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Randal Kolo Muani, sur l’Autobahn du succès
Meilleur passeur de Bundesliga avec Francfort et presque sauveur en finale du Mondial avec l’équipe de France, Randal Kolo Muani gravit les échelons à une vitesse folle. Coup de radar sur la fusée RKM avant d’affronter le Bayern Munich ce samedi.
Alors que l’Hexagone était à un pied d’Emiliano Martínez de subir de plein fouet une épidémie de kolo-muanite aïgue, l’Allemagne, elle, n’a pas résisté à la fièvre. L’ascension fulgurante de Randal, arrivé libre de la Jonelière l’été dernier, n’avait toutefois rien d’une évidence. S’il fait preuve de discrétion, voire d’innocence en dehors des terrains, l’attaquant de 23 ans voit son évolution footballistique être récompensée grâce à une implication irréprochable. La relation qu’il entretenait avec Antoine Kombouaré était qualifiée par ce dernier comme « père fils », les déclarations de son boss actuel Oliver Glasner témoignent d’un joueur « à l’écoute » et d’un « super garçon »… Tant de facteurs humains qui, en plus de permettre à un joueur de changer de dimension sportivement, rendent une personnalité forcément attachante et méritante. Néanmoins, le natif de Bondy ne doit pas ses exploits sur les terrains allemands qu’à quelques sourires et belles paroles. Plus qu’un caractère rafraîchissant, Randal Kolo Muani est avant tout un joueur de football différent.
Total Randal
Aligné à la pointe du 3-4-2-1 de l’Eintracht, le train de Bondy s’épanouit dans les grands espaces verts que lui offre une équipe qui fait tout pour le mettre sur les bons rails. Quatrième du championnat à cinq points du leader bavarois, Francfort ne dispose que du sixième meilleur taux de possession de balle d’Allemagne avec à peine plus de 50%. Une statistique qui s’explique facilement par la volonté d’Oliver Glasner d’offrir espaces et transitions à des joueurs comme Jesper Lindstrøm ou Randal Kolo Muani, qui n’attendent que ça. Néanmoins, le Français n’est pas uniquement un destinataire de cette approche, il en est aussi l’expéditeur. Pleinement investi et responsabilisé dans l’élaboration des contre-attaques, l’ancien Nantais est aujourd’hui le premier relais recherché à la récupération, celui qui permettra de mettre sur orbite ses partenaires. Pour ce faire, le numéro 9 des Aigles peut s’appuyer sur deux qualités fortes : son jeu dos au but et sa qualité pour servir la profondeur. À l’aise pour décrocher, remiser et se projeter, la justesse et la disponibilité de Kolo Muani sont un lien parfait entre les différentes zones du terrain. L’illustration parfaite étant la relation naturelle qu’il entretient avec l’excellent Danois Lindstrøm – Randal étant droitier, il semble logique qu’il s’oriente le plus souvent vers le côté droit -, meilleur buteur de Francfort en Bundesliga cette saison à égalité avec Daichi Kamada (7 buts).
Face à Schalke le 21 janvier dernier pour la reprise de la Bundesliga (3-0) : Eric Junior Dina-Ebimbe entame la transition pour Francfort. D’une passe verticale, il cherche directement le décrochage de Kolo Muani comme premier relais…
D’une excellente passe en une touche, l’attaquant oriente vers le côté droit de Lindstrøm lancé dans son couloir…
Qui s’en ira conclure de l’autre côté du terrain, 11 secondes après la première passe.
Lors de la réception de Leverkusen (5-1) le 15 octobre: Kolo Muani hérite d’un ballon perdu par le Bayer dans le cœur du jeu. Instantanément, l’ancien Canari s’oriente vers l’avant, et Lindstrøm démarre sa course…
Il élimine ensuite d’un crochet extérieur le contre-pressing adverse…
Avant d’envoyer en face à face son collègue danois d’une passe qu’il maîtrise parfaitement, en fermant son pied. Situation que Lindstrøm ne concluera pas.
Plus qu’un excellent maillon au cœur du jeu, Randal peut aussi et surtout se muer en passeur décisif dans le dernier tiers adverse. Une qualité tellement forte qu’elle le propulse tout en haut des tableaux statistiques de la Bundesliga, où il demeure meilleur passeur avec 11 offrandes en 16 matchs (total le plus élevé après autant de rencontres disputées depuis 2004-2005) et au rang du joueur le plus décisif du championnat devant Jamal Musiala avec 17 contributions au score (dont 6 buts). Un atout offensif majeur pour Glasner qui dispose d’une arme aux multiples options dont le dribble, les passes dans l’intervalle – il maîtrise tous les angles, mais semble particulièrement à l’aise pour fermer son pied – et les centres en retrait constituent les munitions les plus létales. Toujours dans un souci d’altruisme qu’il résume plutôt bien avec ses mots quand on l’interroge sur son statut de meilleur passeur : « Au moins, on peut dire que les attaquants font des passes, ce n’est pas tous des radins. »
À Berlin, face au Hertha (1-1), le 13 août dernier : Kolo Muani est de nouveau ciblé directement à la récupération, cette fois par son compatriote Evan Ndicka. Il s’oriente et percute vers la surface adverse…
Dans les derniers mètres, il offre sa “spéciale”, pied fermé, à Rafael Santos Borré qui plonge alors vers la surface…
Mais ce dernier ne parviendra pas à offrir la victoire aux siens.
Quelques semaines plus tard, face à Union (2-0) : Randal percute côté droit, zone dans laquelle il aime décrocher pour faire parler sa vitesse et sa capacité à éliminer…
Avant de se défaire d’un crochet extérieur, encore une fois, de son premier vis-à-vis…
Et d’avoir la lucidité et la justesse de servir Mario Götze en retrait, d’une passe pied fermé comme toujours, pour l’ouverture du score.
Après l’effort… encore l’effort
Leader de la révolte lors du troisième match de poule face à la Tunisie et en finale face à l’Argentine, le caractère hargneux et revanchard de Kolo Muani n’a pas manqué de conquérir le public français durant la Coupe du monde. Toutefois, ce volume de jeu et ce travail sans ballon n’étaient pas qu’un épiphénomène dû à l’enjeu d’un Mondial mais une véritable constante depuis son arrivée de l’autre côté du Rhin en juillet dernier. Dans une équipe qui n’est pas parmi celles qui pressent le plus en Bundesliga, RKM s’illustre surtout par son implication dans le contre-pressing et sa volonté au duel, à l’heure où il doit remettre un coup de collier après la perte du ballon et où nombreux sont les attaquants qui disparaissent. Une fougue qui lui avait coûté un carton rouge lors de la réception de l’Union Berlin (2-0) début octobre ainsi qu’une débauche d’énergie qui ne lui permet pas d’enchaîner les matchs à 90 minutes (seulement cinq sur seize pour lui cette saison, alors qu’il est un titulaire indiscutable). Une situation qu’il résume avec beaucoup de lucidité, toujours dans un souci du collectif : « Il faudrait que je tienne un match de 90 minutes, mais si on me remplace et que mon coéquipier marque, franchement, je peux faire ça tous les week-ends. »
Face au Bayern le 5 août dernier (1-6) : Kristijan Jakić sert Kolo Muani en transition…
Mais le ballon est trop long et termine directement dans les pieds de Manuel Neuer. Après un léger relâchement à la suite de la perte de balle, Randal se remet en selle et s’en va presser le portier du Bayern malgré le score difficile…
Jusqu’à déposséder le géant allemand du ballon au duel…
Et à sauver l’honneur.
Lors de la victoire de Francfort face à Hoffenheim (4-2) début novembre dernier: Kolo Muani s’active au repli malgré le score relativement aisé et le nombre de minutes jouées…
Grâce à beaucoup de détermination et de fermeté au duel, il met le pied sur le ballon et le propulse dans les pieds de son partenaire…
Qui l’enverra ensuite directement en contre-attaque de l’autre côté.
Arrivé sur la pointe des pieds dans une équipe championne d’Europe, l’ancien Nantais a depuis fait beaucoup de bruit. Celui qui demeure comme le nom le plus floqué sur les maillots de Francfort depuis son retour du Qatar semble s’affirmer un peu plus chaque jour dans le groupe allemand, en témoigne Oliver Glasner : « La Coupe du monde l’a fait progresser dans sa personnalité, il a davantage confiance en lui. Je le trouve plus présent. J’ai l’impression qu’il se lâche. Même dans les exercices, il est devenu plus bruyant. C’est positif. » Alors, au moment d’entamer une deuxième partie de saison qui le verra jouer les premiers rôles en Bundesliga ainsi qu’un huitième de finale de Ligue des champions face à Naples, la fusée Kolo Muani est lancée. Première destination: l’Allianz Arena de Munich ce samedi, pour ce qui pourrait ressembler à un entretien d’embauche.
Par Matthias Ribeiro