- Mexique
Sur les traces de Guardiola au Mexique
Il y a cinq ans, Pep Guardiola vivait ses derniers jours de footballeur au nord du Mexique. Il y préparait surtout son futur d'entraîneur. Ceux qui l'ont côtoyé à Culiacan ont rencontré un Pep en mission.
Au terme d’un match face à Oviedo, Pep Guardiola s’approche de la porte du vestiaire adverse. L’emblème blaugrana tient à parler avec l’entraîneur asturien : « Ton équipe m’a enchanté, ça faisait longtemps que je n’avais pas autant couru derrière le ballon » . C’est donc à Oviedo, en 1996, que s’amorce la relation professeur-étudiant entre l’érudit entraîneur, Juan Manuel Lillo – sa bibliothèque compte plus de 2000 ouvrages consacrés au football – et celui qui porte alors le brassard du Barça. Lillo est la raison pour laquelle Guardiola se retrouve au Mexique au premier semestre 2006. Le Catalan a débarqué à Culiacan, capitale de l’État de Sinaloa, pour défendre les couleurs des modestes Dorados, menacés de descente.
« Il était venu pour apprendre » assure Eliseo Martinez, membre du staff des Dorados. Apprendre de Lillo mais aussi du Mexique, et de son football. « Le fait que l’on affectionne le toque au Mexique l’intéressait vraiment, en revanche, il avait du mal à comprendre pourquoi ses coéquipiers peinaient tellement à appliquer les consignes tactiques » explique Rodolfo Jimenez, patron de la cafétéria Miro, devenu ami de l’Espagnol. Sur le terrain, l’ex-ordonnanceur du Barça passe autant de temps à orienter le jeu qu’à replacer ses partenaires. « Quand il s’est blessé, Lillo l’a même autorisé à l’accompagner sur le banc, et les images où il se lève pour donner des consignes derrière Juan Manuel sont restées célèbres » indique le patron du Miro. A Culiacan, Pep fait en quelque sorte son stage pratique avant d’aller passer ses diplômes en Espagne au terme de la saison.
Obsédé par son futur d’entraîneur, Guardiola n’en est pas moins motivé pour aider les Dorados à se maintenir. « C’est quelqu’un qui a un code éthique très fort, estime Rodolfo Jimenez, et de ne pas pouvoir aider son équipe quand il était blessé l’angoissait vraiment » . Alors, parfois, Guardiola va jusqu’à jouer malgré son dos endolori. « Ce qui créait le lien entre lui et les autres, c’était vraiment son amour du football » assure José Luis Bracamontes, patron de la Cocinita del Medio, où Guardiola avait ses habitudes.
De l’eau au citron
A Culiacan, terre de base-ball, Guardiola ne croule pas sous les sollicitations. La star, ce serait plutôt Sebastian “El loco” Abreu, avec qui le Catalan aimait échanger. Dans l’État de Sinaloa, désormais gangréné par la lutte entre cartels de la drogue, l’ex-capitaine du Barça mène une vie paisible : entraînement le matin, déjeuner à la Cocinita del Medio avec Lillo et ses assistants espagnols, lecture à l’hôtel où il loge, et un passage par la cafétéria Miro le soir où il reste parfois à converser avec le gérant une fois les portes de l’établissement fermées. Pas de sorties nocturnes, de la nourriture légère, et de l’eau au citron pour se désaltérer.
A Culiacan, les rumeurs d’une prochaine année sabbatique pour le coach qui empile les succès comme les coupes n’étonne pas vraiment. « C’est quelqu’un qui est vraiment attaché à sa famille, assure Rodolfo Jimenez, il la faisait venir au Mexique dès qu’il pouvait, et je pense qu’il n’est pas prêt à la sacrifier pour le bien de sa carrière » . A en croire ses amis mexicains, l’entraîneur désormais adulé n’a pas le profil pour devenir accroc à la célébrité. « C’est un homme très simple, qui s’adresse de la même manière au serveur ou au patron, complète Jimenez. Je ne dirais pas que c’est un intellectuel, mais c’est un homme qui aime apprendre » . Dans son relationnel avec autrui, Jimenez va même jusqu’à percevoir une des clés du succès guardiolien : « Quand tu es en face d’une personne qui a cette capacité d’écoute et qui te parle avec tant d’éloquence, cela ne peut que te motiver » .
Au total, le séjour mexicain du Catalan ne se sera étalé que sur quatre petit mois. Dès avril, la saison est terminée pour les Dorados qui ne sont pas parvenus à se sauver. L’équipe de Culiacan termina pourtant à une honorable neuvième place (sur dix-sept) mais l’absurde système au pourcentage du championnat “piquante” condamnait le petit club du Sinaloa. De quoi mettre Guardiola, attaché à l’effort et aux fruits qu’il doit engendrer, hors de lui. « Ce système des pourcentages est une farce et un mensonge, s’indigna-t-il, car nombre d’équipes disputent une compétition sans enjeu, puisqu’elles se savent préservées de la descente : alors elles jouent sans envie » . Quand le Catalan fit ses valises pour quitter Culiacan, son projet consistait à passer ses diplômes, avant de s’occuper de la cantera blaugrana, puis d’attendre une opportunité …
Le but de la saison de Guardiola
Par Thomas Goubin, à Guadalajara
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