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Supporters de Séville : voyage au bout de l’affaire
À 48 heures du coup d’envoi entre Lens et le Séville FC, Gérald Darmanin annonçait que le déplacement des supporters andalous serait interdit, au gré d’une interview Brut et sans préavis. Une décision qui inquiète les Espagnols déjà lancés sur les routes de l’Artois.
Son voyage dans le nord de la France aurait dû être un long fleuve tranquille. Depuis août, Carlos avait déjà préparé ce déplacement : quelques jours à Paris à la découverte de la capitale, puis la visite de Lens avant un match à Bollaert pour la dernière journée de Ligue des champions. Budget du voyage : 300 euros. Mais voilà que Gérald Darmanin et ses gros sabots viennent bousculer ses plans en déclarant dimanche soir, dans une interview pour Brut, que lui et ses copains supporters du Séville FC ne sont plus les bienvenus en France, pour créer un « électrochoc » après le décès d’un supporter nantais en marge du match contre Nice, il y a dix jours. « Je comprends qu’il puisse y avoir des répercussions après la mort de ce supporter, mais pourquoi prendre cette décision maintenant, à 48 heures d’un match de Ligue des champions, alors que le supporter est décédé il y a une semaine ? », s’interroge Carlos, qui a d’ailleurs repéré que des supporters lensois avaient pu faire le déplacement à Montpellier.
Refoulés pour l’exemple
Arrivé à Paris dimanche matin, Carlos n’a pas eu à se poser la question de savoir s’il devait ou pas se rendre dans l’Hexagone, Gérald Darmanin n’ayant pas encore dégainé sa carte piège au moment de son départ. Depuis, il attend, dans l’espoir que son club et l’Association nationale des supporters réussissent à faire passer leur recours contre l’arrêté préfectoral. « Il y a déjà 200 ou 300 supporters sévillans dans la ville de Lens, avec des drapeaux, des écharpes… Mais demain, par peur de cet arrêté, ils devront tout retirer ? », pointe du doigt celui qui ne sait pas encore s’il fera l’aller pour Lens dans la matinée, faute d’assurance de pouvoir voir la rencontre, même si sa chambre d’hôtel pour l’après-match est déjà payée. Parce que l’arrêté ne concerne pas que l’accès au stade, mais aussi le fait de se comporter comme un supporter du Séville FC dans un large périmètre autour de la ville de Lens entre 10h et 3h du matin mardi. « C’est une entrave à notre liberté de mouvement, s’agace Carlos. Nous ne sommes pas une afición conflictuelle, on est juste là pour soutenir notre équipe et espérer qu’elle sorte de cette mauvaise passe sportive. C’est totalement injuste et excessif. »
Fran, lui, va encore plus loin : « La France donne l’image d’un pays en voie de développement, qui réduit les libertés en moins de 48 heures, de façon archaïque. C’est comme s’il s’agissait d’une tyrannie ou d’une dictature. » L’homme d’une quarantaine d’années accumule des dizaines de déplacements aux compteurs depuis ses 17 ans, mais assure qu’il n’a « jamais » vécu un tel chaos : « En Espagne, une telle interdiction ne s’est produite que pour le Covid ou des menaces terroristes. Le gouvernement ne prend pas ce type de décision en utilisant le football comme explication. » Lui a tout de même décidé de se rendre sur place ce lundi, sans vouloir dire exactement comment, par peur des lourdes sanctions promises par l’État français, jusqu’à six mois de prison et 30 000 euros d’amende. « Tous les supporters de Séville ont déjà des vols, des trains, des hôtels et des voitures de location réservés. On a pris des jours de vacances pour voir ce match. Donc on va y aller, essayer d’aller au stade et sinon on trouvera autre chose à faire », assure Fran. La Federation des Peñas Sevillistas, organisation officielle des groupes de supporters sévillans, a d’ailleurs toujours dans son planning le déplacement à Lens, où plus de 1 000 Nervionenses sont attendus.
Road trip belge ou match au pub
En solidarité avec leurs adversaires mal accueillis, les ultras de Lens, les Red Tigers, ont promis dans un communiqué qu’ils étaient prêts à laisser leurs places pour que les Sévillans puissent encourager leur équipe, qui doit obligatoirement gagner pour espérer accrocher une troisième place qualificative pour la Ligue Europa. Sur Telegram, les supporters sévillans prévoient déjà d’autres activités, au cas où : road trip entre Gand et Bruges, soirées dans des bars prêts à les accueillir mardi soir à Paris, Bruxelles ou Lille pour suivre la rencontre… À défaut de pouvoir parcourir les derniers kilomètres qui les séparent de Bollaert. Les Sévillans seront fixés sur leur sort ce mardi à 11h, à moins de 8 heures du coup d’envoi, avec en attendant l’impression d’être « maltraités » et de payer les pots cassés d’un Gérald Darmanin prenant des « mesures populistes sans penser aux conséquences ». « Si le gouvernement français ne peut pas accueillir de supporters étrangers, il devrait annuler les Jeux olympiques de Paris, et l’UEFA devrait éliminer les équipes françaises des compétitions internationales », résume de son côté José. Si ça tient sur une bâche, le tifo est tout trouvé.
Par Anna Carreau
Tous propos recueillis par AEC.