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Vélodrome : ambiance scandale
Malgré une invincibilité retrouvée, le Vélodrome n’est plus à guichets fermés pour la première fois depuis deux ans. Les trois victoires à domicile en une semaine n’ont rien changé, alors qu’un désamour paradoxal s’est installé en tribune.
Pour la réception de Lyon, le virage Sud avait sorti ses habits de gala. Un immense voile « Un seul olympique » chez les Winners, un autre « Gloire à l’art de rue » pour le Commando Ultra. Une nouvelle référence musicale, quelques jours après avoir fait fumer Bob Marley avant de dompter l’Ajax. Mais la « Fonky Family » du Vélodrome, bien qu’honorée par le CU84, rétrécit match après match. Face à l’Ajax Amsterdam, le Vélodrome n’était pas à guichets fermés pour la première fois depuis le printemps 2022. Simple accident ? Bien au contraire, l’affluence n’a fait que diminuer depuis, passant de 60 638 à 54 238 spectateurs. Une baisse minimisée par le club, mais qui en dit long sur le climat actuel autour de l’OM, plus proche de Mystère et suspense que de La Furie et la Foi.
Père Noël, Aulas et FC Parvis
Peu importe le contexte : la venue de Lyon au Vélodrome sent toujours la poudre. Mercredi soir, à deux heures du coup d’envoi, il n’y avait pourtant que celle des quelques fumigènes craqués boulevard Michelet qui venait chatouiller les narines. Pour la tension des grands soirs, on pouvait repasser. Certes, on chambrait l’OL à la boutique des supporters en face du stade, en s’essuyant soigneusement les pieds sur un maillot lyonnais tout en immortalisant la scène pour les réseaux. Pendant ce temps, d’autres, venus de loin, ne boudaient pas leur plaisir d’enfin assister à cet Olympico qui s’était fait désirer à cause de quelques écervelés. À 18 h 05, le « FC Parvis » (comprenez quelques dizaines d’ados venus chanter d’avantage pour les caméras que pour l’ambiance) se mettait à l’action en bas de la tribune Jean-Bouin. « Jean-Michel Aulas, on va tout casser chez toi », résonnait pour lancer la soirée. « Ils sont moins nombreux que d’habitude, non ? », interpellait alors un confrère, venu de Paris. Beaucoup moins, oui, et rien à voir avec l’heure du coup d’envoi qui n’a jamais empêché le Vél de vrombir en C1.
Tout va bien sur la pelouse, mais le Vél est loin d’être plein. pic.twitter.com/G1zdLGcZWK
— Adrien Hémard-Dohain (@AdrienHemard) December 6, 2023
Or, si même le FC Parvis se dégarnit, c’est que quelque chose est en train de pourrir à l’intérieur. Au club, on estime pourtant que rien n’a changé. Certes, l’OM ne joue plus à guichets fermés en ce moment, mais les affluences restent spectaculaires et hors catégorie à l’échelle française, assure-t-on, à raison. « C’est aussi parce que Noël approche », minimise un employé du club, avant d’ajouter : « Et puis, c’était le pire moment de la saison, sportivement parlant, pour recevoir trois fois en six jours. » Si le père Noël a bon dos, le désenchantement sportif tient la corde pour commencer à expliquer la situation. Après la victoire contre Lyon, Gennaro Gattuso l’a d’ailleurs admis, à demi-mot : « Que ce soit 60 000 ou plus, c’est comme si c’était plein. Il manque quelques personnes, mais ça ne se voit pas. Il y a une belle ambiance. Ces trois victoires nous font respirer un peu, mais on n’a toujours rien fait. On a mangé beaucoup de merde. Il ne faut pas oublier d’où on revient. »
Une forteresse paradoxale
En tendant l’oreille aux abords du Vélodrome ces derniers jours, on comprend toutefois vite que cette baisse de fréquentation n’a rien d’anecdotique. D’autant plus qu’elle coïncide avec une invincibilité retrouvée à domicile, puisque l’OM reste sur dix matchs sans défaite sur sa pelouse, série inaugurée le 27 mai dernier. « C’est vrai qu’on est sur une belle série chez nous, mais la vérité, c’est qu’on s’en fout. Pour nous, la saison est déjà finie », résume Frédéric, membre des Marseille Trop Puissant, seul groupe à avoir affiché sa grogne par des banderoles face à l’Ajax puis contre Rennes. Il reprend : « On devait jouer la C1, être sur le podium : on est largués, on a l’impression de revenir au pire des années Labrune depuis l’élimination contre le Pana. On est résignés, lassés, et on n’attend plus rien de cette saison. » En dehors de l’Europe, « seule lueur d’espoir » selon les MTP, plus rien ne fait vibrer un Vélodrome qui regrette les années Sampaoli et Tudor. « L’équipe n’a plus aucun fond de jeu, c’est nul. Et le vestiaire a été liquidé. On n’a plus d’identité, de joueur auquel s’identifier, comme c’était le cas avec Payet ou Guendouzi. Le plus ancien, c’est Rongier, quoi… », glisse Frédéric.
La folie du scénario européen face à l’Ajax aurait pu raviver la flamme, mais il n’en a rien été. « C’était presque aussi fou que Leipzig en 2018, pourtant on se fait toujours trouer par ce genre de club historique normalement, mais malgré tout ça, on ne savoure pas », s’interroge Frédéric. « La lassitude a gagné les rangs, avec le sentiment que le projet s’est cassé la gueule. On est fatalistes », confirme un membre actif du virage sud, qui parle même de « saison de transition ». Il ajoute : « On est invaincus chez nous, mais on est surtout nuls. On ne prend aucun plaisir à voir cette équipe, on ne vibre pas. » En obtenant une troisième victoire de rang face à l’OL pour la première fois de son histoire, signant au passage son plus large succès face au rival depuis 1994, l’OM s’attendait sûrement à renverser la situation. Il n’en a rien été. Car si les fidèles des fidèles étaient bien là après le coup de sifflet final, pour faire retentir un dernier « Aux Armes », l’enceinte s’était déjà bien vidée, après avoir été loin de faire le plein. Surtout : comme face à l’Ajax ou Rennes, le Vélodrome ne s’est jamais véritablement embrasé face à l’OL, malgré le scénario idéal de la soirée. Le genre de match qui aurait viré à l’hystérie collective sous Tudor et Sampaoli, une époque pas si lointaine, mais qui paraît bien loin aujourd’hui.
Par Adrien Hémard-Dohain, au Vélodrome