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Sylvain Kastendeuch : « Les joueurs ne doivent pas payer les pots cassés du fiasco Mediapro »
Alors que le foot professionnel français se trouve dans une situation économique inquiétante et que certains clubs de Ligue 1 cherchent à obtenir une réduction des salaires de la part des joueurs, le coprésident de l'UNFP, Sylvain Kastendeuch, entend avant tout défendre les intérêts des travailleurs.
Comment avez-vous vécu ce premier round de négociations au sujet de la baisse des salaires avec les présidents de club ?Il faut d’abord préciser que si cette première réunion s’est tenue sous les auspices de la LFP, ce sont les présidents de club qui l’ont demandé. C’est avec eux que nous avons discuté. L’état des lieux qui nous a été présenté est très préoccupant, avec un constat dramatique pour les finances des clubs. Nous avons donc évoqué les solutions possibles. De notre côté, nous avons expliqué qu’il nous semblait impossible d’appliquer une règle générale au sujet de la baisse des salaires, ce que souhaitaient au départ les présidents. Après avoir sondé des joueurs et certains agents, nous savions que les avis variaient en fonction de l’âge, des contrats… Il y a même d’importants écarts au sein d’un même effectif. Finalement, nous avons réussi à convaincre nos interlocuteurs qu’une baisse générale imposée ne serait bonne pour personne et nous avons convenu d’un processus. L’UNFP va être un facilitateur.
Quelles seraient les alternatives à une baisse des salaires ?Nous avons conscience de la dimension exceptionnelle de la crise actuelle. Depuis que je suis dans le foot, je n’ai jamais connu cela, c’est hors norme. Entre la pandémie et la défaillance d’un diffuseur, nous sommes face à l’inédit, et les chiffres qui nous ont été transmis par les présidents sont très alarmants. Le problème, c’est que le salaire des joueurs ne peut pas être le seul levier. Nous leur avons, par exemple, conseillé de réfléchir sur la part variable des salaires, sur les primes de match, de présence… Une baisse de salaire exige un avenant au contrat alors que les primes peuvent être plus facilement modifiées.
Ne nourrissez-vous pas le sentiment que l’on cherche à faire payer aux joueurs le fiasco de Mediapro, dont ils ne sont pas responsables ?Les joueurs ne doivent pas payer les pots cassés du fiasco Mediapro, mais je comprends que certains d’entre eux puissent avoir cette impression-là. Mais tout le monde en subit les conséquences. Les présidents sont affectés aussi puisqu’ils ont investi énormément d’argent dans leur club. Je ne pense pas qu’il faille chercher de boucs émissaires. J’étais dans les instances au moment où le contrat avec Mediapro a été signé, et tout le monde applaudissait des deux mains. C’est un peu trop facile de chercher aujourd’hui un coupable idéal, et tout le monde est dans le même bateau. Maintenant, il faut rappeler qu’il sera quasiment impossible d’imposer aux joueurs une modification de leur contrat de travail.
Cette crise ne doit-elle pas être l’occasion pour le foot pro français de s’interroger sur son modèle économique et même sa structuration ? Effectivement, il ne suffit pas de gérer le court terme. Il faut revoir beaucoup de choses, à commencer par le format des compétitions, les redevances, les prêts de joueurs, etc. Toute l’économie, et pas seulement le football, va souffrir, au moins à moyen terme. À l’UNFP, nous avons déjà commencé à nous pencher dessus et nous espérons vraiment que l’on ne se contentera pas de mettre des rustines. Il serait extrêmement dommageable de ne pas anticiper. Le syndicat a fait des propositions. Je pense, personnellement, qu’il faut songer à un resserrement de l’élite, y compris dès les catégories de jeunes. Nous formons peut-être beaucoup trop de joueurs qui viennent ensuite remplir les effectifs professionnels des clubs. On ne va peut-être avoir aucun autre choix que de resserrer la Ligue 1, la Ligue 2, voire le National, où il existe une grande précarité. C’est l’avenir du foot qui se joue.
Propos recueillis par Nicolas Kssis-Martov