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Sur facture ou Oblak ?
Gardien titulaire de l’Atlético de Madrid depuis trois saisons, Jan Oblak est devenu une référence à son poste en Espagne, puis en Europe. Auteur de parades fantastiques pour garder sa cage inviolée, le colosse de 25 ans peine pourtant à se construire un palmarès. Dès lors, doit-il trouver mieux ailleurs ?
Au fil du temps, le mélange entre efforts, sueur, combat et humilité a construit la réputation de l’Atlético de Madrid. Les plus grands disciples de Diego Simeone, Gabi Fernández et Diego Godín en tête de liste, peuvent l’affirmer le torse bombé. Ce qu’ils admettront le cœur serré en revanche, c’est que l’Atlético se mue en chat noir au moment de conquérir la Ligue des champions : trois finales jouées (1974, 2014 et 2016) pour trois défaites. Titulaire lors de la dernière finale des Colchoneros à Milan, Jan Oblak avait été incapable de stopper les cinq tirs au but du Real Madrid. La guigne du finaliste ? Peut-être, si on s’en tient à l’actuel palmarès du Slovène : un triplé championnat, Coupe du Portugal et Coupe de la Ligue acquis avec Benfica en 2014, puis une Supercoupe d’Espagne remportée l’été suivant son arrivée à Madrid. C’est peu, c’est vrai. Mais en réalité, cela ne représente pas du tout le niveau actuel d’Oblak.
Torres : « Je n’ai jamais vu un gardien aussi fort »
Parmi les légendes madrilènes, Fernando Torres possède une place de choix. « Dans ma carrière, je n’ai jamais vu un gardien aussi fort, explique le buteur passé par Liverpool, Chelsea et Milan. C’est un phénomène, et je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour le voir rester au sein de l’Atlético. Je crois que son avenir dépendra du club : si l’Atlético est à la hauteur de ses ambitions, il restera. » Des ambitions, Jan Oblak en possédait à la pelle au moment de son arrivée dans la capitale espagnole pour 16 millions d’euros. À 21 ans, le géant arrivait le même été qu’Ángel Moyá, gardien confirmé de Liga avec Getafe. Simeone tranche : c’est d’abord Moyá qui prend le poste de numéro un. Cela va durer six mois, avant que l’intéressé souffre d’un claquage tendineux. « Quand Oblak a signé en provenance de Benfica, il y a eu de nombreuses critiques sur le prix de son transfert, considéré comme surévalué, évoque Abel Resino, ancien gardien rojiblanco de 1986 à 1996. Aujourd’hui, quand je vois que l’Atlético force les intéressés à s’aligner sur sa clause libératoire à 100 millions d’euros, ça me fait bien rire. »
Il faut dire que depuis le temps, Oblak s’est imposé comme une référence en Espagne. Comment ? En n’encaissant aucun but durant la convalescence de trois semaines de Moyá – obligé d’aller gratter du temps de jeu depuis cet hiver à la Real Sociedad –, puis en multipliant les parades incroyables pour écœurer ses adversaires. L’exemple le plus fou, c’est probablement ce triple arrêt monumental en huitièmes de finale de C1 face au Bayer Leverkusen avec, au bout, une qualification aux tirs au but dans le bouillant Vicente-Calderón (0-1, 1-0, 3-2 tab). « Son évolution en quatre saisons est juste fantastique, évalue Resino. Aujourd’hui, on peut clairement le classer parmi les meilleurs gardiens du monde aux côtés de De Gea, Courtois, Neuer ou Ter Stegen. Il est grand par la taille et le talent, explosif sur sa ligne et imposant dans les airs. Il a connu une petite période d’adaptation comme souvent pour un gardien, mais une fois les automatismes acquis avec ses quatre défenseurs, son niveau n’a cessé de s’améliorer. » Ou comment créer un monstre.
Le rêve de Paris
Concernant les chiffres, Oblak est le gardien titulaire le moins battu d’Europe, avec 28 pions encaissés toutes compétitions confondues. Membre de l’équipe type de la C1 lors des campagnes 2015-2016 et 2016-2017, Oblak co-détient avec Paco Liaño le record du plus petit nombre de buts encaissés pour un gardien récompensé du trophée Zamora, soit 18 en 38 journées de Liga. Cette saison, l’international peut encore améliorer cette prouesse en encaissant au maximum deux buts dans les six dernières journées de Liga. Un exploit réalisable. « Il faut comprendre que si Oblak est fort, c’est aussi parce qu’il possède une défense avec la mentalité atlética, concède Resino. Ce sont des hommes forts, des guerriers qui constituent la meilleure défense d’Europe. S’il fallait le mettre au Barça par exemple, je suis convaincu que son rendement statistique serait moins bon. »
De fait, l’intérêt prononcé du Paris Saint-Germain peut se comprendre, mais recruter Oblak n’arrangerait pas pour autant tous les maux défensifs parisiens. « De toute manière, je crois que l’Atlético de Madrid n’est pas vendeur, assure Resino. La seule possibilité, c’est de verser la clause et obtenir l’accord du joueur pour le transfert, ce qui mettrait l’Atlético dans une situation de non-contrôle et l’obligerait à s’aligner sur les prétentions salariales de l’acheteur. Dans tous les autres cas, l’Atlético conservera Oblak. » Après avoir dit adieu à De Gea et Courtois, la poule Atlético souhaite désormais garder ses œufs d’or. « Le fait de voir défiler de très bons gardiens à l’Atlético n’est pas dû au hasard, termine Resino. Cela signifie qu’au départ, le travail de recrutement ou de formation est excellent. C’est une stratégie réfléchie. » Et bien réfléchie.
Par Antoine Donnarieix
Propos d'Abel Resino recueillis par AD, ceux de Torres issus de As