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Tactique, cynisme et romantisme, revoilà l’Italie !
Il y a deux ans, Antonio Conte et ses hommes reprenaient une Nazionale vice-championne d’Europe, mais éliminée au premier tour du Mondial brésilien. Depuis, le futur manager de Chelsea a entrepris un défi immense qui pourrait devenir l’une des plus belles prouesses de football de sélection de l’histoire. À condition de faire chuter cette Roja royale.
— Des buts et des mots —
Quoi qu’il arrive ce lundi soir au Stade de France contre l’Espagne, les Italiens auront offert deux performances à l’histoire du football européen. La première a eu lieu sur le terrain le lundi 13 juin à Lyon : une démonstration tactique contre la Belgique de Wilmots (2-0) qui a consacré la qualité du jeu long de Bonucci et la fluidité du 3-5-2 de Conte.
La seconde, elle, a eu lieu hier à Paris en salle de presse : une performance verbale d’Antonio Conte capable de transporter émotionnellement tout un pays. Musique : « Nous ne voulons pas rentrer à la maison, car nous ne sommes pas la victime sacrificielle de l’Espagne. Nous devons dépasser la raison, parce que demain, l’ordinaire ne suffira pas. Et je suis convaincu que nous pouvons faire quelque chose d’extraordinaire. Si nous nous limitons à la raison, si nous pensons à la situation, nous perdons. Nous sentons la responsabilité d’un peuple qui souffle derrière nous. Rien n’est impossible, ce serait bien trop simple si les prévisions étaient toujours respectées. Renverser le sort d’une lutte inégale, c’est le sel de la vie et du football. » Plus question, donc, de parler de possession à la Prandelli ou d’évoquer le jeu espagnol comme un modèle. Aujourd’hui à 18h, c’est toute l’Europe qui passe à table.
— Projet tactique —
Quand il s’exprime sur la construction de son grand Milan, Arrigo Sacchi choisit les mots suivants : « J’ai toujours pensé que le moteur du football était le jeu. Et en partant de cette idée de jeu, j’allais chercher des personnes de confiance, et puis des joueurs fonctionnels avec ce système. Et nous nous sommes mis à travailler ensemble. Je n’arrêtais pas de répéter :
« Le collectif est meilleur que l’individu. » L’individu peut te faire gagner un match, mais les exploits se font avec une équipe. Le football est un sport collectif avec des moments individuels, pas le contraire. Et pour faire tout cela, nous avons énormément travaillé. Énormément, j’insiste. » Idée de jeu, système, fonctionnalité, collectif, travail. De 1991 à 1996, à la tête de la Nazionale, le sélectionneur avait tenté d’appliquer ces mêmes principes, excluant entre autres Roberto Mancini et Gianluca Vialli, et exigeant un travail défensif important à Roberto Baggio.
Animal tactique et immense motivateur, Antonio Conte a remporté un Scudetto avec Alessandro Matri en pointe et De Ceglie en latéral : il apprécie la recette. Au-delà de la nature du jeu proposé, le futur entraîneur de Chelsea est aussi un homme de systèmes, de fonctionnalité et de travail. Une vision qui l’a poussé à relever un défi immense avec cette sélection italienne : penser le système avant de choisir les hommes. Sans Verratti ni Marchisio, Conte a dû faire face à un certain déficit de talent. Et ça ne l’a pas empêché de se passer d’autres talents pour privilégier la cohésion du système : Bonaventura, Jorginho, Franco Vázquez, Berardi, Giovinco. Aujourd’hui, ça ne l’empêche pas non plus de préférer Éder, remplaçant à l’Inter, à Insigne, génie napolitain.
— Saveurs cyniques et romantiques —
Mais si le projet tactique de Conte a séduit le peuple italien lors de la victoire contre la Belgique, c’est aussi la manière d’exécuter ce système qui a marqué les esprits. Du cynisme, d’une part, avec un festival spectaculaire de fautes tactiques géniales. Chiellini, Bonucci et même Éder ont su mettre leur corps entre un attaquant belge et les cages italiennes pour défendre ce pays qui aime tant jouer le rôle du méchant souriant plus intelligent que sa victime. Mais aussi du romantisme : de la revanche, de la légende et du dépassement de soi, le tout bien coiffé et habillé.
Ce projet de Conte, c’est celui de Giaccherini, Éder, Parolo et Candreva, quatre joueurs du Cesena de 2011. C’est aussi celui de Sturaro et Zaza, tous les deux remplaçants en club et essentiels pour Conte. C’est la belle histoire de l’inattendu Pellè. C’est également l’un des derniers contes de la meilleure défense d’Europe, menée par un Bonucci princier. Et enfin une nouvelle page de la légende de Gigi Buffon, héros national qui n’a pas oublié 2008 et 2012.
Par Markus Kaufmann
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