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Tactique : la flèche Gordon
Arrivé en janvier dernier à Newcastle, Anthony Gordon a d'abord lutté pour trouver sa place chez les Magpies, mais vit désormais un début de saison plus qu'intéressant.
Un moment aussi « rare » et « super-spécial », dans une atmosphère aussi dingue et avec un scénario aussi tordu : de mémoire de coach aux plus de 1000 matchs accrochés à la ceinture, il paraît que Jürgen Klopp n’avait jamais connu ça. Dimanche dernier, à Newcastle, son Liverpool, réduit à dix dès la vingt-huitième minute, a en effet connu son paquet de secousses sur la pelouse d’un concurrent direct et a longtemps entrevu sa première défaite de la saison. Puis, au bout d’un match désaxé de bout en bout, devenu irrationnel et qui a rappelé à tous les fans de foot pourquoi ils s’amusent à allumer leur télé un dimanche après-midi d’août plutôt que d’aller prendre des coups de soleil au bord d’un lac, Darwin Núñez, un type qui se rit des codes depuis longtemps, a surgi et claqué un doublé en dix minutes.
À onze contre onze, les Magpies d’Eddie Howe étaient pourtant bien au-dessus des Reds et ils l’ont été encore un peu plus ensuite, ajustant même leur structure avec ballon en seconde période pour appuyer avec plus de fermeté sur les têtes rouges en envoyant notamment régulièrement Trippier aux côtés de Guimarães pour aimanter Wataru Endo et Alexis Mac Allister, les deux milieux chargés par Klopp de tenir le 4-4-1-1 de Liverpool, et libérer ainsi Tonali et Joelinton un cran plus haut. Cela n’a donc pas suffi pour voir le public de St. James’ Park faire péter le champagne et, au-delà de la magie de l’imprévisible, Howe a tout de même dû se creuser la tête tout au long de la semaine et repenser à un choix qui a fait basculer le momentum de la rencontre : celui de faire sortir trois boulons majeurs de son organisation (Tonali, Joelinton, Gordon) alors que le match n’était pas bouclé.
Mercredes et spot favori
Parmi ces boulons, un – Anthony Gordon – était même en ébullition. L’international espoir anglais, champion d’Europe et élu meilleur joueur de l’Euro U21 cet été tout en étant utilisé dasn un rôle de faux 9 par le très malin Lee Carsley, est même le joueur du groupe d’Eddie Howe qui attire le plus l’attention depuis le début de saison. Les raisons sont multiples, puisque Gordon a été recruté pour un prix d’or à Everton (45 millions de livres) en janvier dernier, a connu des premiers mois galères et a été remplacé à la mi-temps lors de sa première titularisation à domicile avec les Magpies (contre Southampton, le 30 avril dernier), et a dû se préparer tactiquement aux exigences du football de Howe tout en devant également se faire oublier un peu après avoir été attrapé au volant de sa Mercedes alors que son permis était suspendu. Aujourd’hui, Gordon vole et peut enfin confirmer les promesses vues au cours de ses années au centre de formation d’Everton, où il était déjà cet ailier gauche qui aime rentrer sur son pied droit pour perforer les blocs adverses.
🔥 | Anthony Gordon with this belter as #EFCU18 recorded a dramatic 3-2 win over West Brom.
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— Everton Academy (@EvertonAcademy) January 23, 2018
Avec le départ d’Allan Saint-Maximin à Al-Ahli, Anthony Gordon a récupéré son spot favori à gauche du 4-1-4-1 de Newcastle et une responsabilité assez large dans l’animation offensive étant donné le profil assez défensif du latéral gauche évoluant dans son dos (Dan Burn) là où, côté droit, les rotations entre Kieran Trippier, Miguel Almiron et Sandro Tonali sont bien plus nombreuses. De par son profil, Gordon, chargé lors des phases de construction de fixer le latéral adverse, est le joueur électrisant balle au pied du onze d’Eddie Howe. Il est d’ailleurs celui qui a tenté le plus de dribbles depuis le début de saison (13 tentés, 5 réussis) et celui qui a fait le plus progresser les possessions des Magpies balle au pied tout en étant également celui qui a subi le plus de fautes et le deuxième qui tente le plus sa chance derrière Miguel Almirón.
Schéma de l’animation avec ballon type de Newcastle avec les positions moyennes des Magpies face à Liverpool : on voit la position plus intérieure et défensive de Burn (33) – accentué sur ce match par la gestion de Salah –, un Gordon (10) très écarté, ce qui permet souvent à Joelinton de plonger dans le demi-espace pour ouvrir un espace à son jeune ailier, et le triangle fort côté droit.
Gordon fait sa loi
Déjà à son avantage face à Aston Villa (5-1) lors de la première journée, Gordon a eu le droit à un match dans le match avec Alexander-Arnold contre Liverpool, ce qui a permis de mettre de nouveau en lumière ses qualités. Avec ballon, forcément, mais aussi sans, puisque l’un de ses pressings a même débouché sur un jaune pour le numéro 66 des Reds, ce qui a poussé Newcastle à ensuite accentuer la pression côté gauche (lors des 72 minutes qu’il a passées sur le terrain, Gordon a touché 47 ballons, soit 10 de plus qu’Almirón et seulement un de moins que Tonali, pour 28 passes effectuées – seul Isak en a fait moins).
Dès les premières minutes, on a pu voir le rôle de Gordon dans le pressing en 4-2-3-1 de Newcastle, où Guimarães est venu s’insérer entre Gordon et Almirón, face à la déformation de Liverpool avec un Alexander-Arnold venant s’insérer à l’intérieur aux côtés d’Endo.
Sur cette première situation, après avoir fermé l’accès à TAA, il suivra la montée de Matip et viendra le contrer.
Deux minutes plus tard, on l’a retrouvé au contrôle d’Alexander-Arnold…
… jusqu’à le pousser en touche. De rage, TAA va alors jeter un ballon pour empêcher une touche rapide. Il recevra un jaune.
Puis, dans la foulée, le duel entre Gordon et TAA va vraiment débuter avec ce ballon récupéré bas par le numéro 10 de Newcastle…
… et cette grosse faute de TAA, qui aurait pu (dû ?) lui valoir un deuxième jaune en moins d’une minute.
Après ce début de match, Anthony Gordon s’est retrouvé dans une situation idéale et a ainsi pu sortir en paix ses pinceaux, jouant avec Joelinton pour s’ouvrir des espaces et avec toutes les cellules nerveuses d’Alexander-Arnold, profitant d’une erreur de ce dernier pour aller ouvrir le score et appuyant tout au long de la rencontre en s’amusant à prendre de vitesse sa victime ou à l’attaquer en le crochetant sur son pied gauche.
Il a, par exemple, été trouvé ici par Botman avant de s’appuyer sur Joelinton…
… et de filer frapper.
Et ça a continué, notamment ici, où Gordon va d’abord attirer TAA à lui…
… le crocheter…
… puis utiliser la course de Joelinton pour alerter Isak. Il sera fauché, et Van Dijk sera expulsé.
Derrière, il ne s’est pas arrêté et a aidé à faire progresser les possessions de son clan.
Sur le côté, Eddie Howe, qui est fan de longue date, a évidemment adoré : « Il est plus fort physiquement, plus libéré, et son match a été vraiment remarquable. On a pu voir sa gestion du rythme, sa vitesse, tout ce qu’il peut avoir comme engagement… » Dans une saison qui va être riche pour Newcastle avec le retour de la C1 à St. James’ Park et après le départ d’Allan Saint-Maximin, qui se sera imposé comme l’un des dribbleurs les plus fous d’Angleterre lors de son passage en Premier League, Gordon va avoir un rôle décisif dans la créativité et va être forcément un type à suivre de près dans une saison qui ne fait que commencer. Attention les secousses.
Par Maxime Brigand