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Taïder, du diamant au Saphir
Installé depuis maintenant quatre ans en Italie, Saphir Taïder est revenu cet été à Bologne, le club de ses débuts dans la Botte. Il s'apprête à affronter l'Inter, club dans lequel il a manqué le grand saut.
Si la vie est souvent faite de hauts et de bas, celle de Saphir Taïder ne fait pas exception à la règle. En ce 4 juillet 2011, le jeune milieu relayeur grenoblois est à la croisée des chemins. Son club formateur, le Grenoble Foot 38, vient de voir la décision de relégation administrative du club confirmée par la commission d’appel de la Direction nationale de contrôle et de gestion (DNCG). C’est officiel, les Isérois n’évolueront donc pas en National la saison suivante, mais bien en CFA2. Un coup très dur à encaisser pour toute une région, mais un coup auquel Saphir Taïder saura répondre. Un mois plus tard, le Franco-Algérien signe avec le FC Bologne un contrat de quatre ans, histoire de se lancer pour de bon dans le grand bain. Le résultat est probant : après une première partie de saison entre blessures et match chez les U19, Saphir est aligné par le nouvel entraîneur Stefano Pioli, au point de récupérer une place de titulaire en fin de saison. Bologne s’assure une honorable neuvième place en Serie A, et on pense que l’avenir sportif de Saphir est enfin sur les bons rails.
Jeunesse grenobloise
Avant de fouler les pelouses de la première division italienne, Taïder était ce garçon âgé de 15 ans, à la recherche d’un centre de formation pour montrer ses qualités au grand jour. Premier entraîneur du garçon chez les U16 nationaux du GF38, Olivier Saragaglia se souvient. « Il était au pôle espoir de Castelmaurou à cette époque. Avec les détections organisées chaque année par le pôle espoir de la Fédération, Saphir s’était fait repérer par Bernard Blaquart et Patrick Córdoba, ils étaient venus directement sur le site. On l’avait fait venir sur Grenoble, pour une séance d’entraînement. Et puis il a fait partie des recrues annuelles, environ six ou sept à chaque fois… Il est rentré au centre, avec sa chambre et son lit. » Le quotidien du jeune footballeur peut démarrer pour Saphir, avec des qualités à améliorer et des défauts à corriger. « Il avait un très gros volume de jeu, une capacité à enchaîner les efforts, analyse Saragaglia. Chez un garçon de 15 ans, avoir une VMA comme lui, c’était peu commun. C’était aussi l’un des plus doués techniquement, même si comme toujours chez les jeunes, il y avait encore du travail à accomplir : trop de déchet dans son jeu, parfois brouillon parce qu’il voulait tous les ballons et du coup, il se mélangeait les pinceaux. »
Dans un quotidien où la rigueur et la discipline sont reines, Olivier Saragalia savait aussi faire preuve de tact avec les jeunes comme Saphir. « Avec Patrick Córdoba, on était un peu considérés comme des pères pour ces gamins. On mangeait toujours avec eux à midi, voire le soir. S’il fallait se déplacer à 23h parce qu’un d’entre eux n’était pas bien, on le faisait. On n’en parle pas beaucoup de ça, mais dans le centre de formation, certains se mettent à chialer parce qu’ils sont loin de leur famille, parce qu’ils sont à bout. Ce sont beaucoup de sacrifices et parfois, ils pètent un câble. » Comme tout adolescent en quête de repères, Saphir sait aussi profiter des permanences offertes par le centre pour se changer les idées. « Quand on lui laissait un après-midi de libre, il aimait se faire beau, se mettre du parfum et un peu de gel pour aller se promener en ville avec les jeunes comme Atila Turan ou d’autres, histoire de draguer les copines, sourit Saragaglia. Mais c’était une vie chargée pour lui : il y avait l’école, les entraînements, les études le soir. Il n’y avait pas beaucoup de temps libre non plus… Dès qu’il y avait un week-end de disponible, il rentrait chez lui pour voir sa famille. »
L’Inter, la marche trop tôt
D’après ses performances sur le terrain, le jeune Taïder possède de bons attributs pour prétendre à devenir un jour professionnel, même si certains points restent encore à perfectionner. « Disons qu’on savait qu’il pouvait atteindre un bon niveau, mais il y avait toujours des facteurs inconnus, explique Saragaglia. Est-ce qu’il sera capable d’accepter la charge de travail, d’accepter les conseils que l’on va lui donner ? Va-t-il vraiment bien progresser ? Saphir était un bon élément, mais pas un surdoué, comme on avait pu en avoir dans notre centre. Il ne faisait pas partie des plus forts, mais il pouvait faire quelque chose d’intéressant. » Et pour cause, les fameux conseils de ses entraîneurs grenoblois vont finir par manquer à Saphir au moment d’embrayer sur sa seconde année transalpine à Bologne. La raison ? L’appel du pied de l’Inter. Un grand club d’Italie certes, mais totalement malade depuis son triplé historique avec Mourinho en 2009-2010.
Attiré par le prestige du club, Taïder s’engage avec les Nerazzurri, mais se retrouve vite avec les yeux plus gros que le ventre. « J’étais surpris à moitié on va dire, tranche Saragaglia. En Italie, un jeune qui marche bien pendant une saison va tout de suite attirer les gros clubs. Si j’avais pu être en contact avec lui à ce moment, je lui aurais sûrement conseillé de ne pas signer à l’Inter. C’était un peu trop tôt. Rester un ou deux ans de plus à Bologne, ça lui aurait permis d’apprendre le métier avec moins de pression, de s’aguerrir dans un club moins huppé. Là, il arrivait au moment où l’Inter se cherchait, il n’était pas dans le circuit depuis longtemps… Je m’attendais à ce qu’il soit en difficulté. » Une saison à 34 matchs plus tard aux côtés des légendes vivantes Javier Zanetti ou Diego Milito, Saphir Taïder termine neuvième de Serie A avec l’Inter. Comme avec Bologne l’an passé. L’année suivante, l’Inter continue sa mue et décide de prêter son joueur à Southampton à l’intersaison. 23 jours plus tard, les Saints et l’Inter annulent le prêt, pour laisser Taïder filer à Sassuolo. Une saison moins prolifique que la précédente avec 27 matchs au compteur, à stagner dans le milieu de tableau. Aujourd’hui de retour à Bologne au sein d’une équipe en difficulté, Taïder se retrouve de nouveau à la croisée des chemins. À seulement 23 ans.
Par Antoine Donnarieix
Propos d'Olivier Saragaglia recueillis par AD