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Supporters vs instances du foot : les parlementaires à l’offensive
Une vingtaine de députés et de sénateurs de toute sensibilité ont déposé hier une proposition de loi visant à imposer la représentation des supporters dans le monde du football. Et pour parer aux réticences des instances dirigeantes, ils ont transmis une lettre ouverte à Noël Le Graët à l'occasion de l'Assemblée fédérale de la FFF qui se tiendra à Nantes, ce samedi 20 juin.
Transparence. Le lien avec l’actualité internationale du football est tout trouvé. Mais il est moins question de transparence financière stricto sensu que de l’association des supporters à la gouvernance globale du football hexagonal. « Pour un football transparent, dialoguons avec les supporters ! » exhortent plusieurs parlementaires dans une lettre ouverte adressée à Noël Le Graët, à l’occasion de l’Assemblée fédérale de la FFF qui se tiendra ce samedi à Nantes, et que So Foot s’est procurée*. Profitant d’une « opportunité de calendrier et d’un certain immobilisme des instances, selon François de Rugy, co-président du groupe Europe Écologie Les Verts (EELV) à l’Assemblée nationale, on pense que cette lettre peut faire bouger les choses » .
Les élus demandent à Le Graët de prendre position
Et notamment par le biais de trois propositions mises en exergue dans la missive : « Représentation des supporters dans les instances nationales, affectation de moyens permettant la création d’un véritable cadre de dialogue, et pérennisation des échanges grâce à une entrevue tous les six mois entre une représentation organisée des supporters et les présidents des instances » . Voilà donc Noël Le Graët, qui avait déclaré en janvier dernier « le débat avec les supporters ne m’intéresse pas » , sommé par des élus de « prendre position au sujet de ces propositions constructives et démontrer ainsi (son) attachement sincère au football durable et responsable » .
Plusieurs députés n’ont d’ailleurs pas caché leur étonnement quant aux fins de non-recevoir régulièrement adressées ces derniers mois par la FFF, aussi bien que par la LFP au Conseil national des supporters français (CNSF) et à l’Association nationale des supporters (ANS). Contacté par So Foot, Guénhaël Huet, député Les Républicains (LR) de la Manche et co-auteur avec Thierry Braillard, Marie-George Buffet et Pascal Deguilhem, d’un rapport daté de 2013 sur le fair-play financier européen et son application économique en France, se dit « surpris du silence des autorités du football. Quand on en parle avec eux, ils ont pourtant bien conscience de l’importance des supporters pour le football français » . Et Marie-George Buffet, député PCF de Seine-Saint-Denis, d’ajouter : « Les dirigeants des instances n’ont aucune crainte à avoir, la proposition de loi est quand même modeste. » De loi, d’ailleurs, il n’en aurait peut-être même pas été question, laisse entendre François de Rugy, « si les instances avaient répondu de leur propre chef aux sollicitations des supporters. Mais ce n’est pas le cas, on voit bien qu’il y a des blocages et des résistances » .
« Les supporters sont aussi des acteurs du football »
C’est donc la loi qui pourrait contraindre Noël Le Graët et Frédéric Thiriez à écouter ce que les supporters ont à leur dire. Un texte qui prévoit ainsi « d’élargir la composition des fédérations aux représentants des supporters » et d’ « instaurer un conseil des supporters (élus par les abonnés) au sein des sociétés qui exploitent les clubs professionnels » . De façon non contraignante, les auteurs de la proposition de loi donnent également la possibilité d’ouvrir le capital des sociétés qui exploitent les clubs à des financements participatifs de la part des supporters, sur le modèle des socios en Espagne ou de l’actionnariat populaire qui régit les clubs allemands. « Dans d’autres pays européens, la culture du dialogue avec les supporters est bien plus développée qu’en France » , observe l’ancienne ministre des Sports, Marie-George Buffet. Les supporters ne sont pas seulement ceux qui font la Une des journaux pour des faits de violence ou de racisme qu’il faut condamner, ce sont aussi des acteurs du football qui ont leur mot à dire sur la gestion de leur club. » Pour Guénhaël Huet, qui a rencontré pendant son rapport parlementaire Karl-Heinz Rummenigge, l’un des dirigeants du Bayern Munich, club détenu à 82% par de l’actionnariat populaire : « La professionnalisation du football a coupé les instances nationales des supporters. Je crois que le football français a besoin de retrouver des liens de proximité avec ses supporters. »
Cette proposition de loi, qui est dans les tuyaux depuis les Assises du supporterisme organisées au Sénat le 11 février dernier, avait également reçu le soutien du secrétaire d’État aux Sports, Thierry Braillard. Lors d’une rencontre au ministère des Sports sollicitée par François de Rugy, en compagnie du président du CNSF, Florian Le Teuff, les contours du texte final avaient été définis. Avec, en particulier, l’ajout dans la loi d’un « organisme national représentatif des supporters » en lien avec les clubs, les fédérations, les ligues, les pouvoirs publics et les partenaires institutionnels.
Un soutien du PCF aux Républicains (LR)
« On se réjouit de voir que notre travail porte ses fruits, indique Florian Le Teuff, président du CNSF, et qu’on obtient des soutiens de parlementaires des quatre coins de la France et de toute sensibilité. » Une initiative transpartisane, qui voit la député PCF Marie-Georges Buffet apposer sa signature à côté des députés issus des rangs des Républicains (LR) comme Julien Aubert ou Guénhaël Huet. Quelque chose de « suffisamment rare pour être souligné » , fait remarquer François de Rugy.
Reste maintenant à trouver un créneau pour inscrire la proposition de loi à l’ordre du jour alors que le travail parlementaire est saturé et qu’un embouteillage législatif se profile. « L’idéal serait que le secrétaire d’État aux Sports obtienne que la proposition de loi soit inscrite dans une semaine gouvernementale » , plaide Marie-George Buffet. En attendant, les cosignataires vont essayer de recueillir un maximum de signatures de parlementaires de leurs groupes respectifs afin de pouvoir éventuellement insérer la discussion du texte dans le créneau d’un « gros » groupe. Maurice Vincent, sénateur PS de la Loire et ancien maire de Saint-Étienne, a déjà apporté son soutien, ainsi que l’ancien maire de Nantes : un certain Jean-Marc Ayrault…
* La lettre ouverte adressée à Noël Le Graët regroupe six signataires :Dominique Bailly, sénateur du Nord (PS), Nicolas Dupont-Aignan, député de l’Essonne (Debout la France), Guénhaël Huet, député de la Manche (Les Républicains), François de Rugy, député de Loire-Atlantique (EELV), Marc Tarabella, eurodéputé, chef de délégation PS au Parlement européen, Emmanuel Foulon, porte-parole de l’Intergroupe Sport du Parlement européen
Par Anthony Cerveaux