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Tactique : un Bruno Fernandes, ça change la vie
Arrivé en janvier dernier avec une étiquette de crack, le Portugais n’aura eu besoin que d’une quinzaine de matchs pour réussir un coup double : se mettre ses nouveaux supporters dans la poche et relever un Manchester United soudain devenu imbattable avec son nouveau meneur de jeu. Décryptage d’un phénomène.
Genoux au sol, c’est le bonheur ultime. Sourire Colgate et maillot trempé, Bruno Fernandes glisse sur le gazon billard de l’Amex Stadium de Brighton et lâche une mandale dans le vide avant de se boucher les oreilles. Dans le Sussex, Manchester United est en balade et vient de sortir une séquence révélatrice d’une équipe gourmande et relâchée. À la suite d’un duel aérien remporté par Maguire, Nemanja Matić s’offre un enchaînement contrôle poitrine-volée pour lancer en profondeur la mobylette Greenwood. Derrière, c’est le merveilleux qui se met en branle : centre de la pépite, volée claquée par Fernandes, but.
Effet garanti et confirmation : ce joueur est sur un nuage et un cadeau pour une époque qui adore enfermer les acteurs dans des compilations YouTube. Mais Bruno Fernandes est bien plus que ça et excelle avant tout dans ce qui ne se mesure pas : la simplicité, la passe parfaite, le contrôle orienté qui est un dribble… C’est avant tout avec ces détails précieux que le Portugais a déplumé Brighton le 30 juin dernier et grâce à eux qu’il est reparti de son quatorzième voyage mancunien avec une nouvelle masterclass sous le bras, saupoudrée de deux buts. Quelques jours plus tard, lors de la réception de Bournemouth, rebelote : on a vu Bruno Fernandes secouer les arbres, faire tomber les cerises et recracher les noyaux avec la simplicité d’un Lucky Luke roulant ses clopes. Bilan : un but, deux passes décisives. Le nouveau porte-flingue de Manchester United a de nouveau été partout. Il n’y a plus de doute : cet homme n’est pas fait du même bois.
Ancien assassin en crampons, Ole Gunnar Solskjær ne pouvait évidemment que tomber sous le charme : « C’est notre facteur X, car c’est un preneur de risques, un homme qui a du courage. Il accepte de faire des erreurs et comme il a un cerveau plus rapide que beaucoup d’autres… » Et bien souvent, ça fait mal, Bruno Fernandes possédant la qualité des grands : avec lui, ce n’est pas le ballon qui court, c’est le joueur. Grâce à une technique fine, certains ont alors eu le sentiment sincère d’assister à un miracle en le voyant jouer avec le temps comme un chat joue avec une souris. Dans un article pour The Athletic, le journaliste Michael Cox affirmait même récemment que Bruno Fernandes était encore plus dangereux lorsqu’il était immobile. Là est sa principale qualité : ce mec domine le rythme comme peu de joueurs et sait quand accélérer, quand décélérer, quand déclencher, quand conserver, quand presser, quand se contenter de « cadrer » le joueur adverse. Lubrifiant offensif de son équipe et premier défenseur, il permet à Manchester United de ne jamais être désorganisé et surtout de ne plus perdre. Depuis l’arrivée de Bruno Fernandes en janvier, simple : les Red Devils ont empilé six victoires et trois nuls en Premier League, se sont donné le droit de se battre avec Chelsea et Leicester pour disputer la prochaine Ligue des champions, se sont qualifiés pour les demi-finales de la FA Cup et ont remporté leur huitième de finale aller de C3 avec éclat (0-5, à LASK). Ça pose un type.
L’abeille capable de piquer dans toutes les zones
Naturellement, à Birmingham, où Manchester United a rendez-vous jeudi soir pour dîner avec Aston Villa, c’est encore sur l’international portugais que les regards se poseront avant d’éventuellement s’attarder sur un Anthony Martial retrouvé, sur un Matić de retour au premier plan, sur Paul Pogba ou sur les étincelles créées par Mason Greenwood. Comment l’expliquer ? Par un fait : si tous ces joueurs ont retrouvé la banane depuis quelques mois, c’est avant tout grâce à l’arrivée à leurs côtés d’un créatif, roi dans l’art du cassage de lignes et des coups de pied arrêtés. D’un coup, une équipe qui peinait à percer les défenses adverses est devenue une machine offensive variée, plus imprévisible et très difficile à stopper. Ce qui nous amène à un second fait : Bruno Fernandes est dangereux pour les autres, car il sait piquer dans toutes les zones du terrain, ce qui est favorisé par un rôle un poil plus reculé que celui qu’il avait au Sporting, les ailiers mancuniens (Rashford et Greenwood) ayant une tendance naturelle à repiquer dans l’axe.
Ici, Bruno Fernandes va conserver le ballon pendant trois-quatre secondes avant d’attendre de coller parfaitement à l’appel de Juan Mata. Parfaitement trouvé, l’Espagnol n’aura ensuite plus qu’à remettre pour Ighalo plein axe :
Bruno Fernandes n’hésite pas à redescendre au niveau du rond central pour servir de relais à Harry Maguire dans la sortie de balle et trouver rapidement McTominay dans l’interligne. Sa passe élimine ici cinq joueurs d’un coup et permet à MU de rapidement atteindre la surface adverse :
Lorsqu’il est trouvé dans le sens du jeu, Bruno Fernandes a la capacité de déclencher sur un pas :
Bruno Fernandes est aussi précieux dans sa capacité à « tourner » le jeu, ici vers Shaw :
Lorsqu’il a de l’espace, Bruno Fernandes peut faire parler sa qualité principale : sa frappe lointaine.
Enfin, autre arme de son arsenal : les coups francs. Le premier sera stoppé, le second va tromper le portier de Bournemouth, Aaron Ramsdale.
Matić, l’atout parfait pour un plan à trois
Si les débuts de Bruno Fernandes à Manchester United ont rapidement été prometteurs, le retour de blessure de Paul Pogba et celui en grâce de Nemanja Matić ont permis à Ole Gunnar Solskjær de retaper son milieu, notamment en phase de possession. L’introduction du Serbe permet en effet à Bruno Fernandes et à Paul Pogba d’évoluer un cran plus haut et donc à Manchester United d’être encore plus fourni offensivement.
Avec le ballon, Manchester United se transforme en 3-4-3, avec Matić évoluant aux côtés de Maguire et Lindelöf, Pogba et Bruno Fernandes pour permettre la progression du ballon entre les interlignes, mais surtout des latéraux très hauts pour apporter de la largeur, alors que les ailiers (Greenwood et Rashford) se recentrent aux côtés de Martial. Désormais, Fernandes n’a plus à redescendre aussi bas pour être servi :
Le Portugais reste une solution préférentielle dans la progression, ici pour Matić…
… et là pour Pogba.
Ce changement dans la structure permet aussi à Manchester United de gagner en variété. L’ouverture du score de Greenwood à Brighton est un bel exemple, puisqu’on voit sur l’action la possibilité donnée, grâce à la présence de Matić pour faire tampon entre les phases défensives et offensives, à Lindelöf de s’inclure dans la phase offensive et donc d’ouvrir un espace pour le jeune ailier anglais.
« C’est simplement un joueur à part »
Enfin, l’autre élément apporté sur la table par Bruno Fernandes est son mental. « Avec lui, 99%, ce n’est pas assez. Il a amené une aura et une mentalité de vainqueur », soufflait il y a quelques semaines Ole Gunnar Solskjær, là où David de Gea a été encore plus clair : « C’est simplement un joueur différent, à part. » Notamment un joueur qui participe à toutes les phases de jeu et qui a la capacité de ne jamais déconnecter son équipe grâce à un contre-pressing permanent. Désormais, Manchester United n’est plus le bloc découpé qu’il pouvait être lors de la première partie de saison, et Solskjær possède, avec Bruno Fernandes, un joueur capable de couper les contres adverses. Petit exemple avec ces deux situations :
Sept mois après son arrivée en Angleterre, Bruno Fernandes s’est imposé comme le joueur clutch d’un Manchester United revigoré, où Solskjær continue de retaper pièce par pièce un monstre en voie de retour au premier plan. « Nous ne sommes plus très loin, et cette équipe pourra rapidement se battre pour le titre », avançait il y a quelques jours le Norvégien, qui tient pour de bon un esprit entre les doigts, symbolisé par les résultats de la deuxième partie de saison de ses hommes. OGS tient aussi un héros, à la recherche du bonheur pour lui et pour les autres, à la tête bien faite, élu joueur du mois un mois seulement après son arrivée, impliqué dans 26 buts en 26 rencontres disputées cette saison, Liga NOS et Premier League confondus, et qui a remis du soleil au milieu d’un club qui faisait hurler ses supporters en début d’année. Ce n’est peut-être qu’un début, mais un début XXL. Un génie ? L’idée commence à faire son chemin.
Par Maxime Brigand