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Takumi Minamino, le pari monégasque
L'AS Monaco vient de s'offrir Takumi Minamino. Une opération qui ressemble à un sacré pari pour les deux parties. Le club du Rocher espère sans doute réussir un joli coup marketing en plus de densifier son secteur offensif, pendant que l'attaquant japonais tentera de redonner de l'élan à une carrière qui stagnait depuis son passage à Liverpool.
Si un étourdissant silence émane parfois de Louis-II, il est un endroit qui ne désemplit pas à Monaco : le casino. Un lieu qui a visiblement influencé les décideurs des Rouge et Blanc puisqu’ils s’apprêtent à concrétiser un audacieux pari, celui de ramener Takumi Minamino sur le Rocher. Un coup qui sent bon l’opération marketing en Asie, mais qui pourrait bien aussi représenter une réelle plus-value sur le plan sportif pour les Asémistes. L’international japonais devra quant à lui faire oublier son passage à Liverpool pas franchement mémorable malgré quelques sorties encourageantes.
Minamino et des bas
« C’est un crime que Minamino joue si peu. » Tels étaient les mots employés par Jürgen Klopp à la mi-mai pour rendre hommage à l’international aux 42 sélections tout en s’excusant de ne pas pouvoir lui garantir un temps de jeu plus important. À 27 ans, le natif d’Izumisano n’a disputé que 24 rencontres la saison passée, seulement 9 dans la peau d’un titulaire. Malgré le peu de minutes jouées, celui qui peut évoluer partout sur le front de l’attaque a tout de même réussi à se montrer décisif. Surtout aligné en FA Cup et en League Cup, il a planté sept de ses dix pions de la saison dans ces deux compétitions. Un apport non négligeable qui a permis à ses coéquipiers chez les Reds d’aller conquérir ces deux nouveaux trophées pendant qu’il retrouvait à nouveau le banc, ou les tribunes, pour les deux finales.
Ce qu’il ne pourra plus se permettre sur le Rocher. Dan Orlowitz, journaliste au Japan Times, explique les enjeux de ce transfert pour Minamino : « Il est censé être un joueur-clé du Japon pour la prochaine Coupe du monde, mais jouer en Europe ne suffit pas pour avoir ce statut. Désormais, ce n’est plus quelque chose d’extraordinaire de voir un joueur japonais en Europe. Il n’aura pas le luxe de passer les premiers mois ou premières semaines sur le banc et devra se montrer performant immédiatement. » D’autant plus qu’après être arrivé à Salzbourg en 2015, il pourrait bien s’agir de l’un des derniers contrats en Europe pour celui qui est présenté comme le successeur de Shinji Kagawa et Keisuke Honda. « C’est probablement sa meilleure dernière chance, indique Orlowitz. Il devrait rester en Europe pour encore trois ou quatre ans, mais s’il ne parvient pas à devenir la star de l’équipe nationale comme attendu, il ne fera sans doute pas partie des plans pour 2026. C’est sa meilleure chance de revenir dans le circuit. »
Tout le monde veut prendre la place
Question circuit, difficile de trouver mieux que la Principauté et son légendaire Grand Prix de Formule 1. En changeant d’écurie, le Japonais pourrait bien retrouver une place de titulaire. Après avoir longtemps tâtonné à son arrivée, Philippe Clement avait réussi à installer un véritable onze de départ en fin de saison. Ainsi, lorsque les Monégasques ont aligné neuf succès – pour un seul petit nul – sur les dix dernières journées de championnat, le technicien belge avait placé sur ses ailes – sauf en cas de blessures ou suspensions – Aleksandr Golovin et Vanderson. Avec le départ de Djibril Sidibé, le Brésilien devrait redescendre d’un cran et s’installer sur le flanc droit de la défense des Rouge et Blanc. Minamino devrait ainsi être en concurrence avec Krépin Diatta, Sofiane Diop et Gelson Martins pour un poste offensif. Blessé de longue date, l’ancien joueur de Bruges ne devrait néanmoins pas pouvoir briguer une place dans le onze de l’ASM tout de suite.
Concernant les deux derniers, l’international espoirs a perdu son statut de titulaire depuis l’arrivée de Clement, et le Portugais brille plus souvent par ses imprécisions que par son sens du but. L’un des deux pourrait d’ailleurs faire ses valises cet été pour laisser la place à l’ancien de Salzbourg. « Je suis très content, je le connais depuis longtemps, s’est d’ailleurs enthousiasmé le coach belge en évoquant l’arrivée de Minamino samedi dernier. Il était très haut dans notre liste. Tout le monde, ici, est convaincu qu’il a les qualités pour apporter quelque chose à l’équipe. »
Un marché à conquérir
Encore mieux, le maigrichon japonais (1,74m, 67 kg) pourrait bien rapporter gros à l’ASM. « La stratégie des grands clubs, actuellement, est d’avoir une plus grande visibilité sur les marchés émergents, et le Japon en fait partie », confesse Luc Arrondel, économiste du football. Compte tenu des liens qui existent entre le club et la Principauté, il estime qu’il pourrait « y avoir des visées touristiques là-dedans. » Les Monégasques pourraient bien décider d’exploiter le filon Minamino pour aller développer leurs affaires en Asie. « Cela dépend vraiment de ce que le club est prêt à faire. Il n’est pas seulement question de vendre des maillots. Est-ce que le club va investir dans des réseaux sociaux japonais ?, questionne Orlowitz. Avoir un compte Twitter en japonais est indispensable pour faire sa promotion sur le marché nippon. Et surtout, il va falloir promouvoir le club, l’équipe ou son histoire, plus que Minamino tout seul pour espérer se faire une place. » Autre problème, la diffusion de la Ligue 1. Cette année, à moins d’être abonné à Hulu, une plateforme en ligne, pour pouvoir visionner un match par journée sur TV5 Monde, impossible de voir les rencontres du championnat du siècle. Une donnée qui pourrait bien freiner les ardeurs des dirigeants monégasques, puisque selon le journaliste, « il n’y a pas grand-chose que vous pouvez faire si les gens n’ont pas accès aux matchs. » Loin d’être rédhibitoire toutefois tant que la saison n’a pas démarré : « En 2014, Bâle a fait signer Yoichiro Kakitani. L’un des principaux diffuseurs du pays, Sky perfect TV, a racheté les droits du championnat suisse uniquement parce que Kakitani devait devenir une superstar. »
Malgré un échec cuisant pour celui qui était retourné au pays douze mois plus tard, certains diffuseurs pourraient bien se laisser tenter par le championnat de France. D’autant plus que « Monaco fait sans doute partie du top 3 au Japon, derrière le PSG, qui compte trois des plus grands joueurs du monde et Marseille qui a vu passer Hiroki Sakai et l’immense Kōji Nakata. » Autre argument qui pourrait faire les affaires de l’ASM, le Mondial. « Avoir une des stars de l’équipe nationale qui joue là-bas va forcément changer les calculs », détaille Orlowitz. Suffisamment pour ramener un diffuseur au Japon ? « Si c’est le cas, pour Monaco, cela pourrait se concrétiser par un changement d’horaire et un passage à 13 heures le dimanche (soit 20h à Tokyo, NDLR) », abonde Luc Arrondel. À moins que d’ici la fin du mois d’août, Philippe Clement et ses hommes n’aient fait le nécessaire pour faire à nouveau résonner la douce musique de la Ligue des champions en Principauté. Et nul doute que l’arrivée de Takumi Minamino ne sera pas de trop pour y parvenir.
Par Florian Porta