- Angleterre
- Leicester City
Susan Whelan, la dame d’affaires de Leicester
Dans l'ombre du titre de Leicester, un petit bout de femme. Elle s'appelle Susan Whelan et si elle n'a pas participé au titre sur le terrain, elle n'est pas étrangère au miracle Leicester. Elle est présente dans l'organigramme depuis 2010 et elle est aujourd'hui la première présidente à avoir remporté un titre. Portrait.
Des colliers de perles parfois tape-à-l’œil, des habits généralement sombres et un sourire qui respire la sincérité. À première vue, Susan Whelan semble à des années-lumière du monde du foot… Ce ne sont que des apparences. Depuis 2011, c’est elle qui tient les rênes de Leicester. Pas vraiment une dame de fer, plus une dame d’affaires. Et à écouter ce qu’en disent tous ses anciens et actuels collaborateurs, elle sait parfaitement gérer une entreprise. Attentive, rassurante et assumée, Susan Whelan est une femme qui sait ce qu’elle fait et où elle va quand il s’agit de management.
« Est-ce que votre sexe peut avoir une importance ? »
Alors forcément, les critiques ne se sont pas fait attendre quand elle a été nommé PDG de Leicester. Elle a notamment eu le droit au refrain : « Elle n’y connaît rien au foot ! » Mais voilà, les supporters ont surtout eu peur qu’elle transforme le club en multinationale sans âme. Et son passé de commerçante en tout genre ne plaide pas forcément en sa faveur. Dublinoise de naissance, elle commence par travailler dans la bijouterie familiale. Et puis au début des années 90, elle entre chez Aer Rianta International, une entreprise qui gère des duty free. Une expérience qui l’a amenée à voyager d’abord en Russie, puis en Thaïlande. Son ancien boss la décrit à l’Independent comme une personne « spéciale, agréable et capable d’améliorer beaucoup de situations, aussi bien financièrement qu’humainement » . À Bangkok, elle est dépêchée sur un gros projet, mais son entreprise finit par lâcher l’affaire. Et c’est King Power, le même genre d’entreprise, par l’intermédiaire de son patron, Vichai Srivaddhanaprabha, qui reprend le projet. Avec Susan dans le lot.
Et puis arrive donc 2010, année durant laquelle la famille asiatique trouve enfin un club anglais à acheter. Elle confie alors à la RTE : « Leicester était le club parfait pour eux. Ça faisait un moment qu’ils cherchaient à racheter un club en Angleterre, mais ils ne voulaient pas se presser. Ils voulaient un club avec une histoire, des supporters et dans une ville culturellement intéressante. Une ville de sport ! » Elle entre d’abord au club en tant que membre du conseil d’administration et devient vite, au vu de son travail et de son ambition, présidente du club en 2011. Quand elle prend ses fonctions, elle donne une longue interview au Leicester Mercury. Et elle ne se démonte pas quand viennent les questions délicates. Le journaliste : « Est-ce que votre sexe peut avoir une importance ? » Susan Whelan : « Je pense que c’est sans importance. Il s’agit de bien faire son travail. Ce n’est pas une question de sexe. Je ne vois donc pas de problème. » Merci, question suivante.
Businesswoman 2012
Lors de cette entretien, elle ne cherche pas non plus à masquer son manque de culture foot. Le journaliste : « Êtes-vous une fan de football ? » Susan Whelan : « Oui, j’ai vu pas mal de matchs la saison dernière. Je ne suis pas une experte, mais j’aime ça, j’aime l’ambiance des jours de match. Il n’y a rien de plus magique que l’effervescence d’avant-match. J’ai envie de redonner de l’excitation aux supporters.(…)Et puis, je me suis entouré d’un entraîneur, Sven-Göran Eriksson, et d’un directeur sportif, Andrew Neville, de renommée mondiale. Mon job à moi sera d’optimiser les finances et de mettre en valeur le club. » Bref, elle fait dans la transparence, l’honnêteté et la sobriété. Le foot, ce n’est pas son domaine. Tant pis, elle se fera accompagner. En revanche, quand il s’agit de stratégie et de finances, elle sait de quoi elle parle.
Et ça fonctionne petit à petit, malgré des objectifs simplissimes : rendre Leicester auto-suffisant en redonnant du plaisir aux supporters pour qu’ils reviennent au stade et qu’ils achètent de nouveau les produits dérivés. Et ça, ça passe déjà par une remontée en Premier League. Fin 2011, Leicester se sépare de Sven-Göran Eriksson, qui a perdu 5 matchs sur 13, et le remplace par Nigel Pearson. En 2012, elle est nommée businesswoman de l’année en Irlande. La saison 2012/2013 est un crève-cœur avec ce penalty raté de Knockaert dans les dernières secondes d’un play-off. Mais la suivante sera la bonne : les Foxes sont de retour en Premier League.
Les supporters avant tout
Et les chiffres suivent. Au terme d’une saison compliquée, le maintien est assuré à l’arrache. Ce qui génére finalement 33 millions d’euros de profit. Mais le vrai coup de force de la dame d’affaires, c’est sa gestion du licenciement de Nigel Pearson en début de saison. Pour faire court, le fils de l’entraîneur a été impliqué cet été dans une sale affaire sextape tournée en Thaïlande et jugée « raciste » . Et Susan Whelan n’a pas tardé à prendre ses responsabilités, à remercier publiquement l’Anglais et à nommer dans la foulée Claudio Ranieri, en n’oubliant jamais ses supporters : « Nous avons recruté un gestionnaire qui possède les connaissances, la passion et la détermination pour poursuivre la croissance, le développement, la réussite du club, d’aller dans le sens des propriétaires, et de combler le cœur des supporters. » Dans le mille. Aujourd’hui, Leicester est champion. Une énorme réussite sportive. Mais Leicester vaut également dix fois plus qu’il y a six ans. Une dame d’affaires, une dame à tout faire.
Par Ugo Bocchi