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Tactique : les premières nuances du LOSC de Paulo Fonseca
Arrivé au LOSC fin juin, Paulo Fonseca a connu des débuts parfaits avec la Ligue 1 et a vu ses hommes disséminer face à l'AJ Auxerre une bonne quantité de ses marqueurs tactiques. S'il faut mesurer la portée de sa première sortie compte tenu de la faible opposition, l'évolution du projet de jeu lillois devrait être à suivre de près tout au long de la saison.
Il est sorti de sa tanière une première fois, fin juin, pour promettre à qui voulait l’entendre un football « offensif, dominateur, basé sur la possession du ballon et une équipe qui prend des initiatives » . « Peu importe si on joue le PSG ou un autre club, on veut être ambitieux, rendre fiers nos supporters et on aura tout le temps la même mentalité. Je suis sûr que nous allons construire une équipe forte, avec une identité forte » , a-t-il même tenu à ajouter, laissant comprendre à plusieurs moments de sa présentation face à la presse qu’il avait parfaitement préparé son projet, lui qu’on n’avait plus vu enfiler une veste de coach depuis son départ de la Roma, en juin 2021. Puis, tout au long du mois de juillet, on a écouté les différents cavaliers du LOSC évoquer leur nouvelle collaboration avec celui vers qui tous les regards se tournent depuis quelques semaines : Paulo Fonseca, 49 ans, sa belle gueule, ses jolis mots et son désir de redonner au bolide nordiste, champion de France au printemps 2021, des couleurs dans le jeu. « Il essaie d’amener de la discipline, une philosophie très joueuse, une prise de risque dans la ressortie du ballon, sur le pressing, la récupération, a alors révélé Benjamin André dans les colonnes de La Voix du Nord lors du stage de préparation des Lillois à Marbella. On essaie de se caler, il est assez pointilleux. On fait beaucoup de séances vidéos, de travail tactique sur le terrain. (…) Ces trois dernières années, on était plutôt une équipe de contre-attaque, d’attaques rapides, qui essayait de prendre le moins de buts. Là, il y a une vraie prise de risques dans ce que le coach veut faire. » Au bout de cette phase de découverte, la bande-annonce promettait des étincelles aux fidèles de Pierre-Mauroy dès la première journée de Ligue 1, face à l’AJ Auxerre, dimanche dernier. La promesse a été tenue.
S’il faut évidemment se servir de chaque sortie de début de saison avec une grande louche de mesure, ce que les supporters lillois savent parfaitement, eux qui n’ont jamais oublié avoir vu le LOSC de Marcelo Bielsa écrabouiller le Nantes de Ranieri (3-0) le 6 août 2017 avant que ce même LOSC, alors récupéré par Christophe Galtier, ne sauve sa peau en Ligue 1 grâce à un doublé de Lebo Mothiba contre Dijon (2-1) neuf mois plus tard, la première copie rendue par le Lille version Fonseca a eu une très belle allure.
Mieux, plus que le large score (4-1) et le scénario, on a – déjà – vu une bonne quantité des marqueurs tactiques forts du technicien portugais, qui n’avait pas masqué les ingrédients qu’il injecterait dans son prochain projet lors d’une masterclass donnée récemment à The Coache’s Voice. Ainsi, l’ancien coach du Shakhtar voulait réinstaller un 4-2-3-1 ou un 4-3-3 après avoir décidé de basculer sur un 3-4-2-1 de la fin de sa première saison jusqu’au bout de son aventure à Rome. Reste qu’au-delà des questions sur la structure, les équipes de Paulo Fonseca se sont toujours articulées autour d’idées relativement communes : un double pivot fort, moteur pour organiser les manoeuvres avec ballon, des latéraux offensifs, des ailiers intérieurs et des centraux capables d’avancer sans peur et sous pression pour faire avancer un ensemble où chaque joueur doit avoir « le courage d’assumer le jeu » et la capacité de réagir rapidement pour enfermer l’adversaire à la perte. Soit, tout ce qu’on a déjà vu contre des Auxerrois qui ont rapidement tiré la langue, ce que Jean-Marc Furlan, casquette à l’envers, n’a pas peiné à concéder : « Quand, en face toi, tu as des valeurs individuelles et collectives comme ça, quelque part, tu fermes ta gueule parce que l’adversaire est au-dessus. »
Des bons points au pressing, deux ampoules entre les lignes
Fonseca, qui ne change jamais ses chaussettes après une victoire, n’est qu’au début de son chantier, attend encore des renforts, n’a pas encore pu intégrer certaines recrues (Ismaily, Martin, peut-être bientôt Blas), mais a notamment déjà vu sa troupe briller par sa capacité à pénétrer à de nombreuses reprises entre la première et la deuxième ligne défensive de sa proie grâce à plusieurs mécanismes, repérables dès les premières secondes de la rencontre : – la mise en place d’une supériorité numérique systématique face à la première ligne de pression adverse, ce qui a été fait en demandant à Tiago Djaló de venir former une ligne de trois avec Alexsandro et José Fonte
– la pose d’un double pivot – ici Angel Gomes et Benjamin André – chargé d’attirer les milieux adverses pour ouvrir un espace à exploiter dans leur dos- l’installation de deux joueurs (cette fois Bamba et Zedadka) dans les couloirs extérieurs pour infuser de la menace et du stress dans les têtes adverses et permettre d’ouvrir le bloc ennemi à l’intérieur
– le déploiement de deux autres éléments à l’intérieur pour profiter de l’espace ouvert et d’un attaquant de fixation (Bayo), un cran plus haut, pour faire reculer la ligne défensive et empêcher les centraux adverses de sortir chasser
Dans sa masterclass à The Coache’s Voice, Paulo Fonseca avait justement évoqué à plusieurs reprises cette zone dans laquelle son LOSC a fait la fête.
Quinze secondes de jeu et il est déjà possible de voir la supériorité numérique lilloise à la relance, le double pivot, le déplacement de Cabella dans le demi-espace gauche, celui de David dans le demi-espace droit et la montée de Zedadka dans le couloir droit.
Après plusieurs échanges pour fixer le bloc adverse, Alexsandro alerte Bamba côté gauche : le LOSC va alors rapidement pouvoir profiter de la supériorité numérique de sa ligne offensive sur la ligne défensive auxerroise (5 contre 4)…
…Cabella est d’abord alerté à l’intérieur, dans le dos de Pereira, alors que Bayo fait reculer la paire Jubal-Jeanvier…
… en se projetant dans son couloir, Zedadka attire Autret alors que Bernard est déjà trop loin de David…
… Cabella peut alors trouver son coéquipier canadien…
… qui, d’une parfaite remise, place Benjamin André face au but. Au bout, frappe parfaite et 1-0.
Tout au long de cette première, ou plutôt lors de 65 premières minutes à sens unique, on a ainsi vu le LOSC se balader et jouer avec l’organisation défensive auxerroise, au sol ou dans les airs, Angel Gomes, brillant dans un rôle pourtant peu familier pour lui, n’hésitant pas, par exemple, à sortir sa longue vue comme sur le mouvement du quatrième but. Benjamin André et José Fonte ont également été plutôt bons dans ce registre. On retiendra aussi une bonne sortie mi-longue de Léo Jardim (23e) en première période qui a été au départ de l’un des meilleurs mouvements du LOSC.
Une première séquence symbole du jeu d’attraction entre le double pivot du LOSC et celui de l’AJA, qui va permettre ici à Benjamin André de toucher Rémy Cabella.
Une seconde, quelques minutes plus tard, avec cette fois David pour cible. On peut aussi remarquer le rôle primordial de Bayo pour contrôler la sortie des centraux…
… qui peut ensuite écarter sur Bamba dans le couloir.
Sur d’autres séquences, on a aussi pu voir les bonnes compensations du LOSC : Cabella vient ici être une solution de relance pour Alexsandro et prend alors la place de Gomes, qui va tout de suite anticiper et plonger dans le dos de M’Changama…
… avant d’être trouvé par l’ancien joueur de Montpellier.
Autre volonté vite identifiable dès qu’un joueur intérieur a été touché…
… la volonté de trouver, lancé, le joueur de côté. À ce petit jeu, Zedadka a été souvent alerté et a même inscrit le quatrième but.
À l’aise avec le ballon (65% de possession jusqu’au quatrième but pour un taux final de 89% de passes réussies – sur la première journée, seuls le PSG, l’OL et Rennes en ont tenté plus) avec un Jonathan David déchaîné qui a retrouvé certains de ses réflexes dans un rôle intérieur proche de ses années en Belgique où il peut faire exploser toute sa palette, le LOSC a aussi été intéressant sans et, au-delà de l’investissement massif de la paire Gomes-André, les Nordistes ont d’ailleurs marqué leur deuxième et leur troisième but suite à des pressings réussis après avoir coincé l’AJA dans un espace réduit.
Départ du troisième but, avec une erreur technique de Brayann Pereira, qui va laisser le LOSC s’organiser et pousser le latéral auxerrois à l’erreur…
… quatre secondes plus tard, Cabella peut trouver David seul face à Costil.
Autre séquence symbole du pressing bien orienté du LOSC, qui enferme la relance auxerroise…
… et quatre secondes plus tard, Zedadka va pouvoir glisser un ballon à Bayo, sur lequel va bien intervenir Jubal.
À quelques reprises, on a aussi pu noter l’investissement des offensifs, notamment Cabella – comme ici – et Bayo.
Logiquement prudent compte tenu de la période et de la faiblesse de l’opposition, mais heureux – et assez ému au premier coup de sifflet final de la saison – de la réaction de ses nouveaux joueurs, Paulo Fonseca, soutenu dans le Nord par deux jeunes cerveaux (Tiago Leal et Jorge Maciel), sait qu’il va vivre, dès vendredi soir un nouveau test sur la pelouse de Nantes, une équipe à l’aise dans ce que le coach portugais redoute le plus : les transitions. « Ils ont des joueurs forts et rapides et on doit être préparé pour le moment où l’on perd le ballon, a expliqué le technicien jeudi, avant de filer acheter des meubles avec sa femme chez Ikea et Conforama. Avec leur ligne de cinq, ça va également être plus difficile de trouver le bon espace. Comme je l’ai dit après Auxerre, on doit s’améliorer, continuer de travailler. On a fait de bonnes choses, mais chaque match est différent. Nous ne sommes qu’au début du championnat. » Mais aussi au début d’une nouvelle aventure qu’il va falloir suivre avec attention, histoire d’en mesurer les limites, notamment face à une équipe qui testera la capacité des relanceurs lillois sous pression. Il faudra aussi être attentif à l’évolution des chaussettes d’un Fonseca qui va voir son LOSC passer sur le barbecue dès sa prochaine réception, face au PSG. Avant ça, il a réitéré vendredi matin, dans L’Equipe, son désir de paillettes : « Je pense que nous avons une obligation, en tant que coach. Le match, c’est un spectacle, c’est du divertissement. Quand les gens viennent voir un match, ils doivent voir de jolies choses. Même moi, en tant que supporter, si je décide d’aller au stade et que je ne vois pas un beau match, c’est comme si je vais voir un concert et que je n’aime pas ce que je vois : je m’en vais. Ce qu’on veut voir, c’est ce qui nous procure du plaisir. Je veux gagner mais pas seulement. » Forcément intriguant.
Par Maxime Brigand