- Euro 2024
- 8es
- France-Belgique (1-0)
Saliba, le franc populaire
De nouveau posé aux côtés de Dayot Upamecano, lundi, face à la Belgique, le natif de Bondy a été le grand monsieur d’un drôle de succès bleu (1-0) au terme d’un huitième de finale étrange, qui aura vu l’équipe de France assez peu trembler comme assez peu se marrer.
Depuis un peu plus de 24 heures, il n’y en avait que pour lui. Lui : un quadrilatère, avec quatre côtés de la même longueur, hier nommé rhombe, aujourd’hui appelé losange, plus vu chez les Bleus depuis plusieurs années. Puis, sur les coups de 18 heures, lundi, alors que l’équipe de France et la Belgique attaquaient un huitième de finale de l’Euro qui a très vite pris une tournure plutôt étrange, l’omniprésent des discussions d’avant-match est soudain devenu absent. Non, le 4-4-2 losange attendu n’a pas été posé sur le gazon de Düsseldorf par un Didier Deschamps bluffeur et non, plus embêtant, nous n’avons pas encore retrouvé la meilleure version d’un Antoine Griezmann à la peine depuis le début du tournoi.
Mais qu’avons-nous alors vu ? D’un côté, une Belgique qui avait un plan assumé, très clair, alors qu’elle peinait à subir jusqu’ici : installer un bloc médian bas sans ballon en 4-4-2, avec De Bruyne installé aux côtés d’Onana, de façon à pouvoir, à la récupération, exploser en transitions grâce à un paquet de poumons (Doku, Openda, Lukaku, Carrasco). De l’autre, des Bleus dans une configuration plutôt inattendue et qui ont, très majoritairement, eu le contrôle des échanges : un 4-5-1 sans ballon qui devenait un 3-4-3 avec, où Aurélien Tchouaméni venait décrocher d’un côté ou de l’autre d’un central, où Koundé et Hernandez grimpaient occuper les couloirs et où Griezmann et Mbappé venaient entourer Thuram. En réalité, nous avons surtout assez peu vu de foot faisant décoller de son siège, mais comme un match de championnat d’Europe se gagne avant de se jouer, Didier Deschamps s’en satisfera et retiendra certainement que son équipe a dominé (c’est vrai), que c’est elle qui a le plus tenté sa chance (c’est vrai aussi, 19 fois, pour deux petits tirs cadrés, soit autant que les Belges en cinq tentatives) et qu’elle n’aura quasiment rien concédé (c’est encore vrai, le train bleu stoppant la majorité des tentatives de transitions belges). Circulez, rien à voir ?
L’animation avec ballon de l’équipe de France, où le positionnement de Tchouaméni a, de nouveau, aidé les Bleus à couper les transitions offensives adverses, mais où Griezmann n’a pas réussi à retrouver le sourire.
Le bouclier de Bondy
Ce serait, bien sûr, bien trop simple et il y aura pas mal à redire sur ce quatrième match tricolore dans cet Euro 2024, tant ce dernier a de nouveau été pénible à suivre sur de nombreuses séquences. Oui, l’équipe de France n’en est pas la seule responsable et a vu Koundé montrer de bonnes choses dans le dernier tiers, mais elle n’aura tout de même pas mis tous les ingrédients nécessaires pour emmener cette rencontre là où elle le méritait. Les Bleus ont longtemps été en galère pour mettre de l’intensité, du rythme, sans ligne directrice, sans courses dans la profondeur, sans liens entre offensifs (Griezmann et Mbappé, trop écartés pour briller main dans la main, n’ont ainsi échangé que sept ballons), sans folie, sans tête créatrice entre les lignes, et ont dû se contenter d’une passe ratée de Griezmann (10e), puis d’une frappe lointaine de Tchouaméni (49e) pour réchauffer les gants de Casteels.
Et le but marqué grâce à une déviation de Vertonghen dans tout ça ? Lui, il faudra le retenir, car c’est un symbole, un vrai. D’abord, car le décalage a été créé grâce à une étincelle de Theo Hernandez, encore précieux dans tous les domaines. Ensuite, car il est arrivé dans la foulée d’une récupération dans le camp français de William Saliba sur Romelu Lukaku. Cet élément n’est pas anodin : encore aligné avec Upamecano, le défenseur d’Arsenal a été, avec Koundé, Hernandez, Maignan et Tchouaméni, le meilleur Français, coupant à la source plusieurs transitions et croquant très vite Lukaku dans le match dans le match. Le natif de Bondy n’aura au total abandonné que trois ballons, dont un a failli coûter très cher (61e) avant que Theo Hernandez sorte un tacle héroïque sur Carrasco, mais il a surtout laissé un esprit et un calme bluffant jaillir de son match, passant même tout proche d’ouvrir le score (74e).
Son intervention sur Lukaku, point de départ de l’ouverture du score.
« William fait une compétition incroyable, a noté Aurélien Tchouaméni après la rencontre. Je suis super content pour lui parce qu’il le mérite. » Il y a quelques mois, pourtant, Deschamps semblait loin d’être convaincu par le profil, mais l’une des petites histoires de cet Euro est que le sélectionneur français a monté pour le tournoi une paire qui tient pour le moment le choc, bien aidée par deux latéraux impeccables. Dans les faits, Upamecano et Saliba ne sont pourtant pas les plus complémentaires, chacun allant souvent dans le sens de l’action de l’autre (les deux jaillissent ou couvrent au même moment), ce qu’on a notamment vu sur l’action qui a amené le penalty de la Pologne ou encore aujourd’hui sur la frappe de De Bruyne en fin de match. Jusqu’ici, les deux aident cependant à maintenir sur pied un équilibre défensif qui ne l’est pas toujours grâce à leurs qualités fortes plus que grâce à une organisation au millimètre. Tout un symbole, là aussi. Mais jusqu’où tout ça tiendra ? Bonne question. Vite, le quart, pour – peut-être – les réponses.
Par Maxime Brigand