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Tactique : Blas-Van den Boomen, le duel de baguettes
Samedi soir à 21 heures, le grand rideau rouge s’écartera pour laisser place à l’une des pièces majeures du football français : la finale de la Coupe de France. Au cœur du spectacle, Nantes et Toulouse pourront notamment compter sur deux magiciens pour illuminer la scène du Stade de France : Ludovic Blas et Branco van den Boomen. Face-à-face.
Fin mai 2021, Canaris et Violets croisaient déjà le fer dans une rencontre décisive de fin de saison, pour le maintien ou la montée cette fois-ci. Après un barrage accroché (1-2, 0-1) qui avait vu les hommes d’Antoine Kombouaré slalomer entre occasions toulousaines et polémiques d’arbitrage pour se sauver, Nantes était resté agrippé à sa place dans l’élite face à un Téfécé qui s’y verra propulser l’année suivante. Déjà opposés à l’époque, Ludovic Blas et Branco van den Boomen avaient disputé les deux matchs malgré un statut différent. Le jeune Français avait démarré les deux rencontres – en étant buteur à l’aller – tandis que le Néerlandais, lui, n’avait eu le droit qu’à 40 minutes au total. Deux ans plus tard, la différence de condition entre les deux maestros semble s’être rééquilibrée.
Leader technique d’une véritable équipe de coupe, Blas empile les souvenirs offerts aux supporters nantais. Buteur sur penalty lors de la finale de Coupe de France face à Nice (1-0) l’an passé, bourreau de Wojciech Szczęsny au Juventus Stadium (1-1) dans une Ligue Europa qui l’aura vu être décisif 6 fois en 8 matchs, brillant face à l’OL (1-0) en demi-finales au moment de crucifier Anthony Lopes d’une volée d’anthologie pour renvoyer les siens au Stade de France… Le champion d’Europe U19 ne devient finalement que celui qu’il aurait dû être. De l’autre côté, celui qui a traversé les Pays-Bas après un début d’aventure manqué à l’Ajax explose enfin à 26 ans lors de la saison 2021-2022 en Ligue 2 avec les Violets. À l’origine de 12 buts, mais surtout de 21 passes décisives (record dans la compétition), dont 14 sur phases arrêtées, Van den Boomen et son pied droit magique sont devenus les principaux artisans d’une montée historique pour Toulouse. Deux destins initialement bien distincts, mais qui se sont accélérés ces derniers mois… Jusqu’à se rencontrer au sommet.
Le piédestal
L’un est relayeur gauche dans le 4-3-3 signature de Philippe Montanier, l’autre ailier droit dans le 4-2-3-1 d’Antoine Kombouaré. Malgré un positionnement différent qui se reflète fatalement sur les statistiques de chacun en championnat, 5 buts et 8 passes décisives pour Van den Boomen contre 7 et 4 pour Blas, la qualité de patte de chacun ainsi que leur faculté à repérer l’espace opportun à servir traversent quant à elles les différentes latitudes du terrain. À ce jeu, les aptitudes sont partagées, mais l’avantage est de peu pour le Toulousain. Quatrième meilleur passeur de Ligue 1, il est aussi celui qui offre le plus de passes progressives (268) cette saison sur les pelouses hexagonales. Une qualité de pied qui débouche autant sur quelques ouvertures au sol lumineuses que sur certains centres précis dans la surface – il est d’ailleurs le joueur qui en réalise le plus cette saison en championnat – ainsi que sur une efficacité monstre sur coups de pied arrêtés, que Blas partage dans une moindre mesure.
Interrogé sur ses ballons préférés pour So Foot en 2022, Van den Boomen avait d’ailleurs parfaitement traduit ses pensées : « Ma passe favorite ? Celle que je réussis à trouver entre le latéral droit et le central droit ou entre le latéral gauche et le central gauche pour mon ailier. La meilleure passe, c’est celle qui fait que l’adversaire ne peut plus défendre. » Toutefois, alors que les qualités du numéro 8 violet collent plutôt bien avec celles du gaucher nantais, le contexte penche indéniablement en faveur du premier cité. Moteur d’une machine à marquer – à son échelle – qui a d’ailleurs affolé les compteurs en début d’année, il profite d’un encadrement collectif et individuel bien plus abouti que celui présent à la Jonelière. Avec 35 buts inscrits en 32 matchs de Ligue 1, le Nantes de Ludovic Blas semble de son côté bien plus en difficulté au moment de faire parler la poudre, ce qui n’empêche pas malgré tout son numéro 10 d’abreuver ses partenaires offensifs.
Face à Montpellier (1-2) le 9 avril dernier, le fameux pied de Branco van den Boomen en action pour réaliser sa passe fétiche, entre le central et le latéral adverse. Au bout, l’ouverture du score de Thijs Dallinga, hors jeu au début de la séquence comme souvent, d’un plat du pied petit filet, comme d’habitude.
Une corde aussi présente sur l’arc de Ludovic Blas. Plus haut forcément vu son poste, il est lui aussi redoutable au moment de perforer cet intervalle. À la fin de cette séquence, il ira lober le gardien de l’Olympiakos après une merveilleuse remise de son plus grand complice offensif, Mostafa Mohamed.
Capables de bien s’orienter vers l’avant, les deux maestros savent aussi être directement décisifs au moment de lever le ballon et de servir la zone idoine. Face à Reims (3-1) en Coupe de France, Van den Boomen effectue sa prise de balle dans le demi-espace vers le but…
Avant de profiter de l’aimant toulousain au point de penalty pour servir Farès Chaïbi lancé au second poteau, qui n’aura plus qu’à catapulter le ballon au fond.
Situation similaire côté Canaris. Blas se met en route côté gauche cette fois, lui qui profite d’une liberté positionnelle assez large…
Et sert parfaitement la projection de Mohamed plein axe qui ouvrira le score grâce à son excellent jeu de tête.
Le pied des stars
La principale différence entre les deux chefs d’orchestre ? La capacité à changer de costume. Avec 8 centimètres de moins que Van den Boomen (1,88 mètre), Blas (1,80 mètre) est un joueur bien plus mobile et virevoltant que son homologue de 27 ans. Deuxième meilleur dribbleur de Ligue 1 avec 67 prouesses réussies, le Nantais s’affirme comme le deuxième meilleur joueur du championnat dans l’exercice derrière les 88 éliminations de Lionel Messi – à titre de comparaison, Van den Boomen plafonne à 18. Si les deux excellent particulièrement au moment de caresser le cuir, Blas, lui, sait troquer sa casquette de meneur de jeu plus ou moins statique pour un rôle plus vertical et électrique, à l’image de sa course dans le dos de Mostafa Mohamed avant son coup de fusil tiré à Turin face à la Juve. Une différence qui traduit une nouvelle fois les différentes ambitions des deux hommes, l’un étant plus impliqué dans la relance et la construction du jeu quand l’autre est avant tout un joueur de différence dans le dernier tiers. Une souplesse incomparable qui offre à Blas un impact défensif bien plus large et complet qu’à son homologue Toulousain, qui quant à lui oscille entre laxisme et naïveté sans ballon. Avec 26 tacles réussis et 17 interceptions en 31 matchs de Ligue 1, l’ancien Guingampais démontre une implication défensive totale, alors qu’il évolue dans une zone qui l’implique fatalement moins à la récupération que son comparatif néerlandais.
Lors de la réception de Clermont (0-1) au Stadium le 5 mars dernier, Van den Boomen devrait être le premier joueur concerné après la récupération auvergnate…
Mais, alors qu’il était le premier adversaire du porteur, le numéro 8 violet ne se met jamais en position de disputer un duel pour contester la progression adverse. Au bout de l’action, le seul et unique but du match de Saîf-Eddine Khaoui…
Au Parc des Princes (2-1) début février, Achraf Hakimi rentre à l’intérieur balle au pied, mais Van den Boomen ne va jamais totalement s’investir au moment d’aider son coéquipier à fermer l’axe du but. Quelques secondes plus tard, la mine du Marocain terminera dans les filets de Maxime Dupé.
Face à l’OM, Branco van den Boomen s’active cette fois à presser Dimitri Payet au cœur du jeu…
Avant d’être facilement éliminé quelques secondes plus tard par Valentin Rongier. Le Néérlandais, en difficulté pour changer d’appuis, ouvre de ce fait tout l’axe du terrain à son vis-à-vis qui l’attaquera balle au pied.
À la différence de Blas, qui, lors de la réception de Nice (2-2), s’active directement pour venir défendre le bélier Khephren Thuram, redoutable sur ce genre de séquence…
Avant de tacler proprement dans les pieds du nouvel international français…
Et d’utiliser le ballon proprement ensuite pour redémarrer une nouvelle période avec ballon.
Réaliser un back-to-back historique pour le FC Nantes ou reconquérir la Coupe de France pour la première fois depuis 1957 – dans un format différent – pour le Toulouse FC, tel est l’enjeu du combat de baguettes entre les deux magiciens jaune et violet. Un affrontement qui pourrait s’avérer d’autant plus symbolique au moment de prendre en compte la situation contractuelle de Branco van den Boomen, en fin de bail cet été et attiré par l’étranger, autant que celle de Ludovic Blas, courtisé par de nombreux clubs, alors que les Canaris ne sont toujours pas assurés de jouer en Ligue 1 la saison prochaine.
Par Matthias Ribeiro