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Sur les traces de Leandro Paredes en Argentine
C’est l’histoire d’un crack argentin. Mais pas n’importe lequel, non : celui que Riquelme imaginait comme son successeur. Retour sur les origines de Leandro Paredes, le sur ou sous-coté milieu de terrain du PSG que l’Argentine imagine bien en leader de demain.
« En près de quarante ans, j’ai dû voir jouer environ 10 000 gamins. Pour moi, Leo est le quatrième ou cinquième meilleur joueur que j’ai découvert ! » Ramón Maddoni sait de quoi il parle. À 77 ans, ce vieux sage aux cheveux blancs plaqués vers l’arrière et à l’embonpoint soupçonné sous sa veste est une véritable légende du football portègne. Ce jour-là, au cœur de Villa del Parque (quartier de classe moyenne, à l’Ouest de la capitale), le gymnase qui porte son nom est désert. Comme l’ensemble des habitants de Buenos Aires, les gamins du Club Social y Deportivo Parque – où le baby fútbol, dérivé de futsal, est roi – sont confinés chez eux au 134e jour de quarantaine. Coronavirus ou pas, Ramón est quand même venu au club avec son pote Victor. Ce soir, le seul bruit provient de la télévision branchée sur la finale de la Coupe de la Ligue entre le PSG et Lyon. Paredes vient justement d’entrer en jeu, et Maddoni s’exclame en l’apercevant : « Quel joueur ! » Autour de lui, accrochés aux murs, une centaine de maillots encadrés et dédicacés par tous les garçons que le maestro a découvert et fait jouer à Parque : Riquelme, Tévez, Redondo, Batista, Gago, Cambiasso, Sorín. Et donc… Paredes.
« Leo est entre ces gars-là, assure le vieil homme semblant réaliser, à l’énumération des noms, s’être peut-être un peu enflammé quelques minutes plus tôt. C’est le sixième ou septième meilleur que j’ai eu. » Annule et remplace. Avant de taper dans l’œil de l’expert, c’est de l’autre côté de la General Paz (sorte de périphérique de Buenos Aires) que Leandro Paredes a découvert le football. Dans une Argentine présidée par le flambeur Carlos Menem, le petit Leo voit le jour en juin 1994 à San Justo, proche banlieue populaire et ultra-urbanisé à l’Ouest de la capitale. Il grandit avec sa mère Myriam, ouvrière textile, et ses deux grandes sœurs Vanessa et Jimena. L’actuel Parisien frappe ses premiers ballons à l’âge de trois ans à la Justina, club de baby fútbol du coin. Déjà avec un maillot rouge et bleu, il s’amuse à commenter ses propres actions et se rêve en Zidane ou Riquelme. Juan Román, oui, celui dont son oncle Luis lui dit à l’époque le plus grand bien pour avoir évolué à ses côtés dans les catégories inférieures d’Argentinos Juniors.
Douze ans, et des chansons à sa gloire
Le jeune Leandro a du potentiel, beaucoup. Cela n’a pas échappé à Rosario Nanía, chasseur d’espoirs de la région, qui le forme à Brisas del Sud avant de l’approcher de Boca Juniors. Avec Club Parque, Ramón Maddoni travaille alors en partenariat avec les Xeneizesquand il découvre pour la première fois ce gamin charismatique aux yeux clairs cachés derrière ses longs cheveux : « Il avait sept ou huit ans, et déjà une condition physique au-dessus de la moyenne. Dès que je l’ai vu, avec son contrôle de balle, sa technique, sa puissance de frappe, sa détermination, son style, je me suis dit :« Ce gosse va jouer pour Boca et la sélection argentine. » » Une fois encore, le maître a vu juste. Dans toutes les catégories de jeunes du club azul y oro, Paredes, alors utilisé comme meneur de jeu offensif, apparaît comme le surdoué de sa génération. « Techniquement, c’est le meilleur que j’ai vu ces vingt dernières années, assure sans ciller Luís Lúquez, l’un de ses formateurs à Boca. Il voyait le jeu avant que le ballon lui arrive. Il était habile des deux pieds, capable d’envoyer une passe où il voulait. Je me disais :« Ce n’est pas possible qu’un gamin de son âge fasse ça ! » » Un talent naturel qui aurait pu le pousser à en faire un peu moins que les autres. « Il n’a jamais manqué un seul entraînement » , rétorque son ancien entraîneur qui décrit un garçon travailleur, ami de tous et structuré grâce à un socle familial fort.
Un environnement personnel renforcé par la rencontre de sa vie, alors qu’il n’a que huit ans. Celle de Camila, la sœur d’un de ses amis au club, qui deviendra sa femme et la mère de ses deux enfants. Les performances de la nouvelle pépite de la Ribera dépassent très vite les frontières. En 2006, il explose au prestigieux tournoi international U12 de foot à sept à Arousa en Espagne. Boca renverse les meilleures équipes du monde, et son leader Paredes est élu MVP indiscutable d’un tournoi où il aura séduit jusqu’à ses adversaires. « Quand il jouait, les gamins de l’Inter chantaient des chansons à sa gloire depuis les tribunes ! « Leo Leo Leo ! Olé Olé Olé ! », se souvient, amusé, Diego Mazzilli, chef de délégation de la formation argentine en Galice. Je restais toujours à côté de lui, pour éloigner les sollicitations des autres équipes. » Hors de question pour Boca de laisser filer ce numéro 10, que tout le monde surnomme déjà le Nuevo Román.
Être le Diez, après l’Último Diez
Avec la pancarte du Chosen One, Paredes, pas encore seize ans, rejoint l’équipe première. À condition de finir ses études, a prévenu le coach Claudio Borghi. Comme dans un rêve, le jeune Leandro partage le quotidien de son idole Juan Román Riquelme. Ce dernier a en plus décidé de le prendre sous son aile, l’invitant à déjeuner après chaque entraînement. Aux côtés de l’Último Diez, l’actuel Parisien effectue ses débuts à la Bombonera un 6 novembre 2010 mais ce n’est que deux ans plus tard qu’il aura vraiment sa chance. Master Román vient de prendre une pause de six mois, et a prévenu la presse : « Leo a 18 ans, l’âge que j’avais quand je suis arrivé. C’est le moment pour lui de démontrer à quel point il est bon. » L’élève enfile le numéro 32 dans le costume du 10, entre dans l’arène et crève l’écran.
Face aux grands, San Lorenzo, Racing ou River Plate, Paredes montre surtout une confiance et un caractère de guerrier aperçu dès ses débuts à Club Parque qui ravit les hinchas. « Il m’a impressionné, parce qu’on avait le sentiment que le maillot ne lui pesait pas sur les épaules, témoigne Rolando Schiavi, son ami et alors capitaine expérimenté des Xeneizes. On avait de longues discussions ensemble dans le vestiaire, et j’essayais de le conseiller. C’est un garçon humble, et très intelligent. À la différence de certains gamins, il a toujours su qu’il était important d’écouter. » Une grave blessure – rupture des ligaments de la cheville, suite à un tacle assassin du gardien Agustín Orion lors d’un entraînement –, précédée du retour du duo Riquelme-Bianchi, va mettre un gros coup de frein à sa success-story. À Boca, certains commencent alors à douter du grand espoir. Paredes le ressent, et reproche au club de ne pas l’accompagner dans cette période difficile. Il n’a que vingt ans, et veut jouer plus. L’Europe l’attend.
Le futur capitaine de la sélection ?
De la Roma à Paris en passant par la Russie, le 10 a laissé la place au 5 sur une idée de Marco Giampaolo, coach de l’Argentin lors de son prêt à Empoli en 2015. Une métamorphose déjà imaginée quelques années auparavant, à Buenos Aires. Un jour, son père Daniel interpelle le formateur Luís Lúquez. Il voit son fils, alors âgé de quatorze ans, constamment redescendre pour récupérer le ballon. Et si Leo était un 5 ? « Je lui avais répondu que non. Mais avec le recul, il avait raison : Leandro doit jouer avec tout le terrain devant lui » , rembobine le technicien. Une nouvelle position qui en a fait un élément incontournable de la sélection argentine post-Pavard. Lionel Scaloni, le patron de l’Albiceleste, l’adore et l’installe lors de la dernière Copa America malgré son faible temps de jeu au PSG. Paredes sera le seul Argentin, alors que Messi est présent, à figurer dans le onze idéal de la compétition.
« Il n’y a pas beaucoup de joueurs avec son style et sa capacité de leader, il va avoir un futur important en sélection » , pense « El Flaco » Schiavi. Un potentiel de capitaine, de chef de meute dont l’Argentine est orpheline depuis le départ de Javier Mascherano. Boca, la reconversion en cinco, l’équipe nationale… Ramón Maddoni avait tout imaginé. Le vieil homme se charge de le rappeler à son protégé à chaque fois qu’il revient à Club Parque, quasiment à chaque rassemblement de la sélection. La dernière visite date de juillet 2019 : Paredes, survêtement du PSG sur les épaules, était venu passer la soirée et taper le ballon avec les gamins au gymnase. Preuve que le natif de San Justo est resté proche de ses racines. Avec ses anciens formateurs et coéquipiers, le contact est régulier. Ses proches lui conseillent de rester en Europe, le plus longtemps possible. Mais à tous, il répète son désir : revenir un jour à Boca Juniors. Ça tombe bien, le nouvel homme du fort du club l’aime beaucoup. Comme il aimait sûrement Riquelme.
Par Georges Quirino Chaves, à Buenos Aires
Tous propos recueillis par GQC, sauf mentions