Tahiti 80 : « On s’identifie plus à Platini qu’à Cristiano Ronaldo »

En fait, c’était une demande. Il y a un label de Caen qui s’appelle We Want 2 Wecord. Ce sont des copains, ils ont déjà sortis certains de nos disques. Il y a quatre ans, ils avaient fait un vinyle sur la Coupe du monde sur lequel il y avait Cascadeur. Et nous, aussi, avec une chanson qui expliquait que la Coupe du monde, c’était souvent le bon moment pour se fâcher avec sa petite copine. Ils ont voulu rééditer ce projet et là, il y avait cette connexion avec le Brésil donc on a pensé à faire une reprise qui apparaîtra sur cette compilation… K7. K7, oui. Ils ont aussi fait un faux album Panini avec des canards à la place des joueurs – le canard étant l’emblème de leur label : tu as Patrick Collever, Michel Platinid, Diego Armando Marocanard… Il y a 121 exemplaires de la compilation.

Quand on aime la musique du Brésil, on pense à Caetano Veloso, à Os Mutantes : les groupes un peu barrés du tropicalisme. Marcos Valle ne fait pas forcément partie du mouvement, mais a sorti des trucs un peu dingues comme l’album Previsão do Tempo et il y avait un rapport de fan à sa musique, surtout. Après, en relation avec le foot, il y avait une idée assez chouette. Sans comprendre les paroles et sans vouloir faire dans le cliché, il y a ce côté chaloupé, un peu samba. Et quand on écoute les paroles, ça parle un peu de la course à l’argent. C’est pas une protest song, mais c’est vrai que quand on parle de la Coupe du monde au Brésil, voire même au Qatar, on parle beaucoup d’argent. Parfois, ça a tendance à passer devant le côté émotionnel de regarder un match de foot. Ce sous-texte pouvait donner un autre éclairage à cette chanson.

On a un très bon prétexte avec un événement mondial qui fait vibrer plein de gens, mais à côté de ça, l’argent affecté aux stades pourrait sans doute l’être ailleurs. On essaie de ne pas trop y penser pour ne pas gâcher la fête. Mais quand tu penses à ce qui se passe au Qatar – chose qui apparaît beaucoup plus extrême qu’au Brésil – alors que tu sais qu’il n’y aura pas 14 000 clubs installés là-bas… Ça devient énorme. Ça pourrait presque gâcher le plaisir simple et vibrant de voir des gens jouer. Nous, on n’est pas forcément revendicatifs de ce côté-là, mais il faut en être conscient.

Évidemment. Dans le groupe, on est d’ailleurs plus fans des équipes nationales que des clubs. Quand on vient de Rouen, il n’y a pas grand-chose. La dernière sensation haute-normande, c’était Quevilly en Coupe de France il y a quelques années déjà. Et le principal fait d’armes de Rouen, c’était d’avoir des maillots avec un sponsor Mamie Nova ! Et puis il y a un truc chouette dans l’idée de voir tous ces grands joueurs qui se retrouvent pour jouer ensemble. Sans tabou, c’est chouette de vibrer pour son pays à la Coupe du monde. Donc on va mettre des maillots, etc.

Pour une fois, la France est pas mal parce qu’on n’a pas le statut de favori qu’on a pu avoir sur certaines compétitions précédentes. Là, il y a un côté outsider ajouté au facteur Didier Deschamps qui peut faire un peu peur. Ce mec a tout gagné en tant que joueur alors qu’on n’a pas l’idée d’un mec beau à voir jouer. Et puis, il semblerait que les crises de ces dernières années aient été un peu digérées, notamment la fameuse histoire du bus de Knysna il y a quatre ans. Donc voilà, la France n’a pas la pression qu’elle a d’habitude. Après, on est dans un groupe potentiellement facile, alors qu’on est mieux à jouer contre de meilleures équipes que nous. Je suis optimiste et j’ai surtout hâte que ça commence. Sur sept matchs, tout peut arriver. Regarde, Guingamp a bien remporté la Coupe de France. Même si en Coupe du monde, il y a peu de chance que le Honduras passe devant. Et puis on a des bons joueurs, mais il ne faut pas trop leur dire, il faut qu’ils soient dans l’ombre. Tu prends l’équipe d’Angleterre qui a été poussée à chaque Coupe du monde. Résultat : grosse pression sur les épaules, les joueurs arrivent fatigués de leur championnat, ça décolle pas après les quarts de finale et ça perd aux penalties parce qu’ils en mettent aucun. Donc laissons-les tranquilles et voyons.

On a fait un clip illustratif, on y a mis des images du Mondial 78 ou 82, je ne sais plus. Ce sont surtout les images d’un vieux générique de Téléfoot. On est un peu de cette génération-là, celle de Michel Platini, celle de la France qui gagne au foot. Platini, Hinault, Noah, c’est la trilogie. Il y a aussi des images de jeux vidéo, mais les anciens comme Kick Off. J’ai joué aux vieux jeux, mais j’ai du mal à me reconnaître dans les jeux de maintenant, trop réalistes. Ça fait peut-être un peu vieux con, mais trop de possibilités, sans doute. D’ailleurs, tu as vu, quand on cherche les résumés de matchs sur Youtube, c’est assez étrange de trouver des mecs qui rejouent les actions de but virtuellement. Je trouve drôle de parler de ça parce qu’on avait un morceau dans FIFA 07, Big Day, et ça nous a pas mal aidés à nous faire connaître. Pedro et Médéric n’arrêtaient pas d’y jouer, c’est un grand moment de notre carrière ! Mais le foot, pour moi, c’est comme en musique : il y a toujours cette petite nostalgie, un vernis assez joli. Le morceau de Marcos Valle date de 1972, par exemple. C’est pas récent. Platini, c’est un football différent. De quand les footballeurs avaient un peu des airs, des coupes de cheveux de rockstars… Nous, on s’identifie plus à Platini qu’à Cristiano Ronaldo.

Spontanément, le plus Keith Richards de la bande, c’est Balotelli. Je pense pas qu’il écoute beaucoup de rock, mais il a un côté dangereux. On ne sait pas trop ce qu’il va faire. En équipe de France, je crois que les gens aimaient bien Yoann Gourcuff pour ça. Il n’ira sans doute pas à la Coupe du monde et c’est bien dommage, mais il avait ce côté un peu plus indé. Je voudrais savoir ce qu’il écoute, mais je l’imagine bien écouter des groupes anglais et traîner sur Pitchfork voir quelles sont les nouveautés.