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Tactique : Enzo Le Fée, sacrée baguette

Par Maxime Brigand
11 minutes
Tactique : Enzo Le Fée, sacrée baguette

Refrain entêtant du tube de ce début de saison, l’international espoir du FC Lorient vient de vivre des dernières semaines riches après avoir décidé de rester dans son club formateur l’été dernier. Placé au cœur de la machine orange par Régis Le Bris, le numéro 10 breton ne cesse de briller depuis le début de saison avec et sans ballon. Voilà comment.

Tout a commencé un matin de juillet, où Régis Le Bris avait décidé de ne rien cacher. Assis à la droite de son directeur général, le coach breton, propulsé quelques jours plus tôt sur le banc de l’équipe première d’un FC Lorient en quête de renouveau, était alors venu présenter en polo blanc à quoi ressembleraient ses Merlus. Extrait : « Je suis arrivé au FC Lorient il y a dix ans, convaincu par Christian Gourcuff que c’était l’endroit où il fallait exercer. On a travaillé deux ans ensemble. J’ai cherché à capitaliser sur cette identité lorientaise, tout en y apportant ma sensibilité pour arriver aujourd’hui à trois grandes idées. L’intensité, qui est un élément essentiel du foot de haut niveau : beaucoup courir, être capable de soutenir les efforts, d’aller jusqu’au bout des matchs avec une intensité très élevée. La coopération, car je crois beaucoup au foot d’équipe. Puis la capacité à s’adapter aux problèmes qui se posent, ce qui fait la qualité supérieure des équipes. On partira toujours avec un plan, en analysant l’adversaire afin de le faire déjouer, mais pour autant, la qualité des réponses se fait sur le terrain. Les équipes qui savent s’adapter en situation sont les plus performantes. » Le même jour, Le Bris n’avait pas caché « être à l’aise » avec le risque et vouloir « une équipe qui donne du plaisir à tout le monde ». La suite lui a donné raison : après huit journées de Ligue 1, sa machine orange est quatrième du championnat, roule avec la troisième attaque du pays (17 buts marqués) et affiche surtout – déjà – une identité de jeu très affirmée, que le technicien de 46 ans affine au quotidien avec ses joueurs. « Mon équipe est jeune, pétillante, enthousiaste et je crois que c’est le foot que l’on a envie de produire à Lorient », souriait-il au micro de Prime Video après la dernière sortie victorieuse de son armée à Auxerre (1-3), le 16 septembre dernier, où un homme de 22 ans a une nouvelle fois accroché un peu plus les projecteurs que ses potes. Cet homme, c’est bien sûr Enzo Le Fée, que Le Bris, son ancien formateur, a rapidement placé au centre des circuits et qui est naturellement devenu le symbole parfait de sa clique.

« Enzo est un joueur assez polyvalent dans ses possibilités d’expression »

De passage dans l’After Foot durant la trêve, Régis Le Bris, qui travaille sur la matière Le Fée depuis dix piges et a tout de suite souhaité fixer le numéro 10 dans le cœur du jeu pour qu’il puisse « toucher beaucoup de ballons », a expliqué la situation avec ces mots : « Enzo est un joueur assez polyvalent dans ses possibilités d’expression. Je l’ai eu en formation et je crois qu’il a joué à tous les postes au milieu et en attaque, même faux 9. Il est donc dépositaire d’une certaine culture de jeu et maîtrise quasiment tous ces rôles-là. En Ligue 1, aujourd’hui, il a deux possibilités dans notre 4-4-2. Il peut être dans les deux 6, car, malgré son côté chétif, il a une grande qualité en défense placée, dans les duels, qu’il court beaucoup, a un bon sens de l’anticipation et des relations défensives. Il peut aussi être en soutien d’un attaquant derrière les lignes de pressions adverses, car il peut créer le déséquilibre. Il a pris en maturité et, aujourd’hui, il sait ajuster le curseur de risques, ce qui le rend efficace pour créer et pour sortir le ballon avec un taux de perte de balle qui s’est fortement réduit avec le temps. » Oui, cette saison, l’international espoir français de 22 ans, posé en relayeur ou en meneur en fonction des adversités croisées, est plus que jamais devenu ce type espéré, capable de jongler entre les tâches, mais surtout d’être la clé pour construire et pour créer le déséquilibre dans le projet de jeu des Merlus.

Les chiffres accompagnent d’ailleurs les images laissées chaque week-end depuis le début de saison. Après huit tournées, Enzo Le Fée n’est rien de moins que le troisième joueur de Ligue 1 aux xA (Expected Assist, nombre de passes décisives attendues), le quatrième aux passes clés (22) et le troisième à la création d’actions débouchant sur un tir (seuls Messi et Neymar sont au-dessus). C’est aussi le cinquième joueur du championnat qui tente le plus de tacles et le cinquième qui en réussit le plus, mais aussi celui qui a tenté le plus de pressions depuis le début de saison (il tourne à 21,5 par match en moyenne, soit un peu plus haut que Benjamin André). En bref, Le Fée est partout, tout le temps, et commence même à faire quelques stats (deux buts, une passe décisive). « Avoir plus de statistiques fait partie de mes objectifs, glissait l’intéressé cet été à Ouest-France. En étant à ce poste-là, je dois le prouver, car je souhaite passer un gros cap. Et un bon Enzo Le Fée dans cette position peut faire beaucoup de bien au FC Lorient. » Régis Le Bris le savait et a réussi à le faire entrer dans la tête d’un joueur qui ne s’est pas planqué ces dernières semaines : « Je n’ai pas encore le sentiment du devoir accompli ici. J’ai fait une bonne première saison en Ligue 2 et deux saisons très moyennes en Ligue 1. J’en suis conscient. Je n’ai pas envie de partir par la petite porte. Je souhaite marquer le FCL de mon empreinte. »

Premier chasseur, premier créateur, premier lanceur

Ce qui nous amène sur l’analyse de quelques séquences pour comprendre comment exactement Enzo Le Fée, également capable de sortir des gifles sur phases arrêtées, est entré par la grande porte dans ce nouvel exercice. Dans le 4-4-2 de Le Bris, un bloc compact, qui évolue souvent assez bas, qui presse peu (19e aux pressions dans le dernier tiers adverse), bloque très bien les passes intérieures, offre une grosse densité sur les centres adverses (au passage, 184 dégagements depuis le début de saison, soit plus que n’importe quelle équipe) et n’hésite pas à laisser le ballon à ses victimes (Lorient n’a que le dix-huitième taux de possession moyen de Ligue 1 – 41,4%) pour étirer au maximum les espaces à dévorer pour son trio offensif (Ouattara, Diarra, Moffi), le Français, qui est jusqu’ici le huitième joueur du championnat qui cavale le plus par match (11,5 kilomètres, soit juste un petit peu moins que son coéquipier aux quinze poumons, Laurent Abergel), a d’abord un rôle défensif clé. Un rôle qui varie évidemment en fonction de son costume : lorsqu’il est positionné en soutien de Terem Moffi, Le Fée est ainsi le premier chasseur lorsque l’adversaire construit, puis se mue en amorce en défense placée pour lancer la transition des siens ; il est davantage dans l’équilibre, la compensation, la fermeture des zones ou l’anticipation lorsqu’il est positionné aux côtés d’Abergel.

Lors du dernier match à Auxerre, remonté d’un cran en fin de match après l’entrée de Bonke Innocent, on a ainsi vu le chasseur Le Fée suivre une passe de Jubal vers Joly…

… et ne pas relâcher son effort pour aller récupérer le ballon en taclant.

Autre situation contre Lyon où, toujours placé aux côtés de Moffi, on va voir Le Fée suivre la transition de l’OL…

… faire une immense course et intercepter une passe de Cherki.

Illustration de l’autre rôle de Le Fée dans ces séquences : celui de lanceur de transitions. La situation démarre en défense placée : on retrouve le 4-4-2, ici pas assez compact, et le numéro 10 lorientais placé aux côtés de Moffi dans le premier rideau de pression…

… au bout, une frappe rennaise va être contrée par la défense regroupée lorientaise. Le Fée est déjà positionné pour enclencher la transition…

… Déjà orienté, il va être trouvé par Abergel…

… et va pouvoir lancer les flèches offensives : ici Laurienté, alors que Ouattara démarre aussi sa course en bas de l’écran.

Autre costume à Toulouse, où Le Fée, positionné un cran plus bas aux côtés d’Abergel, vient couvrir le dos de Kalulu…

… gagner son duel…

… se mettre en position pour sortir le ballon…

… ce qu’il va faire parfaitement, au sol, avec Kalulu.

Intraitable sans ballon, Le Fée est évidemment avant tout attendu sur son rôle avec ballon, où son rôle dans le projet de jeu est très clair, comme il l’expliquait à Auxerre : « Que je sois plus bas ou plus haut, je suis quelqu’un d’assez libre. Je peux venir chercher les ballons bas, rester derrière la pression adverse… Cette saison, on sait qu’on est très performants dans la profondeur, donc on essaie de se servir de ça pour se libérer des espaces à l’intérieur. On a trois mecs devant qui n’attendent pas forcément le ballon dans les pieds et, au milieu, ça nous libère parce que ça fait reculer la ligne défensive adverse. On essaie d’alterner entre attaques rapides et attaques un peu plus progressives, mais chacun sait ce qu’il a à faire, sans se restreindre uniquement à ce qu’il a à faire. » Chargé du tempo de son équipe quelle que soit sa position, le gosse du club est naturellement le joueur qui touche le plus de ballons (un peu plus de 69 en moyenne par rencontre depuis le début de saison) en compagnie des deux latéraux lorientais (Kalulu et Le Goff). Ainsi Lorient respire depuis le début de saison : l’objectif des Merlus est de rapidement trouver des joueurs relais à l’intérieur pour cogner via les ailes. Pour y arriver, Le Bris s’appuie sur l’ambitieux Yvon Mvogo, qui sait aussi bien sortir avec ses centraux ou ses latéraux qu’appuyer plus long avec Moffi (on l’a parfaitement vu sur le troisième but inscrit face à l’OL, et Mvogo est l’un des trois gardiens de Ligue 1 qui tentent le plus de passes de plus de 35 mètres par match). Parmi les relais évoqués plus haut, Le Fée, qui sait aussi venir se placer en retrait à la lisière de la surface pour jouer un second ballon, est évidemment celui que l’on cherche en priorité à placer face au jeu pour déséquilibrer ou lancer le TGV Ouattara. Il sait aussi, grâce à une orientation du corps encore améliorée cette saison, faire respirer son orchestre dos au jeu en aspirant la pression.

C’est d’abord là-dessus qu’on l’a vu cette saison lors de la victoire à Rennes où, touché par l’excellent Talbi, il va laisser son adversaire venir dans son dos…

… et subtilement orienter vers Kalulu.

Autre situation où, lorsqu’il est positionné un cran plus bas, Le Fée est redoutable quand on lui laisse le temps de dégainer son jeu long comme ici, face à Clermont, en direction de Ouattara.

Dans un autre rôle face à l’OL, il a aussi montré son aisance dans la densité adverse : ici, servi par Abergel, il va se retourner sur un pas…

… et lancer Ouattara au-dessus de Gusto dans la foulée.

Mais Le Fée est surtout un joueur que ses partenaires cherchent à placer en position de sortir la passe parfaite pour attaquer l’espace. Ici, à Toulouse, Moffi va d’abord attirer la pression sur le côté, puis trouver Abergel alors que Le Fée se prépare…

… placé face au jeu, il va ensuite pouvoir armer…

… et trouver Ouattara dans la profondeur.

Deux implications directes dans un but : le premier, à Ajaccio, où Le Fée va d’abord être un appui pour sortir le ballon avec Laporte, Ouattara et Kalulu…

… puis un homme recherché face au jeu…

… pour lancer de nouveau Ouattara en profondeur.

À Auxerre, au terme d’une longue séquence de droite à gauche, Le Fée va aussi être placé face au jeu…

… et va pouvoir trouver Julien Ponceau dans le demi-espace.

Dans une équipe qui cherche à attaquer vite et en nombre le territoire de ses proies (Le Bris : « Nos possessions doivent être hyper incisives, faire mal à l’adversaire » ), Enzo Le Fée est aujourd’hui une arme inestimable et rare, qui ne vit que pour tirer des flèches et faire vivre le jeu vers l’avant dans un projet de jeu où il est encouragé à tenter le maximum de choses. « Je l’adore. Enzo, c’est le cœur de notre équipe. Il fait le jeu, il est en haut, en bas, au four et au moulin », glissait il y a peu Laurent Abergel à Ouest-France. Le Fée, lui, a répondu sobrement : « J’avais à cœur de montrer que je peux m’imposer comme un cadre de l’équipe. C’est dans mes ambitions. Je veux faire une très grosse saison. Ce n’est que la 8e journée. Il ne faut pas s’enflammer. » À qui veut l’entendre, il dit même que ce n’est qu’un début. Personne ne s’en plaindrait.

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