- Biographie Thomas Gravesen
Sweeney : « Gravesen reste un mystère »
Aujourd'hui âgé de 42 ans, Thomas Gravesen coule des jours heureux au Danemark. L'ancien bouledogue du Real Madrid est-il seulement au courant qu'une biographie lui étant consacrée – Mad Dog Gravesen : The last of the modern footballing mavericks – vient de sortir ? Difficile de le savoir. Même pour l'auteur de l'ouvrage Chris Sweeney, pour qui l'ex-milieu à la personnalité complètement déjantée demeure une énigme.
D’où vous est venue l’idée d’écrire une biographie sur Thomas Gravesen ?C’est un joueur que beaucoup de monde connaît… sans le connaître vraiment. Il y a énormément de mystère, de rumeurs autour de lui. Je voulais démêler le vrai du faux. De plus, on connaît beaucoup d’anecdotes un peu folles sur lui, mais on ne sait pas vraiment qui est l’homme derrière le joueur. Tout le monde dit qu’il est atypique, décalé, voire fou. Je voulais voir ce qu’il en était vraiment.
Et vous l’avez découvert ?Pas complètement. Thomas est quelqu’un d’extrêmement secret. Il est très difficile d’entrer en contact avec lui, et il ne parle jamais de sa vie privée : ça ne l’intéresse pas. Il n’est pas sur les réseaux sociaux, n’a pas de site Internet.
J’ai essayé de le contacter en passant par certaines personnes pour qu’il participe au livre, mais l’une me donnait de fausses informations en demandant de l’argent et l’autre m’a dit que j’étais irrespectueux. Donc j’ai fait comme j’ai pu en interrogeant d’anciens joueurs, des amis… Il y aura toujours des mystères autour de Thomas et ce livre essaye de les explorer.
Vous dites dans le titre du livre que Gravesen est le dernier des mavericks modernes. Il n’y en a plus aujourd’hui ? Je n’en vois pas. Il n’y a plus vraiment de personnalités dans le foot.
Les joueurs sont devenus de tels atouts marketing pour les clubs que ces derniers ne peuvent plus tolérer des caractères qui sortent du rang ou qui disent ce qu’ils pensent. Et c’était précisément ce que faisait Thomas : il disait ce qu’il pensait, sans aucun filtre. Les centres de formation n’accepteraient pas quelqu’un comme lui, aujourd’hui.
Il a toujours été comme ça, même enfant ?Oui, c’est son caractère naturel : impulsif, spontané. Je n’ai pas pu parler à sa famille, mais j’ai retrouvé Ulrik Le Fèvre (ancien international danois de 1965 à 1976 devenu agent, N.D.L.R.). Cet homme connaît Thomas depuis ses huit ans, et l’expression qui revient chez lui pour le qualifier est : « pas comme les autres » . Le Fèvre a été son professeur de maths à l’école et son entraîneur chez les jeunes de l’équipe de Vejle, la ville où il est né. Il m’a raconté que sur un terrain, même à l’entraînement, Thomas « se battait, se battait, se battait » , se donnait à 100%.
Une qualité qui a fini par prendre le dessus sur son côté difficile à gérer, dans l’esprit de ses entraîneurs ?Ironiquement, quatre de ses copains ont intégré l’équipe première avant lui alors qu’il sortait du lot : il se murmurait que le club avait déjà peur de son caractère instable. Même l’entraîneur de l’équipe pro Ole Fritsen, une légende à Vejle, ne savait pas trop comment le gérer. « Je devais parfois l’exclure de l’entraînement, parce qu’il était tellement fanatique et faisait des gestes comme s’il avait envie de casser les jambes de ses coéquipiers » , a-t-il raconté une fois. Fritsen a imposé un mode de vie plus professionnel à Vejle (plus de repos notamment), mais Thomas voulait tout le temps montrer qu’il débordait d’énergie. Après l’entraînement, il allait vendre des pièces automobiles.
Difficile d’imaginer qu’il atterrirait au Real Madrid avec un tel caractère…C’est le message que je veux faire passer aux jeunes footballeurs via ce livre : restez vous-mêmes.
C’est ce que Gravesen a fait, et ça ne l’a pas empêché de jouer aux côtés des stars du Real. C’était avant tout un excellent footballeur, mais finalement, il était trop dur à gérer. Fabio Capello a essayé de le cantonner à un poste, mais ça n’a pas marché. Gravesen ne l’écoutait pas.
Puis, après deux expériences au Celtic et à Everton, Gravesen prend sa retraite en 2008 à seulement 32 ans, deux saisons après son passage au Real…Je pense qu’il n’aimait pas la tournure que son sport était en train de prendre : un univers formaté, où des gens comme lui ne pouvaient pas être eux-mêmes. À l’époque, on a un peu perdu sa trace. On dit qu’il a fait fortune grâce à des investissements, puis qu’il a refait surface à Las Vegas comme voisin d’Andre Agassi et Nicolas Cage. Il aurait aussi perdu soixante millions d’euros en une nuit au poker, mais je n’ai pas pu retrouver la personne qui a assisté à ça. Aujourd’hui, il est retourné vivre à Vejle, et il fait parfois quelques apparitions comme consultant sportif pour des chaînes danoises. Les habitants le croisent parfois et il est toujours ravi de discuter avec eux.
Pensez-vous qu’un jour, il révélera tout sur lui ?Non, ça m’étonnerait. Il y aura toujours une grosse part de mystère autour de lui. Il ne se considère pas comme différent, donc il ne voit pas pourquoi il parlerait de sa vie. Il va juste continuer à vivre sa vie comme il l’a toujours fait. Je ne le vois pas devenir entraîneur, mais bon, on ne sait jamais avec lui. À son propos, j’ai souvent entendu cette phrase : « Rien ne doit vous surprendre avec lui, il peut faire n’importe quoi. »
Ceux qui veulent se procurer le livre, c’est ici !
Propos recueillis par Douglas De Graaf