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Tacalfred & Weber : « On était fait l’un pour l’autre »
Charnière mythique du retour du Stade de Reims en Ligue 1 au début des années 2010, le duo formé par Mickaël Tacalfred (40 ans) et Anthony Weber (34 ans) s'est reformé depuis l'été dernier dans l'autre club de la cité des Sacres : Reims Sainte-Anne, pensionnaire de Régional 1. Et comme la vie est bien faite, les deux anciens stadistes (plus de 200 matchs chacun) croiseront ce week-end la route du Stade de Reims en 32es de finale de Coupe de France, pour un derby des Sacres inédit au stade Auguste-Delaune. Entretien avec deux jeunes retraités pétillants.
Bonjour messieurs. Dimanche, vous retrouvez le Stade de Reims en 32es de finale de Coupe de France. Un match qui se jouera en plus à Delaune, ça doit vous faire bizarre, non ? Mickaël Tacalfred : Ça fait un peu bizarre ouais…Anthony Weber : En partant de Reims, j’espérais venir rejouer un jour à Delaune contre le Stade, mais malheureusement, ce n’est jamais arrivé avec Caen et Brest. Pas même en Coupe de France. La seule fois où on est revenus avec Brest, j’étais suspendu. Là, ça arrive, et je ne vais pas pouvoir y participer parce que je suis blessé… Ça va être chargé en émotions.
MT : Je suis revenu deux fois avec l’AJ Auxerre. Mais là, c’est encore plus particulier de venir y jouer avec Reims Sainte-Anne. C’est un scénario que je n’aurais jamais imaginé : jouer contre le Stade, à Delaune, avec un autre club de la ville. C’est beaucoup de bonheur, un honneur de revenir à Delaune.AW : C’est vrai qu’on a passé la plus grande partie de notre carrière à Reims, tous les deux. Rejouer à Delaune, ça doit être extraordinaire, même si je serai en tribune.MT : En loge même, dis-leur !AW : Oui, c’est vrai que j’ai la chance de regarder les matchs en loge, par ma belle-famille. (Rires.) Mais pour celui-là, surtout, je ne veux pas polluer la concentration des gars par ma présence sur le banc. Je préfère être discret, me faire petit dans la tribune et qu’on se concentre sur le club, l’équipe.
Vous connaissez encore du monde au club ?MT : En interne oui, mais l’effectif a pas mal changé. Je connais un ou deux joueurs, c’est surtout dans les composantes du club qu’on a encore des contacts, les dirigeants, les éducateurs, les membres du staff.AW : Pour le coup, j’entraîne au club depuis quelques mois, donc tout le monde m’en parle. J’ai la pression des deux côtés !
Effectivement pour toi, Anthony, la situation est particulière parce que tu joues à Sainte-Anne, mais tu passes tes diplômes d’entraîneur au Stade de Reims.MT : Ouais, d’ailleurs tu es pour qui dimanche ? (Rires.) AW : Ah ! C’est difficile de répondre ! Je ne peux pas donner une équipe évidemment… Le cœur balance entre les deux-là, mais tu as toujours envie que le petit Poucet tape le gros. Après, quand le gros, c’est ton ancien club…
Surtout que le Stade de Reims est un spécialiste des éliminations contre les petites équipes…AW : Ah putain ouais, on en a connu, nous ! Hein Tacal’?MT : Les éliminations sur des premiers tours pièges comme ça, on en a eu pas mal. Après, là, on ne parle pas d’un vrai petit Poucet, parce que Sainte-Anne est une équipe de R1, mais quand on voit le niveau du groupe, et l’encadrement, on est plutôt une équipe de haut de tableau de N3. C’est d’ailleurs l’objectif du club.
Vous avez joué le vrai derby contre Sedan, l’autre derby contre Troyes, maintenant le derby des Sacres. Comment vous l’appréhendez ?MT : C’est bien pour la ville déjà, ça va être sympathique comparé au vrai derby avec Sedan, qui est bien chaud. La plupart des gens de Sainte-Anne et du Stade se connaissent, il n’y a pas de rivalité, donc ça sera une belle fête.AW : D’autant qu’il y a des relations cordiales depuis des années dans les deux sens. On va donner un beau coup de projecteur sur le football rémois.
Quels sont vos plus grands souvenirs à Delaune ?MT : La montée face à Monaco en 2012, avec l’envahissement de terrain. D’ailleurs, Antho marque ce jour-là, c’était le moment le plus fort.AW : En fait, c’est toute cette saison magique de Ligue 2 avec la montée au bout, le ciseau de Cédric (Fauré, NDLR) dans le derby contre Troyes, le doublé de Gaëtan (Courtet, NDLR) contre Boulogne après sa longue maladie… C’est des matchs de dingue. La Ligue 1, c’était bien aussi, mais différent. MT : Ce n’est pas les mêmes émotions entre jouer la montée et jouer le maintien, même si on a passé de très bons moments en Ligue 1 évidemment, notamment le jour où on a battu le PSG à Delaune, l’OM au Vélodrome. Tout ça reste gravé.
Vous avez respectivement passé sept et huit ans à Reims. Que représente cette ville pour vous ?AW : Reims, c’est une grande partie de ma vie sportive et de ma vie d’homme. Mes filles sont nées ici, ma femme est rémoise, on s’est mariés ici. Quand j’étais à Brest, à Caen, mon seul plaisir, c’était de revenir ici. Même si je suis strasbourgeois, j’ai toujours su que je vivrais à Reims après ma carrière. Je suis un Alsaço-Champenois, quoi.MT : Pareil Reims, c’est 8 ans de ma vie, donc il se passe des choses : mariage, naissance… En plus, je suis de la région parisienne, donc mes proches ne sont pas loin. J’avais fait construire ma maison ici en me disant que je reviendrais un jour après Auxerre.
C’est aussi parce que le champagne surclasse le chablis ou le gewurztraminer ?AW : Avec le gewurztraminer, il y a match hein !MT : J’avoue que j’ai une préférence pour le champagne.AW : C’est vrai que ça reste une valeur sûre.
Assez parlé du Stade et du passé, parlez-nous de Reims Sainte-Anne donc. Comment êtes-vous arrivés ici ?MT : Les dirigeants ont appris que je rentrais sur Reims, que j’étais libre. Ils m’ont exposé le projet ambitieux du club de retrouver la N3 et de viser la N2, ça m’a plu. Pourquoi ne pas relever ce challenge ?AW : Même cas de figure. Avec Tacal’, on en avait discuté quand j’étais encore pro en rigolant. Il m’avait dit qu’on se retrouverait à Sainte-Anne. J’ai dit : « On ne sait jamais. » Et puis entre le corps qui dit stop, la lassitude mentale et le manque de propositions, j’ai décidé de prendre ma retraite et je suis rentré à Reims. J’ai eu le président au téléphone, et ça a été très vite. J’avais envie de continuer un peu à jouer si mon genou me laisse tranquille, ce qui a été le cas au début, moins ces dernières semaines. Je galère en ce moment, le synthétique a eu raison de mon genou, je n’arrive même pas à courir. Le même genou qui m’a poussé à arrêter ma carrière pro. À Caen, j’ai fini avec beaucoup d’infiltrations, c’était devenu chiant.
C’est si dur que ça de vraiment raccrocher les crampons ?MT : Oui ! Après Béziers, je n’ai pas joué pendant un an. Je me suis dit que j’allais arrêter. Puis est venue cette opportunité, j’avais encore l’envie, même si ce n’est pas en pro, je prends beaucoup de plaisir, et c’est ce que je recherchais. Le rythme change, on n’a que trois séances d’entraînement par semaine. Le gros changement, c’est qu’on s’entraîne le soir à partir de 19h30 parce que les coéquipiers bossent. J’entraîne les U15 aussi, donc parfois j’enchaîne l’entraînement des gamins, puis le mien, ça fait des journées bien chargées.AW : Ce n’est pas facile d’arrêter de jouer, mais paradoxalement, quand je ne joue pas, ça ne me manque pas tant que ça, je ne suis pas malheureux, mais j’ai quand même besoin de ma dose. Quand je suis de l’autre côté de la barrière, que j’entraîne, ça m’apporte cette dose. on verra jusqu’où ça me mènera.
Ça fait quoi d’arriver dans un vestiaire de R1 ? AW : L’effectif est de grande qualité, entre les anciens comme Tacal’ et moi, des petits jeunes, des anciens du centre de formation de Reims. On a un bon mélange. On est très bien encadrés, Sainte-Anne est un super club, habitué à jouer plus haut et ça se sent.MT : On se sent bien humainement dans cette équipe, j’ai l’impression de connaître ces gars depuis des années. On a été super bien accueillis, il n’y a pas eu de regard bizarre, on n’est pas traités différemment.AW : On n’a pas l’étiquette d’anciens pros, on se fait chambrer et on chambre comme tout le monde. Quand tu arrives d’en haut, tu as toujours peur de créer un malaise ou je ne sais quoi, mais là non. Ça me fait plaisir d’être considéré comme un des leurs.
Vous devez quand même avoir un statut un peu particulier, non ?AW : On essaye d’apporter notre expérience du haut niveau, surtout sur l’approche des matchs. Parfois, on parle un peu de tactique, mais on n’est pas là pour remplacer le coach, on se contente d’accompagner le groupe pour atteindre les objectifs.
On dit que Reims Sainte-Anne est le PSG de la R1 en Champagne, parce que le club est très ambitieux, met les moyens et que vous y jouez. Vous sentez quelques regards de travers des fois ? MT : Pour moi, non.AW : Mais si ! Totalement, c’est sûr Tacal’ ! (Rires.) Même si on ne l’entend pas. Attends, on est en R1, on se déplace en bus, on mange à l’hôtel… On vit comme un club semi-pro. MT : C’est vrai que ça doit faire parler en dehors du terrain, mais sur le terrain, je n’ai pas ce sentiment-là. Après, c’est sûr qu’on a un effectif de N3… Et puis ces histoires de PSG de la R1, ça a commencé quand Antho est arrivé, hein !
Et les adversaires, ça doit chambrer pas mal aussi ? Ou vous colle le joueur le plus rapide sur le dos ?AW : Pour moi de toute façon, tout le monde est trop rapide, que tu me mettes un jeune ou un vieux, ça ne change rien. (Rires.) Quand tu joues à l’extérieur, tu te fais toujours chahuter, chambrer. À base de « presse-le, il est fatigué », « ce n’est plus un professionnel, il est cramé vas-y ». Les mecs comme ça me font marrer, j’aime bien. MT : Je n’ai joué qu’à domicile moi pour le moment, donc ça va. (Rires.)
Il y a de la place à Reims pour que Sainte-Anne puisse se rapprocher du Stade dans la hiérarchie ?AW : Oui, d’ailleurs les clubs sont partenaires. Et ça permettra à ceux qui ne réussissent pas au Stade de venir à Sainte-Anne, plutôt que de s’expatrier dans des villes lointaines. Si l’entente reste cordiale comme aujourd’hui, ça ne peut que servir à tout le monde. »
Vous avez joué 125 matchs côte à côte, c’était comment de jouer ensemble ?AW : C’était naturel, je ne sais pas comment dire ça. On était complémentaires. Je n’ai jamais retrouvé ça après, même à Reims avec Aïssa Mandi, qui est pourtant un de mes meilleurs amis. Avec Tacal’, c’était facile.MT : On était faits l’un pour l’autre en fait.AW : C’est devenu mon grand frère en fait, je suis arrivé à 24 ans, il avait déjà la trentaine quand je suis arrivé, c’était le capitaine. Il m’a beaucoup aidé, notamment pendant ma longue blessure. Et maintenant c’est un frère.
Si Sainte-Anne élimine le Stade, vous n’avez pas peur que les supporters vous en veuillent ensuite ?MT : Non, on va tout donner sur le terrain et on verra bien. On reste des clubs amis, et la vie continuera, peu importe le résultat.AW : Au moins, je ne me ferai pas chambrer au bureau lundi au Stade, parce que c’est les vacances donc je serai tranquille jusqu’au 3 janvier. (Rires.) Mais il faut toujours se méfier contre les petits. Normalement, ils doivent être largement meilleurs, mais on a un coup à jouer avec notre équipe jeune, qui a la dalle, et on sort de 11 victoires de rang, donc on est en pleine confiance.
De toute façon, comme on disait tout à l’heure, le Stade de Reims a l’habitude de perdre contre une équipe amateur en Coupe de France. Donc autant que ce soit un club de la ville, non ?MT : Vu comme ça…
Propos recueillis par Adrien Hémard