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Tactique : Alexis Sánchez, le cerveau d’Igor Tudor

Par Matthias Ribeiro
9 minutes
Tactique : Alexis Sánchez, le cerveau d’Igor Tudor

Accueilli comme un roi à Marseille fin août, l’international chilien a débarqué à l’OM avec la pression d’être l’un des - si ce n’est le - plus beaux CV à avoir porté la tunique phocéenne au XXIe siècle. Auteur d’un excellent début de saison, la tête d’affiche de la génération dorée du Chili, habituée aux plus grandes ambiances, est déjà devenue un pion essentiel pour Igor Tudor. Explications.

Son aventure ciel et blanc aurait pu démarrer de manière rocambolesque après une glissade sur un fumigène envoyé sur le parvis de l’aéroport de Marignane, mais les appuis d’Alexis Sánchez ont tenu. Aligné depuis à la pointe de l’attaque marseillaise en lieu et place d’un Arkadiusz Milik qui a traversé les Alpes pour rejoindre la Juventus, El Niño Maravilla offre une approche et un profil différents de la gâchette polonaise. Utilisé côté droit au Barça, côté gauche à Arsenal et deuxième attaquant à l’Inter, Sánchez collectionne, à 33 ans, autant les top clubs que les postes offensifs et voit son échantillon s’épaissir encore un peu plus depuis son arrivée à l’OM, où il s’est pointé avec un paquet d’interrogations physiques dans les valises. Des interrogations qu’il a rapidement fait exploser : celui qui a disputé moins de 900 minutes la saison passée avec l’Inter vit un début de saison canon, dans les stats – quatre buts en six matchs de France – comme dans le jeu.

Petit, mais costaud

Connu pour sa vivacité et sa tonicité, l’international chilien, haut de 169 centimètres, brille avant tout jusqu’ici grâce à sa justesse dos au but et à sa résistance au duel. Alors que la Ligue des talents traîne la réputation de championnat avec une grosse densité physique, demandant ainsi un certain temps d’adaptation aux nouvelles recrues, le calibre et l’expérience d’Alexis Sánchez semble lui avoir offert un raccourci. S’il n’est pas forcément dominant dans les statistiques de duels gagnés, le nouveau numéro 70 de l’OM se démarque par sa capacité à transformer en or chaque bataille remportée. Une qualité qui permet d’offrir de la variété à un collectif qui cherche à gagner des mètres rapidement sans vraiment disposer d’autre point d’appui concret.

Illustration contre le LOSC, ce week-end : Veretout allonge vers Alexis Sánchez qui vient se coller à Bafodé Diakité. L’ancien joueur de l’Inter est bien ancré sur ses appuis et résiste au duel face à l’ancien Toulousain…

Il est alors impossible d’intervenir pour le défenseur lillois. Sánchez peut alors servir en pivot Cengiz Ünder en retrait aux abords de la surface…

Le Turc glisse ensuite le ballon à Pape Gueye qui pourra armer une bonne frappe qui sera sauvée par Lucas Chevalier.

Malgré le caractère combatif qu’il trimbale dans ses valises depuis Tocopilla et qui est connu de tous ceux qui le suivent depuis le début des années 2010, sa résistance au duel sur le front de l’attaque et sa réussite dans ce rôle de pivot peuvent être plus surprenantes. Toutefois, c’est surtout techniquement que Sánchez se démarque dans le Tudorball. Disponible entre les lignes, il représente autant une bouffée d’air frais pour la relance olympienne qu’une apnée pour les défenses adverses.

Exemple sur le terrain de Brest (1-1), où Guendouzi trouve une très belle passe vers Sánchez qui casse deux lignes. Le ballon arrive fort et à mi-hauteur, mais le Chilien remise parfaitement en une touche dans la course de Milik…

Tout est réuni pour que le Polonais file au but sur son pied gauche, mais il manquera sa prise de balle et permettra à Brendan Chardonnet de récupérer le ballon.

Malgré sa petite taille, Alexis et son excellente détente peuvent gagner certains duels aériens et offrir un peu de diversité à l’OM. Face à Clermont, il remise parfaitement de la tête un long ballon de Chancel Mbemba vers Payet, offrant ainsi une belle opportunité au Réunionnais…

Les Clermontois auront le temps de venir resserrer pour empêcher le numéro 10 phocéen de prendre sa chance dans une zone qu’il affectionne particulièrement.

Santa Clauss, un cadeau pour Sánchez

Deuxième route la plus utilisée derrière celle qui mène à Matteo Guendouzi depuis le début de la saison, la voie Sánchez-Clauss est l’une des forces du début de mandat de Tudor à l’OM. Complices dès le premier match qu’elles ont disputé sous la même tunique, les deux recrues marseillaises affichent déjà une entente naturelle et décisive. Le Chilien, souvent dos au but, étant droitier, a une tendance logique à orienter vers le côté du piston français, tandis que l’ancien du RC Lens, qui occupe une position moyenne plus haute que la médiane depuis le début du championnat, est naturellement tenté de jouer vers l’intérieur. Le premier but inscrit à l’Allianz Riviera face à Nice est une bonne illustration de cette entente après qu’Alexis a transpercé la lucarne de Kasper Schmeichel à la suite d’une bonne percussion de Clauss…

Contre Brest, Alexis décroche entre les lignes comme souvent à la suite d’un bon service de Valentin Rongier et oriente en une touche vers un côté droit alors ouvert pour Jonathan Clauss (hors champ)…

Le ballon du Chilien est excellent, et le bloc marseillais se projette rapidement en nombre vers le but de Marco Bizot…

Alexis a suivi l’action et se rend disponible aux abords de la surface pour Clauss, alors orienté vers l’intérieur. Il est servi par son piston et attaquera la ligne de but sur sa prise de balle…

Derrière, il centre en bout de course, mais Clauss qui a lui aussi suivi le déplacement de son partenaire est un peu court pour récupérer ce une-deux-trois grandeur nature.

Face à Clermont, Alexis Sánchez sort une nouvelle fois du marquage de son défenseur pour se rendre disponible entre les lignes et est touché par Matteo Guendouzi. Au moment de son décrochage, Clauss effectue le déplacement inverse pour profiter de l’alignement adverse et du pied de son partenaire…

Le Français offrira, comme à son habitude, un bon centre dans la surface. Mateusz Wieteska doit intervenir face à son but avec la présence de Payet dans son dos…

Le défenseur clermontois se trompera et offrira un ballon de but à Payet qui ne parviendra pas à conclure ce mouvement initié par la paire Sánchez-Clauss.

 C’est un champion. Il apporte beaucoup au niveau de l’envie, de l’intelligence, le fait d’être professionnel. Il n’est pas là pour s’amuser. C’est un exemple pour tous.

Physiquement déjà au point

Avant d’affronter Brest à Francis-Le Blé lors de la deuxième journée, Igor Tudor disait d’Alexis Sánchez : « Il ne faut pas s’attendre à ce qu’il soit au top tout de suite, mais dans un mois, ce sera bon. » Le Sud-Américain n’a finalement pas eu besoin du matelas offert par son entraîneur pour se faire une place dans la maison marseillaise. Déjà efficace et affûté physiquement, l’attaquant gagnera néanmoins sûrement en constance avec le temps (seulement 64 minutes par match de Ligue 1 en moyenne jusqu’ici avec un seul match joué en intégralité face à Clermont sur les six disputés). Toutefois, El Niño Maravilla tient à rentabiliser chaque minute passée sous la tunique phocéenne. Pour cela, le numéro 70 assume parfaitement le statut de figure de proue qui lui est donné, autant collectivement qu’institutionnellement. Hyper généreux dans les efforts sans ballon, Alexis est un véritable leader dans le pressing au sein de l’équipe qui dispose du deuxième PPDA (nombre de passes autorisées par l’OM à l’adversaire dans sa moitié de terrain) le plus haut de Ligue 1 (8,74). Son aura et son leadership sont tels qu’il influence et aspire toute l’équipe dans une énergie commune, comme le soulignait son entraîneur en conférence de presse le 18 août dernier : « C’est un champion. Il apporte beaucoup au niveau de l’envie, de l’intelligence, le fait d’être professionnel. Il n’est pas là pour s’amuser, c’est quelqu’un de sérieux. C’est un exemple pour tous. Il influence de manière positive toute l’équipe. »

Contre Clermont, Sánchez déclenche le pressing olympien sur la passe en retrait auvergnate. Guendouzi, Rongier et Gueye s’activent alors pour le suivre et tenter de récupérer le ballon haut…

Le pressing individuel cher à coach Tudor est en place, Diaw est mis sous pression par Sánchez et n’a qu’une solution évidente proche de lui, celle offerte par Wieteska…

Le défenseur polonais est alors lui aussi sous pression et est forcé d’allonger, ce qui rendra le ballon à Samuel Gigot.

En plus d’être capable de répéter les courses à haute intensité pour initier le pressing si cher à son technicien, Sánchez s’avère également crucial sans ballon lorsque son équipe est en possession. Aussi intelligent pour se déplacer que précis pour finir, le Chilien facilite la vie de ses partenaires grâce à ses courses et sa mobilité, choses qui ont longtemps été reprochées à son prédécesseur, Arkadiusz Milik.

Face au LOSC, Harit, Alexis et Ünder se projettent rapidement vers le but adverse dans une attaque rapide made in Tudor. Sánchez ne regarde même plus le ballon et attaque l’espace pour faire reculer la ligne défensive lilloise et offrir mètres, temps et solutions à son compère marocain…

Malgré le trois-contre-quatre en faveur des Lillois, Harit dispose de deux bonnes options après avoir fixé de la médiane jusqu’à l’entrée de la surface adverse. Il choisira finalement l’option Ünder côté droit…

Le Turc servira Alexis en une touche qui égalisera calmement du plat du pied. Le Chilien a inscrit jusqu’ici l’intégralité de ses buts olympiens dans la surface de réparation (trois réalisations sur les quatre ont été conclues en une touche).

Dernière interrogation physique qui subsistait au moment de l’arrivée de Sánchez en Provence : avait-il toujours un coup de rein suffisant pour faire la différence seul ? Si la VMA et l’enchaînement des matchs ne devraient pas poser de problèmes avec une bonne gestion de son temps de jeu, la vivacité et la tonicité de ses appuis semblent elles moins maniables. Couleur clé de sa palette, les appuis de l’attaquant doivent suivre pour profiter au maximum de la technique et de la mobilité de ce dernier. Jusqu’ici, il semble encore une fois rassurant, démontrant ainsi toujours cette capacité à se retourner rapidement et à dérouter l’adversaire balle au pied grâce à des changements de direction spontanés.

Contre Clermont, Rongier touche Sánchez, alors collé à Alidu Seidu. Le Chilien feinte sa prise de balle et s’oriente finalement vers l’axe grâce à un extérieur pied droit qui élimine le Ghanéen…

Il contourne alors le défenseur clermontois et résiste au duel ensuite pour servir Pape Gueye sur sa gauche…

L’ancien Havrais et Nuno Tavares se gênent au moment d’exploiter ce ballon qui termine alors contré par le premier obstacle auvergnat.

« Sánchez avait des idées claires sur où il voulait aller, dans quel système de jeu… », disait Pablo Longoria lors de la présentation de son dernier joyau, tandis que Tudor était admiratif devant la versatilité de son nouvel attaquant : « Sánchez peut jouer partout en attaque. On le verra peut-être à droite, à gauche, dans l’axe… Avec ce genre de joueur, ça ne change pas grand-chose. » Pour le moment, la tripartite semble satisfaite. Longoria a trouvé un leader à son projet sur et en dehors du terrain, Tudor peut compter sur un joueur flexible de classe mondiale et Alexis Sánchez retrouve de sa superbe dans un environnement qui lui sied parfaitement. Reste à voir s’il continuera d’assumer ce statut dans la plus grande des compétitions, où il a manqué à l’OM sur certaines séquences lors de la défaite à Tottenham (2-0). Premier élément de réponse, ce mardi soir, face à Francfort, au Vélodrome.

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