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Tactique : ce qu’il faut savoir sur les Bleues

Par Matthias Ribeiro
8 minutes
Tactique : ce qu’il faut savoir sur les Bleues

« Bah, gagner, tout simplement. » Questionnée fin juin, Corinne Diacre n’a pas tremblé lorsqu'il lui a été demandé de déplier sur la table ce qu’elle souhaiterait voir de son équipe de France lors de l’Euro. À l’heure de plonger dans une compétition qui pourrait être l’un des tournants de son mandat, la patronne des Bleues n’a en effet pas changé de cap : tant que les résultats sont là, le flacon lui importe peu.

Alerte, les revoilà : trois ans après les larmes du Parc des Princes, où elles avaient vu leur Coupe du monde s’arrêter brusquement face aux États-Unis (1-2), les Bleues sont de retour sur les routes des joutes internationales estivales. Premier virage, samedi, à Rotherham, contre l’Italie, un adversaire qui n’a jamais réussi à dompter l’équipe de France en six batailles. Avant son entrée en lice dans un Euro qui a débuté cette semaine, la bande de Corinne Diacre, invaincue depuis avril 2021 et assise sur une série de quatorze victoires consécutives, ne s’est évidemment pas tournée les pouces et s’est notamment offert deux dîners exotiques : un face au Cameroun (4-0), le 25 juin, à Beauvais, puis un autre face au Viet Nam (7-0), six jours plus tard, du côté d’Orléans. L’explication du choix d’un tel menu est simple : en voulant éviter de croiser le fer avec un potentiel futur adversaire, le staff des Bleues s’est heurté à des problématiques de calendrier – les dates des deux rencontres ne correspondant pas à des dates FIFA, il était impossible d’affronter des équipes européennes non qualifiées pour l’Euro – et n’a rapidement pas eu beaucoup d’alternatives. Malgré deux adversités faibles et deux succès fleuves, les Tricolores ont pu, après trois années complexes, affiner leurs repères, et le public s’est un peu plus familiarisé avec un groupe en plein renouveau. La génération Henry, Le Sommer, Thiney, Bouhaddi, Majri a ainsi cédé sa place à d’autres figures fortes (Katoto, Cascarino, Baltimore, Bacha), toutes toujours bien soutenues par certaines cadres déjà présentes lors du Mondial 2019. Il est ici important de bien connaître ces noms pour vivre au mieux la prochaine aventure européenne de cette équipe de France, tant elle ne semble vivre qu’au rythme d’exploits individuels appelés à concrétiser une assise défensive évidente.

La Diagonale des Folles

« L’idée est d’asseoir notre schéma tactique et de parfaire notre préparation physique », avait annoncé Diacre elle-même. Si les matchs de préparation ont davantage ressemblé à des tours de terrain déguisés qu’à de réelles oppositions demandant une préparation tactique minutieuse, certains grands axes ont malgré tout émergé des dernières sorties des Bleues. Le premier trouve sa source dans l’une des grandes armes de la charnière centrale française : le jeu long et les diagonales. Comme à son habitude depuis qu’elle a pris le pouvoir en septembre 2017, Corinne Diacre laisse le soin à ses joueuses de donner une identité à l’équipe en mettant leurs qualités individuelles au centre du projet collectif. Ainsi, il faut voir les taulières Wendie Renard et Griedge Mbock en action, tenter de renverser régulièrement le jeu vers l’ailière opposée afin que cette dernière profite du temps et de l’espace ouverts par les diagonales des axiales. Face au Cameroun, Melvine Malard, installée à droite du 4-3-3 tricolore, a notamment été trouvée à plusieurs reprises par Mbock. L’efficacité de ce circuit est intimement liée à la justesse des quarterbacks lyonnaises et permet d’exploiter au maximum les deux secteurs forts du groupe : la défense axiale et les côtés. Ces ogives, envoyées de droite à gauche et de gauche à droite, permettent surtout de connecter les joueuses cadres (Mbock, Renard, Diani, Cascarino) entre elles. Delphine Cascarino, à gauche, et Kadidiatou Diani (ou Malard), à droite, quasiment toujours individuellement supérieures à leurs vis-à-vis, ont ensuite les qualités physiques et techniques pour faire la différence.

Exemple de diagonale gagnante de Mbock vers Melvine Malard, face au Cameroun.

Si le jeu long de l’équipe de France n’est pas qu’une affaire réductible à ces diagonales dévastatrices, c’est pour autant le plus souvent grâce à ce procédé, peu reluisant, mais terriblement efficace (lors du Mondial 2019, aucune équipe n’avait réussi plus de passes longues que les Bleues), que les joueuses de Diacre parviennent à inquiéter les défenses adverses. La qualité des passeuses, la subtilité du jeu en déviation de Katoto, la vitesse de Diani et la capacité d’élimination de Cascarino sont des facteurs qui poussent les Tricolores à miser sur un jeu direct afin de profiter des espaces tout en évitant au maximum la densité et les supériorités numériques adverses.

Mateo, l’atout lumière

À l’image des lunettes sobres et rectangulaires qu’elle arbore parfois en conférence de presse, Corinne Diacre a construit une équipe que l’on pourrait qualifier d’utilitaire. Résultat, si ce collectif n’est peut-être avant tout que le reflet de sa boss, il se doit de compter sur les courses de certaines joueuses pour amener surnombre et spontanéité. Certaines filles sont alors ciblées : les relayeuses (Dali, Toletti, Mateo, Geyoro), qui ont pour mission de se projeter afin d’apporter une solution dans le dos des latérales adverses aux joueuses posées sur les côtés. En avril dernier, lors de la victoire face à la Slovénie (1-0), l’équipe de France a, par exemple, fait la différence à la suite d’une plongée de Clara Mateo, bien servie par Sandy Baltimore dans le demi-espace gauche avant de trouver Cascarino au deuxième poteau.

Séquence du fameux plongeon de Mateo dans le demi-espace gauche face à la Slovénie, qui a ensuite amené au but de Cascarino.

A fortiori, cette animation permet d’offrir à la machine bleue des solutions pour percer les blocs bas auxquels elle fait souvent face. Ces sprints intérieurs aident des joueuses de côtés qui n’attendent que ça et déstabilisent naturellement le bloc adverse par tous les ajustements antagoniques qu’ils provoquent. Automatiquement, les ailières françaises peuvent encore davantage attaquer un côté en proie aux doutes et faire parler leurs armes.

Malgré l’ascendance exacerbée de l’équipe de France lors de ses deux matchs de préparation, Corinne Diacre a maintenu sa ligne directrice en alignant inéluctablement le même système – un 4-3-3 avec ballon, 4-1-4-1 sans -, sans aucune place pour la fantaisie, ce qui limite fatalement la chance de certaines joueuses d’intégrer un onze type qui semble déjà bien établi. Un élément a néanmoins su tirer son épingle du jeu : Clara Mateo, 25 ans, qui a profité du match face à la Slovénie en avril pour gratter du temps de jeu alors que la qualification pour le Mondial 2023 avait été acquise quatre jours plus tôt au pays de Galles. Trois titularisations en trois matchs plus tard, combinées à la blessure au genou d’une Grace Geyoro tenue à l’écart lors de la prépa, et voilà la Nantaise de naissance propulsée dans le onze à quelques jours d’entamer l’Euro face à l’Italie. Brillante lors de ses dernières sorties, juste balle au pied et généreuse dans ses appels, Mateo pourrait retirer une belle épine du pied de Corinne Diacre.

Le casse-tête Cascarino

La sélectionneuse a, en revanche, une chance identique à celle de Didier Deschamps : elle possède dans son jeu l’une des meilleures attaques du globe. Problème, que ce soit avec Benzema, Griezmann et Mbappé ou Katoto, Diani et Cascarino, un tel trésor demande nécessairement certains ajustements pour briller. Chez les Bleues, Diacre a dû trancher en déportant à gauche Delphine Cascarino, qui a fait toute sa carrière sur la rive droite. Cette décision, qui peut sembler anodine, pourrait être cruciale tant on sait à quel point l’équipe de France est dépendante de l’efficacité de ses ailes. C’était d’ailleurs déjà le cas lors du dernier Mondial (au passage, au cours de la compétition, personne n’avait plus centré que les Bleues).

La bascule subie par la joueuse de l’OL, qui est sans doute l’un des plus grands talents de cet effectif, suscite quelques interrogations : Cascarino réussira-t-elle à maintenir ses 60% de dribbles réussis cette saison alors que l’orientation de son corps et l’utilisation de son mauvais pied diffèrent ? Réussira-t-elle à être enfin plus marquante statistiquement à l’aube d’entamer une compétition majeure dans une zone qui l’amènera naturellement plus à rentrer sur son pied droit pour frapper qu’à déborder pour centrer ? Pour sa première compétition en tant que titulaire, elle pourrait aussi subir la concurrence de Baltimore, qui répond toujours présente lorsqu’on lui offre l’occasion de se mettre en lumière et qui a un apport statistique supérieur (entre autres, 13 passes décisives avec la joueuse du PSG cette saison contre 4 pour la Lyonnaise).

Mise en lumière de la propension naturelle de Cascarino à rentrer vers l’intérieur lorsqu’elle est alignée côté gauche.

Sur le papier, Corinne Diacre a incontestablement l’un des meilleurs effectifs du tournoi, emmené notamment par une Marie-Antoinette Katoto enfin débarrassée de ses préoccupations contractuelles. Toutefois, l’extrême prévisibilité de cette équipe de France pourrait lui jouer quelques mauvais tours. Si les nombreux centres à destination de Katoto et la domination de la paire Mbock-Renard sur phases arrêtées pourraient sauver certains scénarios mal embarqués, les Tricolores auront besoin d’un peu plus d’ingéniosité collective face à des adversaires individuellement concurrentiels. Alors qu’elles n’ont jamais passé le cap des quarts à l’Euro, les Bleues sont aujourd’hui tellement obsédées par le résultat qu’elles peuvent parfois peut-être oublier le meilleur moyen d’y parvenir. Cette nation à deux visages est crainte, mais son principal danger reste elle-même. Réponses attendues, dès samedi.

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