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Tactique : pourquoi Phil Foden est unique

Par Maxime Brigand
Tactique : pourquoi Phil Foden est unique

Plus de quatre ans après avoir tapé dans l'œil de Pep Guardiola, Phil Foden est devenu, à 20 ans, un joueur central dans le club de sa vie et un joueur unique grâce à une capacité unique à jongler entre les rôles. Décryptage.

Il faut d’abord imaginer une nuit d’été américaine et vingt-deux types en short propulsés au milieu de l’essaim d’abeilles que peut devenir le NRG Stadium de Houston un soir de match. Puis, il faut écouter Pep Guardiola ouvrir son cœur au sujet d’un gosse qu’il vient de pousser dans le bain et qui semble déjà avoir choisi le camp des hommes qui aiment se balader avec un pistolet chargé à la ceinture : « Les gars, je n’ai pas de mots. J’aimerais pourtant vraiment en avoir pour décrire ce que je viens de voir. Estimez-vous heureux, parce que vous avez eu de la chance ce soir. Vous êtes désormais les chanceux qui ont vu le premier match en équipe première de ce joueur. Il y a longtemps que je n’avais pas vu quelque chose comme ça. C’est une performance d’un autre niveau. Honnêtement, c’est un cadeau : il a grandi à l’académie, c’est un supporter de City… C’est unique. » Phil Foden a toujours été un gars à part dans la maison de fous qu’est le football anglais, et ce, dès cette première soirée de l’été 2017 où, lors d’un match amical de présaison face à Manchester United, on l’avait vu au bout de sept minutes hurler sur Fernandinho, coupable d’avoir oublié de le servir, mais surtout sortir un récital. Mais Foden est-il seulement anglais ? Son jeu, un cocktail de crochets serrés, de passes courtes et de variations de rythme, puis sa capacité à toujours trouver les chemins dégagés posent la question. Ces qualités poussent aussi à se dire que l’Angleterre possède avec le joueur de Manchester City un drôle d’objet. Drôle car incasable, si bien que Guardiola a fini par trancher le débat il y a quelques mois : « C’est simple, Phil peut jouer à tous les postes offensifs. » S’il était possible de l’imaginer au fil des premières sorties d’un joueur qui se plaît à transformer son temps libre en partie de pêche, tout le monde en a eu la confirmation au début du mois de février dernier au cours de la destruction de Liverpool à Anfield (1-4) par Manchester City. Une rencontre marquée par les multiples changements de masque de Foden.

Merlin l’Enchanteur en crampons

Face à des Reds dans le doute et minés par les blessures, Phil Foden avait alors, ce jour-là, été absolument partout et s’était transformé en Merlin l’Enchanteur, s’amusant, lui aussi, à jongler avec franchise et ruse pour faire en sorte que tout tourne rond. Installé au coup d’envoi en faux 9 par Pep Guardiola, la première mission de Foden était double : faire sortir le duo Henderson-Fabinho, installé par les circonstances en défense centrale, et mettre le bazar entre les lignes en venant créer une supériorité numérique sur le milieu de Liverpool. De là à voir en Foden un nouveau Messi ? Trop simple, car dans son rôle multiple, l’Anglais apporte plus que l’Argentin, notamment grâce à une implication défensive de tous les instants et donc un refus de la déconnexion.

Preuve de ce refus de la déconnexion : à la 27e, Foden décroche et vient interrompre une discussion entre Thiago Alcántara et Curtis Jones…

… puis il vient se placer dans une zone laissée à l’abandon pour pouvoir être touché par Rodri…

… de cette zone, il peut ensuite lancer Mahrez en un contre un avec Henderson. Sur ce mouvement, Mané effectue un bon retour.

Autre séquence, autre rôle : celui de planche pour Gündoğan.

Sur celle-ci, on voit le fameux 4 contre 3 créé grâce à ses décrochages.

Mouvements wilsheriens et air des grandes nuits

La première qualité de Foden, au-delà de sa faculté à avoir la bonne réponse au moindre problème et de pouvoir amorcer une bombe à n’importe quel instant de n’importe quel endroit, est de toujours réussir à répondre lors des grands cols. Depuis son débarquement dans le grand monde, il est possible de se souvenir de plusieurs sommets avalés avec le sourire par l’Anglais : le Chelsea-City de janvier 2021, la réception de Tottenham un mois plus tard, le City-Real de l’été 2020, ses affrontements avec Arsenal, la finale de Carabao Cup 2020 contre Aston Villa, puis celle de 2021 gagnée contre Tottenham dimanche… Plus récemment, sa double confrontation avec le Borussia Dortmund a été parfaite sur tous les points, tout comme sa copie rendue face à Villa le 21 avril. Parfait, pour ça : à 20 ans, Phil Foden excelle dans toutes les phases de jeu et bonifie chaque ballon touché en faisant avancer le jeu en deux-trois touches de balle plutôt qu’avec des longues séquences de conservation individuelle. Sa deuxième période à Anfield l’avait d’ailleurs démontré, Foden devenant, grâce à un ajustement tactique, une arme dans la profondeur et dans la surface en plus d’être un lubrifiant dans l’entrejeu.

Peu d’espaces, et alors ?

Face à Tottenham en février, autre mouvement, où l’on avait retrouvé le Foden dribbleur dans les petits espaces et passeur en série derrière.

À Dortmund, symbole du Foden relais entre les lignes et parfait craqueur d’allumettes.

Foden, 70 kilos sur 171 centimètres, sait quand conserver la balle, quand la donner, quand jouer court, quand jouer long, quand écarter le jeu, quand jouer en profondeur, quand décrocher, quand lancer un appel, mais le gamin de Stockport sait surtout se fondre dans les scénarios à la manière d’un Daniel Day-Lewis. Ainsi, à Dortmund ou face à Aston Villa, on l’a vu se tenir à son côté et ne le quitter que pour venir agiter le demi-espace, zone mortelle pour sa vivacité et ses mouvements wilsheriens (conduite du bout du pied gauche, main tendue en l’air comme pour dessiner ses courbes…). Plus fort encore, Phil Foden, qui ne se balade jamais sans sa première touche d’une beauté rare et un numéro 47 hommage à son grand-père, joue toujours au foot avec le sourire et semble se battre pour déchirer chaque étiquette posée sur ses mollets. Il n’est ainsi pas simple de connaître son avenir, lui qu’on imaginait dans un premier temps en successeur de David Silva, mais une certitude : ce mec, deuxième joueur de l’effectif de City en matière de buts et passes décisives (0,74 par match) derrière Kevin De Bruyne, un autre grand polyvalent, est bien en train de devenir le produit unique qui avait tapé dans l’œil de Guardiola lors de l’été 2017 et devrait être, avec ses différents déguisements, le danger principal à surveiller pour le PSG, l’Anglais étant aussi difficile à attraper que la poussière, amenant de l’élasticité dans un City qui tire la langue depuis quelques semaines et commençant à parfaitement connaître l’air des grandes nuits. Préférant souvent jouer sans attaquant fixe et avec un système offensif liquide, Pep Guardiola, qui a longtemps voulu prendre soin de sa pépite avant de l’envoyer au feu, semble aujourd’hui tenir le produit ultime de sa carrière. Un produit qui pèse déjà plus de 100 matchs de Premier League et un paquet d’espoirs. Que le bal masqué continue.

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