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  • La vie des supporters du Stade de Reims

Supporter du Stade de Reims : mode d’emploi

Propos recueillis par Tom Binet et Adrien Hémard

Les supporters de France sont à l’honneur sur sofoot.com. Nous sommes partis à la rencontre de celles et ceux qui font vivre nos stades, qui célèbrent pour leur club, qui pleurent pour leur club. Bref, celles et ceux qui vivent pour leur club. Aujourd’hui, c’est au tour du Stade de Reims. Le club champenois a retrouvé de ses couleurs et même regoûté - brièvement - à la Coupe d'Europe à l'été 2020, avant de rentrer dans le rang. Ce qui n’empêche pas la ferveur de renaître en Champagne, après trois longues décennies loin de la Ligue 1.

#1 - Patrick

Patrick Sauvage

61 ans, supporter depuis 1964, collectionneur

« Je suis né le 3 juin 1959, quelques minutes avant le coup d’envoi de la deuxième finale de Coupe d’Europe de Reims contre le Real Madrid. Juste à temps. C’est d’ailleurs pour ça que j’ai donné le coup d’envoi de Reims-Nice en janvier 2019, 50 ans après. Aujourd’hui, je travaille dans un magasin autrefois détenu par Raymond Kopa. Mon destin est lié au Stade de Reims, quoi que j’y fasse. Depuis l’enfance, je vais au stade. Ça a commencé avec mon père dès mes 5 ans, Kopa était encore là. Et ça ne s’est jamais arrêté. Le Stade de Reims a toujours été mon moyen d’évasion, ma plus grande passion. Pour certains c’est la pêche, la pétanque, moi c’est le Stade de Reims. Même en DH j’allais les voir dès que possible, c’est dans ces moments qu’on reconnaît les vrais supporters. Les couleurs rouge et blanc, le passé, le palmarès : c’est mythique. N’importe quel joueur qui vient signer à Reims, même à l’époque Ligue 2, ça reste le Stade de Reims. Ce n’est pas n’importe quel club, surtout pour notre génération, même si aujourd’hui, on sent que les jeunes sont de plus en plus derrière le club. Au stade, on voit que la jeunesse redynamise les tribunes. Les sifflets disparaissent, ils sont remplacés par les chants.

« Mon destin est lié au Stade de Reims, quoi que j’y fasse. » Patrick

Moi, je suis plutôt du genre actif en tribune, quand je peux y aller, parce que je travaille six après-midi par semaine. Mais mon activité de vendeur de journaux me permet d’être connecté au Stade de Reims tous les jours. Cet amour du club se traduit par une collection de tout ce que je trouve sur le club. D’abord, j’ai des exemplaires du Miroir du sport de 1953 à 1967. C’est mon père qui l’achetait à chaque fois. Ça fait de belles archives. Sinon, j’ai des billets, des bibelots, des maillots dédicacés dont celui de Cédric Fauré, et surtout Amara Diané. L’histoire est drôle. Un jour, un petit gamin entre dans mon magasin, perdu. Il me dit qu’il cherche ses parents. Je lui demande son nom : « Diané » . Il précise alors que son père joue au foot. Tout de suite, j’appelle le club, et Amara arrive. Il était soulagé et est revenu m’offrir un maillot ensuite.

Je suis capable de tout pour le club. Par moment, mon épouse sature un peu, ce que je comprends parce qu’entre le stade et la TV, la lecture, les paris sportifs… Je suis vraiment 100% football, 100% Stade de Reims. Et ça me procure beaucoup de bonheur. J’aime le foot parce que c’est direct, il n’y a jamais de scénario préétabli, il y a toujours des surprises, des émotions. La finale de Coupe de France 1977 contre Saint-Étienne, c’est l’un des plus beaux matchs que j’ai vus, malgré la défaite. Les paillettes, je m’en fiche. Mais si on est de retour à ce niveau, c’est grâce à monsieur Caillot. Le jour de la montée en 2012, 33 ans après, c’était magnifique. L’émotion était incroyable, indescriptible. »

#2 - Christelle

Christelle Vilain

34 ans, supportrice depuis 1997, critique Gault & Millau qui ne rate pas un déplacement

« Le club a un riche passé. On a ce côté historique que peu de clubs ont en France, avec toutes les gloires qu’on a eues. Si bien qu’à un moment donné, l’équipe de France, c’était Reims. À cause de la longue période en amateur, le public rémois est âgé, mais il y a de plus en plus de jeunes, de familles et même de femmes dans les tribunes de Delaune. Après un long passage à vide, on est de retour maintenant. Mais pourtant, le supporter rémois est resté râleur, critique et exigeant. Ça peut être difficile parfois pour les joueurs, mais on est là quand même. C’est un club assez familial : les joueurs sont accessibles, on les croise en ville, ils discutent. Cette proximité permet de s’identifier. À l’époque, on allait dans les vestiaires, les joueurs donnaient leurs sandwichs, leurs boissons. Ce sont des trucs qui m’ont marquée.

« Les matchs à l’extérieur que j’ai loupés se comptent sur les doigts d’une main. J’ai même traversé la France en train de nuit pour aller voir le club en amical contre le Real Madrid. » Christelle

Moi, c’est mon père qui lisait chaque jour les pages du journal consacrées au Stade de Reims. Un jour, ma mère a fini par lui dire d’aller au stade. Ni une ni deux, on prend des places pour un Reims-Rennes en Coupe de France. Ce qui m’avait marquée, c’était les quatre grands lampadaires. Je ne connaissais rien au foot, mais ça m’a tout de suite plu. Ensuite, on a adhéré au groupement officiel des supporters et on a commencé à faire les déplacements en bus. J’avais 10 ans. J’en ai maintenant 34, et les matchs à l’extérieur que j’ai loupés se comptent sur les doigts d’une main. J’ai même traversé la France en train de nuit pour aller voir le club en amical contre le Real Madrid en 2016. Une fois, je suis allée à Libourne malgré une tempête, on est arrivés à la mi-temps, et personne ne voulait nous faire entrer dans le stade. Les joueurs de Reims nous ont vus et ont insisté. Le président Caillot nous a ensuite invités pour le match suivant à Montpellier, tous frais payés, dans l’avion avec les joueurs. Je suis rémoise, c’est une fierté d’afficher nos couleurs en déplacement avec une écharpe, un maillot. Au collège, on me disait « C’est quoi ton club ? » Je répondais « Reims« , tout le monde rigolait, disait qu’ils étaient nuls, mais c’est ma ville. J’en suis fière.

Aujourd’hui, le derby contre Sedan me manque. Je rêve de ce genre de déplacement, d’une colonne sans fin de bus rémois vers les Ardennes. Ce serait énorme. Autant les Reims-Troyes, on s’en fiche, ça n’a pas de saveur. Mais Sedan… Malheureusement, ils végètent en amateur. De toute façon, avant cela, on a déjà envie de retourner sereinement au stade. Dans des stades pleins. Pour voir le Stade de Reims. »

#3 - Thomas

Crédits : Gustave le populaire

Thomas

23 ans, supporter depuis 2005, membre des Ultrem 1995

« Mon premier match, c’était 2005 dans l’ancien stade Delaune. C’était un match amical contre l’UNFP. Je me suis tellement ennuyé qu’on est partis à la mi-temps. Depuis, ça ne s’est jamais reproduit. Mon père était partenaire du club et nous emmenait en tribune Germain. Avec mon petit frère, on a vite tourné les yeux vers les ultras. De notre côté, on essayait de mettre un peu d’ambiance dans la tribune d’honneur avec nos drapeaux et nos confettis. Mais bon… Quand le club est monté en Ligue 1 en 2012, je me suis abonné dans le kop et je suis devenu membre des Ultrem de suite. À l’époque, mes potes, qui supportaient Lyon, Marseille ou Paris, ne comprenaient pas pourquoi j’étais pour Reims. Mais ils ont changé d’avis quand ils ont vu la proximité que j’ai avec mon équipe, contrairement à eux. Finalement, c’est moi qui ai un peu de mal à les comprendre. À mes yeux, tu supportes le club de ta ville. Supporter un club sans aller au stade, sans le vivre… Je trouve ça bizarre. Pour moi, le foot ne se vit pas à la TV, mais en tribunes.

« À mes yeux, tu supportes le club de ta ville. Supporter un club sans aller au stade, sans le vivre… Je trouve ça bizarre. » Thomas

J’ai grandi dans les moments difficiles du club, mais toujours avec cet espoir que les grandes heures reviennent. Je suis devenu adulte au moment où Reims se pérennisait en Ligue 1. On s’est construit en même temps, notamment grâce aux Ultrem. Au début, mes parents s’inquiétaient, ils pensaient que c’était une tribune violente. Puis, ils ont mesuré l’intérêt d’être un supporter actif et les rencontres que cela offre. Les Ultrem, c’est ma deuxième famille. Le stade, c’est un exutoire. Le but, c’est d’aider l’équipe, de faire pencher la balance sur certains matchs. Mais c’est surtout le moment où tu retrouves tes potes et où tu évacues ta semaine. C’est un groupe soudé, entre nous on ne se lâchera pas même si on vient tous de milieux différents. C’est ce qui fait notre force. On est loin des clichés des supporters chômeurs. Par exemple, j’ai un bac+5, je travaille beaucoup, mais je suis aussi ultra. Je vis à Paris, donc ça demande de l’organisation pour pouvoir rentrer tous les week-ends ou pour partir en déplacement.

Les déplacements, en plus du match, c’est un tout. Une façon de découvrir le pays tout en affichant ses couleurs. Bien sûr, cela tourne autour du match à voir, mais pas que. Chez les Ultrem, on dit même qu’il n’y a rien de mieux qu’un match de foot pour gâcher un déplacement. J’ai commencé les déplacements en Ligue 2, aujourd’hui j’en fais une dizaine par saison. Je suis toujours heureux de représenter nos couleurs à l’extérieur, dans un contexte hostile. C’est un défi de s’imposer vocalement dans un stade, en minorité. À domicile, la mission est de dynamiser Delaune qui a toujours eu un public de connaisseurs assez exigeants. Nous, on essaye d’attirer le plus de monde avec nous, de populariser cet esprit de fête pendant le match pour mettre l’ambiance. Je pense que l’image des ultras s’améliore d’année en année à Reims. On essaye de faire les choses bien avec le club, en coopération, pour dynamiser le stade. Il y a tout pour bien faire. À nous de le faire. »

#4 - Jean-Pierre et Charles

Jean-Pierre et Charles Grenier

Un grand-père qui accompagne son petit-fils de 17 ans, supporter depuis 2015 et non-voyant

« Charles est non voyant, mais nous allons malgré tout souvent au stade. Pendant le match, je suis son speaker personnel, je lui commente le match. Par exemple, je dis : « Il y a un dégagement du gardien, c’est tiré dans le rond central. » Il visualise parfaitement les actions, il connaît la position de chaque joueur. La preuve : quelques fois je me trompe de nom et il me reprend. Il connaît leur emplacement, leur numéro. Il connaît tout par cœur. Si je dis le nom d’un défenseur latéral, il me dit : « Non, ça ne peut pas être ça, vu qu’il est latéral gauche ! » Le petit souci, c’est que je suis obligé à mon tour d’apprendre le nom des joueurs, et notamment des équipes adverses. C’est tout un travail !

« Charles visualise parfaitement les actions, il connaît la position de chaque joueur. La preuve : quelques fois, je me trompe de nom et il me reprend. »

Tout a commencé par un match de l’équipe féminine, c’est comme ça que Charles est venu au stade. Et ça lui a plu. On a rencontré le coach, Florent Ghisolfi, qui passait à ce moment-là, et il a rameuté toute son équipe pour faire une photo avec Charles. Tout est parti de là. Ensuite, on a dit : « Puisque ça te plaît, on ira à Delaune. » Et maintenant, on suit le Stade de Reims, même en déplacement. Par exemple, on est allés à Madrid pour le 60e anniversaire de la finale de Coupe d’Europe. On voulait faire une photo avec Zinédine Zidane, mais on n’a pas pu à cause de la sécurité du Real Madrid. Il y a aussi toutes les rencontres avec les joueurs. Pendant un temps, on allait aux entraînements. On a récupéré tout un tas de maillots, je ne sais pas combien Charles en a. Le premier, c’est Gaëtan Charbonnier. Parmi nos meilleurs souvenirs, il y a la montée en Ligue 1. L’envahissement du terrain, la fête sur le parvis de la cathédrale, c’était quelque chose. Le capitaine de l’époque, Dany (Danilson Da Cruz) est venu chercher Charles avec Diego Rigonato. Ils l’ont fait monter sur le podium. Bruno le speaker lui a donné le micro et il a harangué la foule. »

#5 - Thibaut

Thibaut Dufour

32 ans, supporter depuis l’âge de 10 ans, longtemps abonné et cofondateur de Corner à la rémoise

« Ce que j’aime, c’est écrire. Très vite, j’ai eu envie d’avoir un blog, parce que pouvoir dire vraiment ce qu’on pense, ça me plaît beaucoup. C’est vraiment un moyen de vivre sa passion plus intensément. Il y a trois ans, j’ai donc créé Corner à la rémoise avec trois copains juste après la descente en Ligue 2. On a vécu la remontée ensemble, le titre de champion et récemment la qualification en Coupe d’Europe. Forcément, on a grandi, notamment avec le compte Twitter. Là, on a un peu moins de temps pour développer nos idées, on mise davantage sur le côté humoristique. Nous sommes quatre à gérer le compte, et généralement, les soirs de match à domicile, deux sont au stade et font des photos, les deux autres gèrent le compte en faisant un live-tweet. On vanne le club et les joueurs, comme on se vanne entre nous. On a un public très exigeant, passionné et parfois impatient, mais la communauté rémoise a vraiment du second degré.

« Atteindre le graal de la Ligue 1, 33 ans après notre dernière saison, c’était vraiment un privilège : deux ou trois générations de supporters n’avaient jamais vécu la Ligue 1 à Reims. » Thibaut

J’ai commencé à supporter le club quand il était en National (1999-2002), c’étaient vraiment des années difficiles, on affrontait surtout des villages. Mon premier match, c’était un Reims-Pau en 1999. Ils avaient gagné 4-0. C’était l’ancien Delaune, avec la tribune Méano provisoire, et les vieux bancs en bois. On ne peut pas dire que c’étaient vraiment des sièges. Il y avait un côté rustique qui rendait le stade plus impressionnant que celui d’aujourd’hui. Parmi les buteurs, il devait y avoir David François, qui était un pur Rémois. C’était l’époque Ducourtioux, qui a joué après à Sedan puis Ajaccio. Malgré tout ça, j’ai vite commencé à vraiment supporter le club. Le plus dur, c’était le début. Ensuite, ma vie de supporter a été plus simple avec le retour en Ligue 2 et surtout en Ligue 1. Le grand moment, ça a été la victoire dans le derby contre Troyes, avec le retourné de Cédric Fauré dans le temps additionnel. À ce moment précis, l’émotion était incroyable. Je n’ai jamais vu le stade Delaune comme ça, c’était le feu… Atteindre le graal de la Ligue 1, 33 ans après notre dernière saison, c’était vraiment un privilège : deux ou trois générations de supporters n’avaient jamais vécu la Ligue 1 à Reims. Après avoir beaucoup entendu parler du grand Stade de Reims des années 1950, on allait enfin envie vivre notre belle période.

Après, quand on supporte Reims depuis 20 ans, il n’y a pas que des moments glorieux. Je me souviens de pas mal de moments improbables. Par exemple en 2010, on fait une grosse recrue : Lucien Aubey. Curieux, je vais à l’entraînement pour le voir. Et là… on s’est tous regardés avec les supporters, y avait un mec avec le short en bas des fesses jusqu’au mollet et 20 ou 30 kilos de trop. On s’est dit : « C’est ça notre recrue phare du mercato ? » On s’est aperçu très rapidement qu’il était complètement cuit pour le football. Mais on s’est bien marré. Et l’humour, pour moi, fait partie du foot. »

Propos recueillis par Tom Binet et Adrien Hémard

Épisode 1 : Toulouse

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