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Sur les traces de Pierre-Emile Højbjerg à Copenhague
Et si un Français libérait le Danemark des griffes de Zlatan Ibrahimović ? À quelques heures du barrage de l'Euro 2016 face à la Suède, reportage à Østerbro, le quartier d'enfance du Franco-Danois Pierre-Emile Højbjerg, attendu comme l'un des sauveurs de la nation à l'approche du derby scandinave.
Østerbrogade. Une longue avenue longeant Parken, le stade de la sélection nationale danoise et du FC Copenhague. Depuis début novembre, les publicités présentant le nouveau maillot du Danemark fleurissent ce quartier central et cossu. À droite : Jannik Vestergaard, le défenseur du Werder Brême. À gauche : Pione Sisto, le milieu du FC Midtjylland suivi par toute l’Europe. Au centre : Pierre-Emile Højbjerg, le milieu relayeur prêté cette saison à Schake 04. C’est ici, à Østerbro, que le joueur de 20 ans a grandi. « Copenhague, c’est ma ville » , nous affirmait fièrement Pierre-Emile Højbjerg, à l’issue du match amical Danemark-France (1-2) le 11 octobre dernier dans un français parfait. Né d’un père danois et d’une mère française, une graphiste installée à Copenhague, l’ancien coéquipier de Franck Ribéry au Bayern Munich ne regrette pas une seconde son choix. « C’est ici au Danemark que j’ai pu devenir un grand footballeur. C’est naturel pour moi d’avoir choisi cette sélection, martèle-t-il. C’est sûr que la France a une bonne équipe, mais non, je ne regrette pas. Je suis fier de jouer pour le Danemark. Peut-être un jour, nous serons meilleurs que les Français. »
« Il ne faisait pas de conneries »
Pierre-Emile Højbjerg, très tôt bilingue, a grandi dans un univers danois. À six ans, il était scolarisé à Heibergskolen à Østerbro. Anne-Marie Stahl, la directrice adjointe de l’établissement, se souvient d’un élève « d’un niveau correct » , mais plus intéressé par le football. « Il a été bien éduqué. Pierre-Emile n’était pas un bad boy, mais était parfois en conflit avec les plus grands, car il voulait leur montrer comment bien jouer au football » , précise-t-elle. À 13h, une fois la classe terminée, Pierre-Emile Højbjerg filait, 500 mètres plus loin, à Idraetsfritidshjemmet, un institut sportif situé à proximité de Parken. Des vieilles photos du milieu danois garnissent le bureau principal de l’établissement construit il y a un peu plus d’un siècle. On y voit Pierre-Emile Højbjerg, pré-adolescent, avec un grand sourire. Heureux d’être sur le terrain. Ulla Schaldemose et Hanne Reichhardt, qui l’ont vu grandir, se souviennent, émerveillées. « À 9 ans, il disait qu’il voulait devenir joueur de football professionnel. C’était un garçon joyeux, énergique et sympa avec les autres. Il ne faisait pas de conneries et respectait ses formateurs, confient-elles. Il ne parlait pas de sa culture française. C’était un enfant très danois, comme les autres. »
« Il a travaillé dur pour devenir le meilleur »
À l’institut, le gamin d’Østerbro avait soif de victoires : au football, au tennis… et même à la balle au prisonnier. « Il était populaire ici, car il était bon dans tout ce qu’il faisait. Au début, Pierre-Emile n’était pas le meilleur, mais a travaillé dur pour le devenir en s’entraînant souvent contre le mur » , renchérissent-elles. Au BK Skjold, le club d’enfance du joueur franco-danois, situé à quelques pas d’Idraetsfritidshjemmet, les dirigeants ont été marqués par sa détermination. « Il avait une mentalité de leader » , note Jan Sørensen, l’actuel président du club. Des propos confirmés par Youssef Toutouh, le milieu du FC Copenhague, qui l’a côtoyé en équipe de jeunes du Danemark : « Il n’hésitait pas à conseiller ou replacer ses partenaires quand ça n’allait pas. Il avait toujours la bonne parole. » À 12 ans, direction la cour des grands, au FC Copenhague, où il ne restera qu’un an, lassé par le kick and rush et le fait de jouer en pointe. Brøndby, l’ennemi juré du FC Copenhague, le récupère à bras ouverts. John Ranum, son formateur, se souvient d’un joueur « qui, au départ, pensait davantage à sa carrière qu’à l’équipe. Mais il a vite changé d’état d’esprit » , précise-t-il.
« Il y a du Zidane dans ses pieds »
En trois saisons à Brøndby, Pierre-Emile Højbjerg n’a pas eu le temps de jouer en Superliga danoise, mais a participé à quelques séances d’entraînement avec l’équipe première. À 17 ans, il quitte le Danemark pour répondre favorablement à l’offre du Bayern Munich. Un choix qui n’a pas surpris le président du BK Skjold : « Il aurait pu rester plus longtemps à Brøndby, être titulaire en équipe première, mais il visait déjà le top niveau. » À 20 ans, Pierre-Emile Højbjerg compte déjà trois titres de champion d’Allemagne (2013, 2014 et 2015) sur son CV et une Coupe d’Allemagne, sans compter ses onze sélections (un but) avec la sélection du Danemark, où il est déjà considéré comme un élément précieux du milieu de terrain avec William Kvist. « Il a beaucoup progressé avec Pep Guardiola. Il est bon dans le jeu de passes et a beaucoup de flair, assure le milieu de terrain du FC Copenhague. Il prend déjà beaucoup de responsabilités. C’est rare chez les jeunes joueurs. Face à la Suède, il sera l’une de nos meilleures armes pour dominer. Pierre-Emile est un très bon meneur de jeu. Deviendra-t-il le leader du Danemark à l’avenir ? Peut-être. » John Ranum en est lui persuadé : « Il y a du Zidane dans ses pieds. Pas maintenant, mais dans quelques années, il sera le Zinédine Zidane du Danemark. » Avant de conclure en se marrant : « Dommage pour la France. »
Par Clément Lemaître, à Copenhague