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Tactique : ce que le PSG doit retenir de Bayern-Lyon
Battu froidement par le Bayern mercredi soir (0-3), l’Olympique lyonnais a malgré tout posé quelques problèmes tactiques au champion d’Allemagne et a exposé certaines de ses failles. Paris devra s’en servir dimanche, en finale. Décryptage.
Défensivement : l’OL a réveillé les failles de la bête
Si l’on ne connaît pas les goûts télévisuels de Thomas Tuchel, une certitude, à trois jours de la première finale de Ligue des champions de l’histoire du PSG : le technicien allemand doit se repasser en boucle le premier quart d’heure de ce Bayern-Lyon. À première vue, le champion d’Allemagne fait un monstre idéal : meilleure défense de son pays (32 buts encaissés en 34 rencontres), meilleure attaque du continent avec quelque 158 buts marqués en 51 rencontres disputées toutes compétitions confondues (ce qui fait une moyenne de 3,1 buts/match, rien que ça), un 100% de succès en C1 cette saison, quelques adversaires éparpillés en morceaux sur sa route… Avant de sauter dans le dernier carré, Rudi Garcia peinait d’ailleurs à masquer les gouttes perlant sur son front, mais disait : « Honnêtement, si on s’arrête aux stats, on reste regarder le match à l’hôtel, et le Bayern va jouer tout seul. Mais nous avons des qualités. On n’est pas une grande montagne à gravir, mais on peut être un caillou dans une chaussure. » Verdict : l’OL aura été plus qu’un gravier coincé au fond d’une pompe, et Hansi Flick n’a pas caché que sur plusieurs séquences, notamment jusqu’à ce que Serge Gnabry ne vienne arracher au bout de 18 minutes l’épine plantée au milieu de ses plans, son Bayern a « eu de la chance ». Il a surtout filé quelques astuces à un staff parisien qui n’a probablement pas passé sa nuit à taper le carton.
Deux choses, pour commencer : mercredi soir, l’OL n’a eu besoin que d’un quart d’heure pour tourner les projecteurs sur certaines faiblesses du Bayern et, point le plus rageant pour un Rudi Garcia qui avait bien bossé son plan, les Lyonnais ont probablement réussi un meilleur match lors de cette demi-finale que lors de leur quart de finale face à Manchester City. Comment l’expliquer ? Tout d’abord par le fait que Garcia a dans un premier temps réussi à perturber les habitudes du Bayern grâce notamment à l’installation de Toko-Ekambi, de nouveau préféré à Dembélé au coup d’envoi, sur le côté droit d’un 5-4-1 afin de couper la relation Alaba-Davies. Choix a alors été fait de laisser David Alaba relativement libre de sortir le ballon, Caqueret s’occupant de cadrer Thiago Alcántara lorsqu’il s’approchait du rond central et Cornet décidant d’évoluer assez bas afin de ne pas laisser trop d’espaces dans son dos. Le plan de jeu défensif lyonnais du premier quart d’heure a été très intéressant et a gêné un Bayern qui, en phase de construction, laisse de nombreux espaces au cœur de son bloc, notamment dans des zones dangereuses. Ce choix est un risque assumé, Flick souhaitant que ses hommes attaquent en nombre – parfois à sept – et soient capables de cogner de partout. Problème : si un ballon est perdu en pleine sortie de balle, le Bayern vit sur un fil et peut exploser. On l’a vu à la quatrième minute, lorsque Thiago Alcántara, qui venait juste d’éliminer Bruno Guimarães sur un pas, a facilement rendu un ballon plein axe à Caqueret, qui a alors scanné l’énorme distance entre Boateng et Alaba avant d’envoyer Depay en face à face avec Neuer.
Une fois le ballon perdu, le Bayern n’a quasiment aucun filet, car aucune perte de balle n’est anticipée. Depay n’est ici jamais surveillé, et ce, alors qu’il est dans la zone qu’il faut couvrir prioritairement : l’axe.
Juste après la pause, Thiago Alcántara a de nouveau laissé filer un ballon sur une séquence similaire, un cran plus bas et en le lâchant cette fois dans les pieds d’Aouar, mais Memphis a ensuite manqué son ouverture pour Toko-Ekambi. Autre faille déjà vue face au Barça et déjà largement évoquée : la profondeur, ce qui est souvent le cas lorsqu’une équipe se balade avec une ligne défensive aussi haute que celle du Bayern. À ce petit jeu, l’OL a de nouveau brillé, et ce, à plusieurs reprises. Malin, Marçal a d’abord joué rapidement un coup franc et a laissé Guimarães lancer Depay côté gauche (11e), qui a foiré son centre. Dans la foulée, Cornet, sur un scooter après une ouverture d’Aouar et un duel gagné face à Goretzka, a eu l’occasion de toucher Toko-Ekambi plein axe (cartouche aussi manquée), avant que Dubois ne mette sur orbite l’attaquant camerounais, qui a de nouveau profité d’une défense bavaroise qui déconnecte parfois dans la pose de son piège du hors-jeu.
Trouvé en profondeur par Dubois, Toko-Ekambi va ensuite résister au retour de Davies, mettre Alaba au sol grâce à un crochet court, mais va frapper sur le poteau de Neuer. Cette occasion va être le tournant du match et sur le contre, Gnabry va ouvrir le score.
Déjà fébrile sur ces séquences face au Barça, le Bayern n’a fait que confirmer des choses vues au cours de la saison. Fin novembre, le champion d’Allemagne avait par exemple encaissé deux buts de Leon Bailey sur des phases similaires.
Pour contrer la bête, Rudi Garcia avait également demandé à ses joueurs d’appuyer sur la largeur après avoir vu que le Bayern de Flick était très compact dans l’axe et laissait pas mal d’espaces le long des latéraux. On parle encore ici de séquences à la perte : des séquences où les Munichois ont la capacité de contre-presser côté ballon grâce à leur grosse densité offensive, mais laissent souvent le champ libre côté opposé. Garcia l’a d’ailleurs expliqué après la rencontre, tout en concédant quelques regrets : « On avait étudié qu’ils étaient prenables sur la largeur. On ne l’a pas assez fait en première période. C’était mieux en deuxième. » L’OL y est notamment parvenu en réglant certains de ses soucis côté gauche : là où Cornet montait en première période sur Kimmich pendant que Marçal coulissait, Aouar s’y est cette fois collé, et le Bayern n’a quasiment plus attaqué côté droit dans le second acte, si ce n’est au moment où Müller a été gratter une faute qui a conduit au troisième but bavarois sur coup franc. Grâce à cet ajustement dans l’animation, Aouar a été plus facilement trouvé et a enfin commencé à faire la différence (quatre dribbles réussis, les seuls de sa soirée, au cours de la dernière demi-heure) après quarante-cinq premières minutes timides. Thiago Mendes, entré à la pause à la place d’un Bruno Guimarães dépassé par le rythme, a également aidé l’OL à davantage étirer le bloc du Bayern.
Malheureusement, mercredi soir, l’OL a eu les balles pour blesser les Munichois, mais a perdu le réalisme qui l’avait aidé à coucher City et la Juve. Les Lyonnais n’ont également réussi à exister que par séquences : la fin de première période après le premier but de Gnabry a été un calvaire (sept tirs à zéro pour le Bayern, un taux de possession de balle monté à 71%, aucun tacle réussi par l’OL), comme si l’OL cherchait à attraper de la poussière ; la seconde période a été mieux, mais Garcia n’a jamais vu ses gars piquer lors de leurs temps forts. Face à un bloc allemand souvent distendu, les Gones ont pu trouver de nombreux relais entre les lignes, mais derrière, Lyon est tombé sur Davies, souvent en retard au départ, mais toujours en avance à l’arrivée, sur un Depay hors de forme et n’a finalement pu compter que sur un Caqueret encore une fois souvent brillant et blindé de personnalité.
Avec ballon : la source Thiago et des vagues imprévisibles
Si le Bayern n’a pas été aussi explosif offensivement que face au Barça et a été gêné par l’organisation lyonnaise, certains principes des hommes de Flick ont malgré tout été visibles mercredi soir. À commencer par la sortie de balle, où les Munichois ont pu compter sur un Neuer parfait dans sa gestion de la profondeur, propre dans son jeu au pied et auteur de deux relances à la main jusqu’à la ligne médiane (l’une d’elles a failli se terminer en passe décisive pour Coutinho), mais ont surtout répété un circuit simple pour faire avancer le bloc. Thiago Alcántara, avec ses 116 ballons touchés et ses 91% de passes réussies, a de nouveau été au carrefour des lancements en venant souvent se mettre entre Boateng et Alaba, avant de décaler Kimmich. Bloqué côté gauche par le positionnement de Toko-Ekambi, le Bayern a souvent insisté sur une zone faible de l’OL : le côté droit, où les Munichois ont empilé les projections de Goretzka, un Müller sans poste, mais toujours terriblement précieux (il ouvre l’espace à Gnabry sur les deux premiers buts et va chercher la faute dans les pieds de Cornet sur le troisième) et un Gnabry dynamite. Même bousculé, le champion d’Allemagne trouve toujours la parade offensivement avec un ballet incessant entre ses différents pions, chaque élément ayant plusieurs profils : Perišić sait percuter ou jouer dans l’interligne ; Gnabry peut jouer ailier, deuxième attaquant ou peut compenser les déplacements de Müller ; Müller joue partout ; les latéraux amènent un volume de jeu impressionnant ; Alaba et Thiago sont capables de péter n’importe quelle ligne ; Lewandowski, qui traverse la meilleure saison de sa carrière, vampirise toute une ligne défensive à lui seul ; Goretzka est quasi imbougeable et peut se projeter, comme lorsqu’il a sollicité un une-deux avec Lewandowski mercredi soir (11e)…
Le Bayern explose de partout et cherche en permanence à dynamiser les couloirs. Même contre un bloc lyonnais serré, Hansi Flick a notamment pu voir Davies et Perišić créer quelques décalages sur le côté de Dubois et les Munichois ont puni l’OL froidement à la moindre erreur. À la 33e minute, à la suite d’un contrôle manqué de Cornet sur une transversale d’Alaba, le Bayern s’est ainsi retrouvé en quatre contre trois et a pu planter la défense lyonnaise : c’est le côté gagnant de la prise de risque munichoise et la rançon d’installer autant de joueurs devant le ballon.
Malgré tout, parce qu’ils ont marché eux-mêmes sur le scénario, les Bavarois sont ensuite entrés en phase de gestion, et après l’occasion manquée par Perišić (51e), l’OL est souvent revenu dans les trente derniers mètres d’un Bayern qui a été décevant sur les seconds ballons et dans sa capacité à contenir les Lyonnais par le contre-pressing.
Que doit faire le PSG ?
Plusieurs questions se posent avant la finale : le Bayern aura-t-il récupéré Boateng ou devra-t-il se pointer avec Süle ? Flick, qui n’a pas caché que son équipe avait été en réussite mercredi soir, va-t-il installer un bloc plus bas afin de se projeter très rapidement comme on l’a vu lors du premier but inscrit face au Barça ? Le coach bavarois continuera-t-il de faire confiance à Perišić ou lancera-t-il Coutinho, qui semble avoir un peu d’avance sur Coman ? Et Tuchel, alors ? L’entraîneur parisien pourrait aussi être tenté d’aspirer le Bayern afin de pouvoir le punir dans le dos de ses latéraux avec les projections de Mbappé et Di María et de ne pas trop se découvrir dans son pressing. Dans ce cadre, la question de la titularisation de Marco Verratti se pose, puisque l’Italien pourrait filer un coup de main au PSG pour casser le pressing munichois là où Leandro Paredes, également capable de résister sous pression, peut aussi aider les Parisiens à attaquer la profondeur grâce à ses lancements ciselés. La capacité du Bayern à couvrir la profondeur sera l’une des clés de cette finale. Les autres enjeux seront l’implication de Di María en phase défensive pour aider Kehrer à couvrir les déboulés de Davies, la mise sous tutelle de Thiago Alcántara (par Herrera ?) et l’installation d’une zone optimale pour Neymar – ce qui a été l’enjeu des deux dernières sorties parisiennes -, le Brésilien étant l’artiste le plus déstabilisant d’une C1 où pouvoir esquiver le pressing est un luxe. « On a perdu trop de ballons et peut-être moins bien défendu que d’habitude lors de la première période. Il faudra corriger ça », a complété un Flick déjà dans sa finale dans la soirée de mercredi. Benjamin Pavard, lui, a préféré sortir la carabine : « On n’a pas à avoir peur de Paris. On sait qu’on est une grande équipe. On est le Bayern, personne ne nous fait peur. » Réponse dimanche.
Par Maxime Brigand