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Sven Ulreich, l’éternel recommencement
Ce samedi, Sven Ulreich fêtera sa 200e cape en Bundesliga. L’ancien gardien du VfB Stuttgart est entre-temps devenu au Bayern bien plus qu’une simple doublure de Manuel Neuer, blessé depuis maintenant sept mois. À tel point que Joachim Löw l’a désormais dans le viseur pour la prochaine Coupe du monde.
Pour Sven Ulreich, chaque match joué entre les perches du Bayern le rapproche paradoxalement du banc de touche. Le natif de Schorndorf, dans le Bade-Wurtemberg, en est conscient : sitôt que Manuel Neuer sera remis de la fracture du métatarse qui le mine depuis la mi-septembre, l’ancien portier de Stuttgart retournera dans l’ombre de celui qu’il qualifie comme étant le « meilleur gardien du monde » . En attendant, face à Wolfsburg, ce samedi après-midi, il franchira le cap symbolique des 200 matchs joués en Bundesliga. L’occasion de regarder dans le rétroviseur une progression indéniable, tout en gardant la tête froide.
Ancien remplaçant de Jens Lehmann
Ulreich a dix-neuf ans lorsqu’il entame sa carrière professionnelle au VfB Stuttgart. Déjà comme suppléant d’un portier international de renom : Jens Lehmann. Loin de craindre pour son avenir, le bleu en profite pour apprendre : « Il est arrivé à 39 ans avec une énorme expérience. Déjà à ce moment-là, j’ai compris que c’est quelque chose qu’on ne peut pas obtenir comme ça. Alors je le regardais. Le professionnalisme qu’il montrait au quotidien était impressionnant. Pendant ses matchs, pareil, je regardais exactement la manière dont il bougeait. Il me donnait des conseils, me disait « essaye ceci ou cela ». »
L’aventure de Lehmann à Stuttgart ne dure que deux ans, après quoi c’est au jeune Sven de montrer que l’élève a retenu les leçons du maître. Mais en cinq ans passés à défendre les perches du VfB, l’image qui se dégage de lui est celle d’un gardien peu fiable, aux sorties approximatives et au jeu au pied catastrophique. Difficile de tenir le choc pour un gardien qui ne cache pas prêter trop d’attention aux critiques. « Peut-être qu’à cette période, j’ai fait des erreurs, mais dans les statistiques, j’étais constamment au-dessus. À la fin, le club voulait démarrer quelque chose de nouveau. Il me manquait aussi la confiance de la direction. Beaucoup pensaient que le problème venait du gardien. Mais la suite leur a prouvé le contraire. Je suis parti et le VfB a quand même été relégué. »
Lorsqu’il paraphe un contrat de trois au Bayern en 2015, son rôle est alors de suppléer Manuel Neuer, en remplacement de Pepe Reina, parti à Naples. Il a alors 27 ans, mais encore beaucoup de choses à apprendre. Les trois coachs qui se succèdent depuis son arrivée l’aident dans ce sens, chacun à leur manière : « Pep Guardiola attachait beaucoup d’importance à la tactique,[…]il était très perfectionniste.[…]Carlo Ancelotti voulait plus que nous jouions comme une équipe, dans laquelle chacun apporte ses qualités individuelles. Et Jupp Heynckes est quelqu’un qui parle énormément avec nous. Il nous motive, insiste énormément sur la précision et le bon pressing. »
Second couteau qui coupe bien
Mais tout bascule lorsque Manuel Neuer doit lui céder sa place. Au départ, le plan paraît clair : engranger de l’expérience et des titres avec un bon salaire en attendant une nouvelle offre de titulaire dans un autre club. Pas devenir un nom associé au sixième titre de champion vers lequel le Bayern est en train de marcher. Et pourtant, ce second passage de l’ombre à la lumière est bien moins douloureux pour Sven Ulreich. Match après match, son jeu au pied s’améliore, et fatalement, son pourcentage de passes réussies. Ses dix-sept rencontres de championnat se traduisent par une moyenne d’un clean-sheet tous les deux matchs environ. En bref, il se rend indispensable et ne doit ses deux absences qu’à une blessure aux adducteurs sans gravité. En guise d’hommage, on a vu fleurir sur Twitter le hashtag #SvenTheWall après la victoire des siens lors du match retour de Ligue des champions contre le Paris Saint-Germain. Un clin d’œil au surnom d’ordinaire réservé à Neuer.
Dès lors, quoi de plus logique que de lui faire signer une prolongation de contrat jusqu’en 2021 au lendemain d’une précieuse victoire contre Schalke ? Mais comme numéro 2, cela s’entend. Car on ne pose pas ses fesses sur le trône de Manuel Neuer avec un CDI. « C’est logique qu’il joue, s’il est de nouveau en forme l’année prochaine. Bien sûr, c’est difficile quand on a joué soi-même. Mais je continuerai de soutenir l’équipe afin que nous atteignions nos objectifs » , commentait le gardien de 29 ans lors de la trêve hivernale.
Objectif Russie ?
Entre-temps, un grain de sable nommé Joachim Löw est venu se glisser dans la machine. « Il est dans notre viseur. Il est très bon en un-contre-un » , analysait le sélectionneur de la Nationalmannschaft à la mi-temps du match contre Schalke. Verra-t-on alors Sven Ulreich en Russie ? Et si oui, à quelle place ? En tant que troisième gardien ? Ou en doublure de Marc-André ter Stegen, dans le cas où Manuel Neuer ne serait toujours pas rétabli ? Si l’intéressé se dit flatté, il souhaite cependant garder les pieds sur terre : « C’est une reconnaissance qui vient du sommet. Mais je ne crois pas que le Mondial soit tellement atteignable. D’autres jouent depuis plus longtemps au plus haut niveau. Ce serait quelque part injuste que quelqu’un qui est d’ordinaire assis sur le banc fasse partie du groupe. »
Et de citer parmi les méritants l’exemple de Ralf Fährmann, gardien de Schalke 04 qui compte parmi les éternels oubliés en sélection. Une belle leçon de modestie de la part d’un travailleur de l’ombre, qui se contente de savourer l’instant présent et prouve que même à 29 ans, il reste encore beaucoup à apprendre.
Par Julien Duez
Propos de Sven Ulreich extraits de Kicker, Bild am Sonntag et de conférences de presse.