il faudrait commencer par retrouver une ferveur.Gérald : Je ne sais pas si Bordeaux a besoin d’un nouvel investisseur, parce qu’on a de bons joueurs pas trop chers en France. Donc comme disait Nico, il faut vendre Malcom cher, pour construire sur une base Baysse-Pablo-Sabaly-Koundé. Et avant tout, retrouver l’Europe.
Propos recueillis par Mathias Edwards