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Tactique : pourquoi Luis Enrique aime autant Barcola ?
Quatrième recrue la plus chère de l'été parisien, Bradley Barcola, priorité absolue de Luis Enrique, a connu une belle première titularisation face à l'OM dimanche dernier. Il a surtout déjà montré tout ce que la richesse de son profil pouvait apporter.
Treize jours après avoir été invité à faire ses cartons, refermant alors une drôle de boucle de onze mois passés dans le Rhône aux côtés de Laurent Blanc, Franck Passi avait au moins deux bonnes raisons d’allumer sa télé dimanche soir dernier : sa curiosité naturelle pour un PSG-OM et la première dans le onze de départ parisien d’un nouveau bolide. Pas n’importe lequel, évidemment, Passi ayant participé ces derniers mois à la sortie d’usine du bolide en question. « Naturellement, j’étais curieux de le voir en action, mais je n’ai pas vraiment été surpris, analyse l’ex-coach adjoint de l’OL. Il a fait de belles choses et il fallait qu’il démarre comme ça, en se mettant au service de son équipe. Je l’ai trouvé intéressant, toujours aussi fort dans le un contre un, mais je l’ai aussi trouvé un petit peu plus timide que quand il était à Lyon. Je pense qu’il peut avoir encore plus de volume, qu’il peut montrer encore plus de choses. » Bien sûr, ce n’était que des débuts, mais au sortir de la large victoire parisienne (4-0), Bradley Barcola, 21 ans, a quand même pris sa dose de lumière. Son nouveau coach, Luis Enrique, est même venu l’arroser d’éloges : « J’aime tout chez lui. C’est un joueur avec une marge de progression fantastique, qui apporte de la vitesse, des débordements, du travail défensif… C’est une merveille d’avoir Bradley au sein de notre effectif. » Mais comment expliquer un tel enthousiasme du technicien espagnol ?
Ce dernier ne s’en est jamais caché : dès son arrivée à Paris, l’international espoirs français a rapidement été glissé parmi les cibles prioritaires. L’affaire n’a pas été simple à conclure, et les discussions ont duré jusqu’au crépuscule du mercato estival, mais Luis Enrique voulait à tout prix l’ancien joueur de l’OL pour l’épaisseur de son profil. Soit celui d’un jeune potentiel dynamique, capable d’interpréter la quasi totalité des rôles offensifs et de dynamiter les lignes défensives adverses de multiples façons. « Quand on est arrivés à l’automne 2022, on avait vu quelques vidéos de lui, mais à l’entraînement, on ne le reconnaissaît pas du tout, rejoue Franck Passi. Quand on parlait avec les responsables de la réserve de l’OL, Bradley ne faisait pas non plus l’unanimité. Un jour, après une séance entre attaquants, on lui a dit qu’il devait se forcer un peu, être plus décisif en réserve s’il voulait exister chez les pros… Puis, à la fin de l’année, on a été faire ce stage à Dubaï qui a tout changé. Il a eu du temps de jeu, il s’est libéré, il nous a montré des choses, on l’a accompagné pour qu’il progresse dans le dernier geste et il a très vite eu sa chance dans le onze, car il apporte des choses que les autres n’apportent pas. Il sait être déséquilibrant, discipliné sans le ballon, attaquer la profondeur, ce qu’il était plus ou moins le seul à faire dans l’effectif, et de fait, il devient une arme utile à tous les niveaux : défense placée, attaque placée, dans les transitions… » D’où le chèque de 45 millions d’euros signé par le PSG cet été.
L’ailier illisible
Après deux entrées à Lyon et face à Nice, il existait une curiosité à l’heure de voir Barcola dans un onze de départ avec ce PSG et, dimanche dernier, personne n’a été déçu. Très prometteur tout au long de son premier semestre avec les pros à l’OL, l’ailier, installé à gauche face à l’OM dans une animation offensive qui a vite pris l’allure d’un 3-3-4, l’a été de nouveau en offrant pas mal d’ingrédients à son nouveau clan. S’il a évolué dans la même zone d’action que celle occupée par Vitinha depuis le début de saison, le Français offre évidemment un autre profil que l’international portugais qui, en attaque placée, tente plus systématiquement de venir combiner à l’intérieur avec Kylian Mbappé et est davantage un joueur de contrôle qu’un briseur de reins. Dimanche dernier, Barcola a, lui, matraqué ceux du pauvre Jonathan Clauss, et ce, dès la quatrième minute de la rencontre. Chargé, comme Ousmane Dembélé de l’autre côté, de fixer la défense adverse, le nouveau numéro 29 du PSG a alors fait parler sa faculté à être souvent illisible dans le un contre un, ce qui a été facilité par le fait qu’il n’avait jamais touché autant de ballons (33) dans le dernier tiers lors d’une rencontre de Ligue 1. Sans surprise, il a même terminé celle-ci avec le plus haut total de dribbles réussis (4) et tentés (6). Il n’a, au passage, battu ce total de dribbles réussis qu’une seule fois (à Lille, en mars dernier).
Première séquence symbole de l’illisibilité de Barcola à la quatrième minute. Alors que Lucas Hernandez enclenche une nouvelle phase de possession pour le PSG, l’ancien Lyonnais va d’abord s’écarter pour étirer la ligne défensive adverse.
Puis, il va enclencher un premier appel dans le dos de Clauss…
… appel qui va faire reculer Clauss d’un pas et lui offrir un peu de temps pour la suite de la situation.
Barcola peut alors venir provoquer son vis-à-vis…
… cette situation devient alors mortelle pour un latéral comme Clauss, qui ne peut être soutenu par Mbemba, au marquage de Kolo Muani. Barcola l’attaque par un premier passement de jambes…
… l’emmène à gauche…
… puis se ravise pour passer à l’intérieur…
… heureusement pour l’OM, Veretout va ensuite intervenir.
Un peu plus tard dans la rencontre, même situation pour Barcola et Clauss…
… le Parisien va alors d’abord le provoquer côté droit…
… puis va venir l’effacer à l’aide d’une feinte de passe…
… et de sa semelle…
… avant de trouver Ramos seul dans la surface, qui sera alors bien pris sur ce coup par Gigot.
Cette précieuse illisibilité, qui amène un doute permanent dans les têtes adverses, a aussi été vue sur le deuxième but, planté par un Randal Kolo Muani à l’affût d’une frappe d’Hakimi repoussée par le poteau, mais surtout au bout d’une situation initiée par une première touche renversante et un bon décalage de Barcola.
« L’aspect défensif, il a ça en lui »
Intéressant offensivement, même s’il n’a frappé qu’une seule fois et que ce tir a été contré par la cuisse de Balerdi, l’explosif Bradley Barcola a aussi marqué les esprits par la justesse de ses choix, signe de la maturité du bonhomme. Le contexte tactique de la rencontre n’a pas aidé à le voir davantage dans la profondeur, mais sur ce point, peu de doutes qu’il saura s’éclater au sein de ce PSG. Ses centres en retrait malins pourraient aussi faire très mal, très vite. « La force du projet de jeu de Luis Enrique, c’est qu’il peut faire ressortir toutes les qualités du jeu de Bradley, pointe Ludovic Giuly, qui a travaillé auprès de Barcola la saison dernière à l’OL dans un rôle de coach-adjoint en charge des attaquants et qui est désormais consultant pour Free Ligue 1. C’est un garçon timide, respectueux, mais qui avait besoin de repères dans la surface de réparation et c’est là-dessus qu’on a bossé ensemble. Il avait des occasions, la science des courses, mais il lui manquait des codes pour mieux trouver les angles. Là, il a en plus la chance d’être dans un projet dominant, où son équipe a 70% de possession, et le système lui offre un maximum de un contre un. Il peut tout faire ressortir. Comme ça, quand on le regarde, on peut se dire qu’il est nonchalant, mais il démarre très vite, a des tout petits appuis, réussit à s’infiltrer à l’extérieur, à l’intérieur… Dans ce rôle-là, il ne reste plus qu’à affiner encore plus son pied gauche. »
Enfin, c’est également sans ballon que Luis Enrique l’attendait, lui qui avait été impressionné par la personnalité du joueur dans ce registre. Réponse : si l’intéressé a laissé Clauss partir une fois en première période, il a aussi récupéré cinq ballons et fait deux interceptions, n’hésitant pas à venir contre-presser à l’intérieur à la perte et à assurer ses replis. « Tout cet aspect-là, il l’a en lui, poursuit Giuly. Il a quelques petits oublis, ce qui est normal, parce que ça reste un attaquant, mais il a vite compris qu’en faisant l’effort sur les dix premiers mètres, il s’éviterait des longs replis sur cinquante mètres et qu’il économiserait de l’énergie pour la phase offensive. » Tous les ailiers de son âge ne l’ont pas en tête, mais il faut ici se souvenir qu’en 2022-2023, Bradley Barcola avait fini la saison dans le haut du panier, à son poste, sur les statistiques défensives, notamment aux interceptions et aux tacles dans le dernier tiers adverse. « Souvent, les défenseurs sont trop tranquilles avec le ballon, expliquait-il en juin à L’Équipe. C’est pour ça que j’essaie de presser, de voir s’il y a moyen de gratter un truc. Je me fais parfois dribbler, mais ce n’est pas grave. Depuis que je suis en N2, j’ai appris à être plus agressif, car on me reprochait d’être trop mou. »
Exemple du bon contre-pressing de Barcola ici avec un ballon récupéré au départ par Balerdi…
… derrière, Clauss va démarrer, être alerté par Veretout, mais Barcola va croiser sa course dans le dos du piston marseillais…
… et récupérer le ballon.
Autre situation : Barcola va ici d’abord suivre l’appel de Clauss sur un long dégagement de Pau Lopez…
… et récupérer le ballon…
… avant, quelques secondes plus tard, de venir en récupérer un deuxième…
… et d’enclencher la transition offensive des siens.
Dimanche, sur la route de la sortie du Parc des Princes, Barcola, qui a donné envie d’en voir plus, mais qui sait aussi qu’il lui faudra parfois être patient au sein d’un effectif aussi riche, a évoqué une soirée « incroyable » et savouré : « Ce soir, je pense que j’ai pu montrer de bonnes choses, mais je ne pensais pas qu’on allait m’applaudir comme ça. C’est une première pour moi. » On sait, en tout cas, déjà pourquoi Luis Enrique s’est autant battu pour l’avoir. Ce qu’on ne sait évidemment pas, c’est de quoi sera faite la suite de cette histoire : il va, c’est une certitude, falloir y être attentif.
Par Maxime Brigand