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Sylvinho en terrain glissant

Par Mathieu Rollinger
Sylvinho en terrain glissant

Après le nul concédé à Brest mercredi (2-2), l'entraîneur brésilien de l'OL est empêtré dans un véritable bourbier. Parce qu'après les tâtonnements tactiques, la peur et la perte de confiance s'invitent dans les rangs lyonnais, avant une semaine qui s'annonce cruciale.

Certains destins ne sont pas censés s’entrechoquer de la sorte. Pas sous une bruine finistérienne, pas dans une telle bouillie de football. Yoann Court s’était vu, lui, incarner « l’après » . Un joueur qui a vu, durant sa formation, un monument prendre chaque année un peu plus d’épaisseur, et pensait pouvoir participer à la transition une fois son départ acté. En 2009, Juninho quittait l’Olympique lyonnais. Au même moment, le Vauclusien est alors une des valeurs sûres des équipes jeunes et s’installe en CFA. Mais Claude Puel le jugeait trop irrégulier pour lui offrir son premier contrat pro. Le genre de revers qui lui ont laissé « un peu de haine » envers le coach, et qui lui est « resté en travers de la gorge » longtemps après. D’autant plus que la suite a été pour lui une succession de galères : le chômage, le froid de Sedan et ses soucis financiers, le diabète, une affaire de pari sportif, jusqu’à cet été avec l’incertitude quant à son avenir au Stade brestois, son agent estimant qu’il était « pris en otage par l’ego de certaines personnes » en Bretagne. Autrement dit, les trajectoires de l’OL et de Yoann Court n’étaient pas près de se recroiser. Pourtant, ce mercredi soir, le milieu a signé un formidable doublé — ses deux premiers buts en Ligue 1 — face à son club formateur, comme pour lui rendre le peu de monnaie qui lui restait.

Une équipe à court d’idée

Juninho n’est en rien responsable du parcours chaotique de l’actuel Brestois, mais de cette revanche personnelle découle aujourd’hui une véritable remise en cause du projet que le Brésilien chapeaute, et par ricochet de Sylvinho, premier choix du nouveau directeur sportif lyonnais. De porte-étendard des nouvelles ambitions à fusible, le chemin semble n’avoir jamais été aussi court et c’est – sans mauvais jeu de mots – Yoann Court qu’il l’a en partie démontré. Et ce en trois points :

Ses deux buts découlent d’une erreur de concentration de la part des Lyonnais. En effet, il ne lui a fallu qu’une poignée de secondes après l’ouverture du score pour égaliser, quand le second a mis en lumière toute la latitude laissée par l’arrière-garde lyonnaise dans la surface. Il y a une dizaine de jours, Sylvinho résumait son credo ainsi : « Le système n’est pas ce qui m’inquiète le plus. Pour moi, ce qui est important, c’est le niveau de concentration, de dynamisme et d’intensité. » Visiblement, son message n’est pas correctement passé. Tactiquement, le premier chantier du Brésilien consistait à faire de ses latéraux de vrais défenseurs. Une certaine ironie quand on sait à quel point, lui l’arrière de métier, était porté vers l’offensive. « La première chose que j’ai apprise quand je suis arrivé en Angleterre, alors que je suis un latéral brésilien, c’est la ligne de quatre en défense, expliquait-il. À partir de ce jour-là, j’ai compris qu’un latéral est un défenseur et ça ne m’a pas empêché de faire beaucoup de passes décisives ! » Conséquence : Dubois, Tete ou Koné ne se projettent que très rarement, et ne sont toujours pas des monstres défensifs. Preuve par l’exemple ce mercredi, où Yoann Court a eu tout le loisir d’armer sa frappe du gauche, profitant autant de la fausse piste créée par Gaëtan Charbonnier que du laxisme de Youssouf Koné. Pareil sur le second but, où le Malien semble caresser le dos de Julien Faussurier comme pour l’encourager à faire sa passe décisive en talonnade. Bref : avec cette consigne, l’OL est frileux comme jamais au moment d’attaquer et friable comme rarement lorsqu’il faut défendre. Des cinq joueurs formés au club encore présents dans l’effectif pro, seul Anthony Lopes a foulé la pelouse gorgée d’eau de Francis-Le Blé ce mercredi soir. Houssem Aouar étant scotché sur le banc (comme face au Zénith une semaine plus tôt), Caqueret, Racioppi et Gouiri sur liste d’attente, cet état des lieux montre que le lien entre la formation lyonnaise (si souvent louée) et le groupe pro est distendu. Les deux banderilles de Yoann Court, 29 ans, sont un clin d’œil à cette « jeunesse sacrifiée » , mais souligne surtout que les recrues de l’été ne présentent pas plus de garanties. Hormis Jeff Reine-Adélaïde qui a surnagé lors de ces précédentes titularisations, Thiago Mendes, Joachim Andersen ou encore Youssouf Koné laissent perplexe sur leur véritable niveau. Une manière de mettre un peu plus en cause le véritable savoir-faire du duo Juninho-Sylvinho.

L’autre Finistère

Avec cinq matchs de suite sans victoire en Ligue 1 – pire série depuis janvier mars 2018 -, l’étau commence à se resserrer autour de Sylvinho. Là où, les saisons précédentes, beaucoup de supporters attribuaient les maux de l’OL au seul Bruno Genesio, son successeur glisse petit à petit dans le même piège. Si bien que la peur et la quête de confiance sont aujourd’hui le registre lexical privilégié dans les rangs lyonnais. « On a un manque de confiance et cela engendre de la peur, déroulait-il en Bretagne avec un argumentaire déjà utilisé. On avait changé de schéma tactique, on avait changé quelques joueurs vu l’enchaînement des matchs. Je suis un peu soucieux par rapport aux résultats, mais le premier pas, c’est le rétablissement de la confiance. Pour cela, on a besoin de gagner des matchs. Il faut que l’on travaille deux fois plus pour retrouver cette confiance. »

Sylvinho et Juninho ont encore quelques cartouches pour inverser la situation. La réception ce samedi de Nantes est une première étape dans une semaine cruciale, suivie d’un déplacement très compliqué à Leipzig mercredi en Ligue des champions — compétition dans laquelle tous les crédits ne sont pas encore épuisés malgré les débuts laborieux face au Zénith (1-1) —, et enfin un derby à Saint-Étienne qui s’annonce sulfureux au regard des situations des deux rivaux. De là à parler déjà de « dernière chance » ? Jean-Michel Aulas ne demande qu’à voir. « Il va falloir se poser les questions qu’il convient pour ne pas prendre trop de retard, menaçait lundi le président, étonnamment distant ces derniers temps. Il faut absolument revenir dans les places qui représentent ce que l’on souhaite. La confiance est totale, elle n’exclut pas le contrôle. On va essayer de mettre un certain nombre de choses complémentaires, autour de ce qui a été bien initialisé. Sylvinho et Juninho ont toute ma confiance, mais il faut avoir des résultats. C’est la loi du foot. » Et d’autres sont déjà tombés pour moins que ça.

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