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- OM-PSG (0-2)
Tactique : Marco Verratti, le cerveau de Pochettino
Une nouvelle fois positionné un cran plus haut dimanche soir, l'Italien a régalé sur la pelouse du Vélodrome et a été omniprésent aux quatre coins du gazon. Retour sur une partition complète, qui confirme que le numéro 6 parisien a su s'inventer son propre rôle ces dernières semaines.
C’était une nuit pour sortir le costume des grands soirs. Du moins, c’était le souhait des deux réalisateurs. Nasser Larguet, d’abord : « Jouer Paris, c’est notre Ligue des champions en championnat. » Mauricio Pochettino, ensuite : « Marseille… Il faudra jouer à fond, pendant quatre-vingt-dix minutes, comme une finale de Ligue des champions. » Avant la rencontre, les deux techniciens cherchaient à appuyer sur un désir commun : que cet OM-PSG soit vivant, intense, brûlant, et qu’il décolle assez fort pour devenir un sommet, un vrai. Alors ? Alors, presque pschitt : dimanche soir, le PSG est venu au Vélodrome récolter sans trop de difficulté (0-2) ce que l’OM a semé aux quatre coins de la pelouse et cette rencontre a rapidement été privée de tout suspense. Paris n’a pas été impressionnant, mais Paris a fait le job. Marseille n’est pas totalement passé à côté de son choc et a offert un meilleur visage, en matière d’état d’esprit, que sur certains matchs européens de l’automne, mais sans vraiment être dangereux devant un Rico pourtant assez fébrile. Résultat : le PSG a remporté le 100e Classique de l’histoire sans trop d’histoires. Circulez, y a rien à voir ? Deux ou trois éléments, quand même, dont un plus convaincant que les autres : la confirmation que Marco Verratti est bien le Louis Bodin de ce PSG et que Mauricio Pochettino a fait de l’Italien le cerveau de son projet.
Privé au coup d’envoi d’un Neymar malade, l’Argentin a de nouveau filé les clés du camion à Verratti dimanche soir, et ce, pour le meilleur : à Marseille, c’est la meilleure version du Hibou que l’on a eue sous les yeux. On a ainsi vu un Marco Verratti libre dans sa tête et ses mouvements, tantôt bélier pour déclencher le pressing des siens, tantôt animateur des circuits de sa troupe. Placé au volant du 4-3-3 dessiné par Pochettino (qui a parfois pris la forme d’un 4-2-3-1), l’Italien a été absolument partout et a sorti tous les costumes de son sac en une soirée : celui d’accélérateur, celui de dictator du rythme et celui de serpe pour briser les élans marseillais. Dans les chiffres, c’est aussi ce que l’on peut retrouver : Verratti est le Parisien qui a touché le plus de ballons (89), celui qui a subi le plus de fautes (5), l’un de ceux qui ont réussi le plus de passes (94%), celui qui a réussi le plus de tacles (4 sur 5 tentés) et l’un de ceux qui ont réussi le plus de dribbles (3). Impérial défensivement, avec de nombreux ballons chassés dans le camp adverse et plusieurs duels aériens remportés, dont un décisif face à Valentin Rongier sur le premier but inscrit par Kylian Mbappé, le numéro 6 du PSG, qui a été le joueur le plus actif sur la pelouse (12,5 kilomètres parcourus), a également scintillé balle au pied, que ce soit dans les sorties de balle ou pour créer un décalage entre les lignes. Cet OM-PSG a ainsi confirmé une chose : Verratti, qui était absent à Lorient (défaite 3-2) et face à Nîmes (victoire 3-0), est l’animateur central de Pochettino, le garant de son équilibre et sa caution dans les transitions.
Le bélier défensif
Pour décrypter la rencontre de Marco Verratti, il convient ici de la déplier en deux axes. Le premier concerne la mission défensive du milieu parisien, qui a eu un rôle central dans le pressing du PSG.
Dimanche soir, le PSG a cherché à empêcher toute relance courte marseillaise. On a alors souvent vu un pressing assez agressif se décomposer ainsi : un élément pour cadrer le central en possession du ballon (ici Icardi) et un autre pour contrôler Bouba Kamara (ici Verratti).
Une fois le ballon décalé vers l’autre central marseillais, Verratti lâchait Kamara pour jaillir sur Álvaro Gonzalez alors qu’Icardi se décalait vers Kamara. Ainsi, le PSG a forcé l’OM à écarter au maximum et a bouclé le cœur du jeu.
Plan plus large du pressing parisien avec toujours Verratti sur un central, Icardi sur Kamara, Mbappé pour contrôler un éventuel décalage vers Sakai, Paredes pour bloquer Rongier et Sarabia qui recentre vers Gueye. Álvaro Gonzalez est alors forcé de balancer et va rendre le ballon au PSG…
Plus qu’un simple cadreur, Verratti a été mordant à la récupération et a été un poison permanent pour les défenseurs marseillais. Ici, son tacle sur Sakai va couper la transition marseillaise…
Là, il a forcé Álvaro à relancer en touche…
Pareil ici en ne lâchant pas un centimètre à Kamara, qui va lui aussi envoyer le ballon en touche.
Autre séquence et autre tacle sur Kamara : ballon récupéré et derrière, Paredes va allumer une mine juste à côté du but de Mandanda.
Précieux dans le camp marseillais (sept ballons récupérés dans la moitié de terrain de l’OM), Verratti l’a aussi été aux abords de sa propre surface.
Première preuve avec ce bon tacle sur Thauvin.
Deuxième preuve plus symbolique : alors que le PSG a été troué sur une relance marseillaise un peu plus tôt à cause du non-repli de Mbappé, Verratti vient se glisser à gauche du 4-4-2 défensif parisien et ferme le couloir avec Kurzawa.
Kamara tente de s’insérer, mais est stoppé par un tacle parfait de l’Italien…
… qui va ensuite parfaitement relancer vers Mbappé.
Animateur de circuits
Le second axe concerne l’activité avec ballon de Verratti, qui a transformé en actes ses paroles prononcées plus tôt dans la soirée lors d’une interview donnée au Canal Football Club : « Des fois, j’entre sur le terrain et j’ai l’impression d’être chez moi, tranquille. On me reproche parfois de ne pas jouer assez simple, mais j’ai quand même un très bon pourcentage de passes réussies pour un joueur qui ne joue pas très simple. Au fond, je déteste perdre le ballon. » Et à Marseille, Marco Verratti ne l’a quasiment jamais perdu alors qu’en l’absence de Neymar dans le onze de départ (le Brésilien est entré à 25 minutes de la fin), Pochettino avait choisi de l’aligner de nouveau en soutien des offensifs (Mbappé, Icardi, Di María/Sarabia) contrairement à ce que Thomas Tuchel faisait, l’Allemand cherchant en son temps à rapprocher au maximum l’international italien de la relance (soit dans un double pivot défensif, soit en sentinelle devant une défense à trois).
En première période, lorsque le PSG a eu le ballon (45% du temps), Verratti a évolué devant Paredes et Gueye, et a tourné autour de Bouba Kamara.
De cette position, il a pu faire profiter de sa capacité de résistance à la pression, comme sur cette séquence où Verratti résiste au pressing de trois joueurs marseillais avant de talonner vers Gueye, qui arrive lancé.
Ou sur celle-ci où, trouvé par Gueye, il peut jouer en une touche vers Sarabia, rentré dans le demi-espace droit.
Techniquement, Verratti a souvent régalé comme sur cette touche de Florenzi où, sur un pas, il va réussir à lancer Sarabia d’une aile de pigeon.
À l’aise pour combiner entre les lignes et pour jouer avec la pression adverse, Verratti, sûrement frustré de souvent courir dans le vide en première période, a vu son influence sur la possession du PSG augmenter en seconde période (de 4,1% à 7,9%) et son nombre de ballons touchés doubler grâce à des décrochages de plus en plus fréquents. Dimanche soir, ces décrochages progressifs de l’Italien n’ont pas été un problème puisqu’ils ont quasiment toujours été compensés par ses coéquipiers, parfois par Gueye, d’autres fois par Mbappé ou Neymar lorsqu’il est entré.
Redescendu un cran plus bas, Verratti peut ici trouver Mbappé dans le demi-espace gauche, alors que Kurzawa a pris le couloir pendant que Paredes sécurise derrière. Ainsi, un deux-contre-un est créé sur le côté.
De cette position, il peut aussi faciliter la transition grâce à ses qualités de dribbleur. Sur un pas, Verratti va ici éliminer Gueye et pouvoir trouver Gueye dans l’espace. Le milieu marseillais est intégralement effacé.
Une position plus reculée lui offre aussi la possibilité de sortir sa plus belle flèche : l’ouverture en profondeur bien sentie.
Mais aussi d’accélérer le jeu. Ici, on retrouve Paredes décalé côté gauche, Verratti un cran plus bas, et Sarabia ainsi trouvable dans le rond central à la suite d’un mauvais alignement marseillais.
Enfin, toujours dans un souci d’accélération du jeu, Verratti a passé sa deuxième période à former des triangles, comme ici avec Paredes et Gueye…
… ou là, avec Gueye et Neymar.
Il a aussi continué à être trouvé en soutien des attaquants pour lancer ici impeccablement Mbappé entre les deux centraux marseillais.
Déjà intéressant depuis le début du mandat de Pochettino, Marco Verratti a livré dimanche soir son meilleur match sous les ordres de l’Argentin, en étant, de plus, mesuré dans ses fautes et en provoquant l’expulsion de Dimitri Payet. Avant de défier le Barça, une question se pose ainsi quant à l’animation du PSG alors que l’Italien a montré de belles choses et semble s’inventer son propre rôle sur mesure ces dernières semaines. Dans l’idée, on se dit qu’il reste toujours plus intéressant dans un double pivot avec Paredes, un ton en dessous dimanche soir, et c’est certainement à ce poste qu’il sera utilisé en C1. Avec ces deux joueurs, Pochettino possède deux footballeurs létaux et un système qui peut vivre lorsque l’intensité est au rendez-vous. Reste encore à en affiner les circuits internes. Pour le moment, l’Argentin ne dit pas autre chose : « On essaye de faire grandir notre identité indépendamment de la compétition qu’on joue, des joueurs alignés. L’équipe doit montrer une identité solide, qui soit reconnaissable. » Mais avec une constante : avec Verratti, la vie est plus simple.
Par Maxime Brigand