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Tactique : l’Espagne, l’hymne à la joie

Par Maxime Brigand

Meilleure équipe de cet Euro, l’Espagne de Luis de la Fuente s’apprête à défier une équipe de France qui n’a pas besoin de beaucoup pour construire de grandes choses.

Tactique : l’Espagne, l’hymne à la joie

La phrase a été lâchée par Luis de la Fuente au beau milieu de sa première conférence de presse post-match de l’Euro, et le sélectionneur espagnol ne cesse, depuis, de remettre un coup de marteau sur son clou dès que la possibilité lui en est offerte : « Il faut que l’on garde la tête froide. » Peu importent les coups reçus ou donnés, peu importent les louanges récoltées, l’Espagne danse depuis le premier jour de ce championnat d’Europe dans sa bulle, tête baissée et oreilles bouchées. Elle le fait avec un calme face aux événements contraires – ils ont été très rares – qu’on ne lui a pas toujours connu et une capacité à se salir les mains qu’il faut. Elle le fait toujours avec style, bien sûr, mais elle le fait surtout désormais en sachant jongler avec les masques. Un détail qui n’en est pas un et qui fait souvent la différence, tout en haut des cols, entre une équipe sexy et une équipe capable de remporter un grand tournoi. La voilà maintenant où on l’attendait, en demi-finales, face à des Bleus froids, cyniques, qui ne parlent pas le même foot qu’elle et n’ont pas de circuits millimétrés pour atteindre leurs objectifs, mais qui semblent, on le sait, capables de tout avec peu. Mais comment en est-elle arrivée là ? Et de quoi faut-il avoir peur ?

Ce qu’il se fait de mieux

Une évidence, d’abord : l’équipe de France va dîner, mardi soir, à Munich, avec ce qu’il se fait de mieux en Europe depuis début juin, du moins sur le plan offensif. Avant de sauter dans le dernier carré, les chiffres sont nets : personne n’a plus tiré au but que cette Espagne entraînante (100 fois), personne n’a plus cadré ses tentatives, personne n’a généré plus de xG (10,2) et quasiment personne n’a plus tenté de dribbles par match (23,8, seul le Portugal a fait mieux sur ce point) et marqué (11 buts, seule l’Allemagne a été plus performante jusqu’ici). Caricaturale lors de sa chute au Qatar, fin 2022, la Roja est, au-delà des stats, surtout devenue une équipe plus directe et est plus à même de se créer, puis de pénétrer des espaces de différentes manières. Il est d’ailleurs possible de prendre le quart de finale face à l’Allemagne pour symboliser tout ce qui a changé avec De la Fuente, tant le plan adverse a forcé le Caillou de Haro à s’adapter. À Stuttgart, vendredi, Julian Nagelsmann avait fait le choix de couper les réseaux espagnols à la source, menottant les pions rouges en individuel sur tout le terrain et obligeant alors rapidement ses proies du jour à la perfection technique pour générer des décalages.

Tout n’a pas été parfait, bien sûr, mais l’Espagne, qui a quand même très vite perdu Pedri sur blessure, s’est bien adaptée au problème posé. On a d’abord vu Simón allonger régulièrement vers Morata (et un peu plus tard vers Carvajal), puis la Roja multiplier, au sol, les rotations entre les lignes pour appuyer sur l’individuelle allemande. Une individuelle qui, par essence, a offert de grands espaces une fois un adversaire éliminé par un dribble ou par un déplacement. À ce petit jeu, Laporte s’est notamment goinfré, aidé par la science des trois agitateurs de son milieu (Rodri, Fabian, Olmo, qui joue un cran plus haut), et a été brillant pour faire progresser le jeu, puis amener le ballon dans les pieds de deux des plus gros créateurs du tournoi (Yamal à droite, Williams à gauche), qui ont encore montré sur cette rencontre qu’ils peuvent générer autant de plaisir en percutant balle au pied le long d’une ligne de touche qu’en plongeant dans les couloirs intérieurs. Attention, d’ailleurs, à ce dernier point, les Bleus ayant montré quelques failles dans la protection des demi-espaces face au Portugal en ouvrant un peu trop l’espace entre défenseur central et latéral.

Exemple sur cette situation, après la demi-heure de jeu, qui permet de bien mettre en avant le plan sans ballon allemand : on note bien l’individuel avec Kroos sur les chevilles d’Olmo, Can sur celles de Ruiz et Gündoğan surveillant Rodri.

Pour créer le décalage, Rodri va alors reculer d’un cran afin d’attirer Gündoğan, Olmo va s’en aller côté gauche pour embarquer Kroos, et Ruiz va se décaler pour amener Can.

La suite est un dribble réussi de Laporte sur Sané…

… et un espace géant qui s’ouvre : au bout, Yamal aura une belle situation dans la surface.

Confirmation sur le but du 1-0, où, au départ, Laporte a encore le ballon, alors que les mouvements de ses trois milieux (tous déportés vers sa gauche) ouvrent un espace à attaquer dans le demi-espace droit.

Espace dans lequel va venir se glisser Morata…

… qui va alors pouvoir lancer Yamal…

 … lequel va ensuite, avec maturité, temporiser et trouver Olmo lancé dans une zone ouverte en pleine surface.

« Le voyage compte, mais l’important c’est de gagner »

Confiante, mature et capable de répondre à plusieurs problématiques avec un ballon qu’elle accepte de lâcher un peu plus qu’auparavant, l’Espagne l’est aussi, encore plus important, sans. On l’avait vu lors du début de match face à la Croatie, même si des réglages étaient nécessaires, puis totalement contre l’Italie et face à la Géorgie, mais cela s’est répété face à l’Allemagne : à l’aide d’un bloc en 4-1-4-1 ou 4-4-2 majoritairement haut/médian, compact, assez agressif, qui tente d’enfermer au maximum les adversaires sur un côté en faisant recentrer l’ailier opposé et sait gérer la profondeur, la Roja est assez rarement déséquilibrée depuis le début du tournoi, notamment dans l’axe ou dans les couloirs intermédiaires. Personne n’a, au passage, gratté plus de ballons dans le dernier tiers qu’elle (plus de 8 par match en moyenne) et elle a impressionné dans son pressing à la perte, ce qui est d’abord dû à la logique de son organisation avec ballon (un 2-3-2-3 avec des latéraux assez intérieurs au départ des situations et qui ne se déploient jamais au même moment), à un Rodri qui continue à faire du Rodri (encore 12 ballons récupérés face à l’Allemagne) en excellant dans les transitions défensives, mais aussi à la rigueur de ses jeunes ailiers. Leur présence, on l’a vu lors de la fin de match face à l’Allemagne lorsqu’ils n’étaient plus là, est précieuse, aussi, car elle installe une crainte dans le crâne des adversaires. Grâce à eux, l’Espagne, également portée par les projections de Ruiz et Pedri/Olmo (le Parisien et le joueur de Leipzig sont d’ailleurs les joueurs du groupe de De la Fuente qui ont le plus tenté leurs chances depuis le début de l’Euro, souvent au bout de centres en retrait), peut désormais se retrouver en six secondes chrono dans la surface adverse après avoir récupéré un ballon au bord de la sienne.

Notre idée de jeu est sans doute plus proche d’un spectacle et nous sommes une belle équipe à regarder, c’est vrai, mais ce qui compte, c’est de gagner, surtout à ce stade de la compétition.

Luis de la Fuente

Dans ce contexte, que peut-il se passer, mardi soir ? Cet Euro 2024 l’a déjà prouvé : le foot peut, parfois, être indéchiffrable, mais un jeu positif permet quand même le plus souvent de marquer les gens et l’histoire. Face à ça, l’équipe de France, qui a fait changer de nature la majorité de ses adversaires jusqu’ici, n’a peut-être pas marqué de but dans le jeu depuis le début du tournoi (elle n’en a pas pris non plus) et a beau s’être créé neuf grosses occasions de moins que son invitée du jour, elle reste – eh oui – l’équipe qui a touché le plus de ballons dans la surface adverse. C’est, bien sûr et surtout un monstre à tentacules qui ne file que des miettes et s’est fait spécialiste dans l’art de serrer au maximum toutes les couloirs intérieurs. Voilà ce qu’en a dit, en quelques mots, Luis de la Fuente, avant ce choc des mondes et des visions : « Je ne suis pas là pour juger si la France est agréable à voir jouer ou non. […] Je pense que ce que tu essayes de faire, en tant que coach, c’est de préparer un plan qui va t’aider à gagner. Notre idée de jeu est sans doute plus proche d’un spectacle et nous sommes une belle équipe à regarder, c’est vrai, mais ce qui compte, c’est de gagner, surtout à ce stade de la compétition. Nous voulons un bon football, mais surtout un football efficace. Car ce que vous allez analyser, ce sera le résultat. Le voyage compte, mais l’important c’est de gagner. […] La France est une équipe physiquement très forte, peut-être la plus forte du tournoi. Elle a aussi des joueurs imprévisibles. Tu ne sais jamais quand ils vont apparaître, mais ce qui est sûr, c’est qu’ils ne disparaissent jamais. Un Mbappé à 50 % vaut 100 % d’un autre joueur. C’est un génie, un joueur de classe mondiale, comme d’autres joueurs de l’équipe de France. On va essayer de minimiser leurs points forts. »

Auprès du Guardian, Rodri est allé dans le même sens : « Nous allons devoir jouer ce match comme une grande équipe, avec et sans ballon, en faisant preuve de solidarité, d’humilité. La France est une équipe physique, difficile à bouger, et ils jouent de la façon suivante : “Je t’attends, je suis bien dans mon camp, je vais vite, donc viens.” Jusqu’ici, on a joué différentes équipes et on a su s’adapter. On va devoir encore le faire. » En attendant, c’est peut-être son Espagne, qui va devoir faire sans Carvajal, sans Pedri et sans Le Normand, qui a, cette fois, le plus à perdre. Étrange pour elle qui sait, déjà, qu’elle va devoir faire attention dans sa gestion du rythme à ne pas trop s’emballer dans sa construction au risque de s’ouvrir inopportunément, parfait pour la France d’un Deschamps qui adore jouer ce rôle. Plusieurs points seront à surveiller de près, au premier rang desquels, certainement, le jeu dans les couloirs, où, de chaque côté, on retrouvera les éléments les plus créatifs (Mbappé, Dembélé, Yamal, Williams). Place au défilé.

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