- La vie des supporters de l'OM
Supporter de l’Olympique de Marseille : mode d’emploi
Les supporters de France à l’honneur sur sofoot.com. Nous sommes partis à la rencontre de ceux qui font vivre nos stades, qui célèbrent pour leur club, qui pleurent pour leur club. Bref, ceux qui vivent pour leur club. Aujourd’hui, c’est au tour de ceux de l'Olympique de Marseille, qui pour beaucoup semblent être tombés dedans quand ils étaient petits.
#1 - Émilie
Émilie Peretti
41 ans, supportrice depuis 30 ans, membre historique des MTP
« Ce club a une histoire unique. Quoi qu’on en dise, on est les seuls à avoir décroché cette putain de coupe. J’avais 13 ans. Je me fous des joueurs qui passent. Certains vont me marquer, mais j’oublie très vite parce que, ce qui m’intéresse, c’est que l’OM brille. C’est ce qui définit les supporters marseillais : la passion, la démesure. Pour certains, le Vélodrome est un lieu de pèlerinage. On vient s’y lâcher. C’est comme aller au théâtre, c’est un jeu, et en sortant du stade, on reprend nos vies normales. C’est un des derniers endroits qui brassent les populations. J’ai toujours eu une passion pour les foules, la ferveur, les gens passionnés, exaltés, les rassemblements derrière une même cause. Même les manifestations, ça m’a toujours plu. Logiquement, je ne pouvais qu’intégrer un groupe ultra. Moi, c’est mon ex-mari qui m’a amenée au MTP puisqu’il était capo. Je ne pouvais pas y échapper. J’y ai trouvé plus qu’un moyen d’aller au stade : c’est vite devenu une famille. J’adorais être au local, animer la vie associative du groupe, préparer les tifos. Je sortais d’une école de graphisme et d’illustration, c’était idéal. Et puis, le groupe a toujours eu une dimension très sociale, très impliquée dans la vie de quartier.
J’ai grandi en Corse, et j’ai vu mes premiers matchs au Gazélec d’Ajaccio. Mais mon club, c’est l’OM. Mon père regardait tous les matchs quand j’étais petite. J’ai été bercée par ce club, puis définitivement piquée à mon arrivée à Marseille pour mes études en septembre 1998. D’ailleurs, j’avais choisi d’étudier à Marseille pour l’OM. J’ai toujours aimé ce club, et quand j’ai découvert la ville, puis le stade Vélodrome, ça m’a confortée dans cet amour. C’était une évidence. Mon premier match, c’était un OM-Monaco, j’étais dans le Virage Sud avec le Commando Ultra : j’ai pris une claque. Tu rentres dans un truc énorme, qui vibre de partout. C’était dingue pour moi qui n’avait fréquenté que les petits stades corses.
En tribune, je suis une acharnée. Je ne sais pas regarder un match assise. Ma place, c’était aux tambours : j’ai fait dix ans assise sur la barrière les baguettes à la main avec 5 mètres de vide en dessous. J’étais une des rares filles, aujourd’hui ça se féminise. Personnellement, j’ai pris du recul progressivement depuis 2010, notamment depuis que je suis devenue maman. J’y vais encore de temps en temps, notamment pour les anniversaires, les grands matchs, et j’ai toujours mon surnom et ma place sur la barrière quand je reviens. À 41 ans, c’est toujours le même plaisir. Ma fille a fait ses premiers matchs au Vélodrome, elle est intéressée par l’OM plus que par le football. Elle est prête à prendre la relève au tambour. Ça m’inquiète un peu en tant que mère, mais surtout ça me rend fière. »
#2 - Osman
Osman
26 ans, supporter depuis 1994, membre de l’OM Nation Dakar
« Je suis supporter de l’OM depuis la naissance. Ce qui fait que je me suis identifié à l’OM, ce sont les supporters, la passion, la ferveur, le club, l’emblème. Ici, à Dakar, la passion se transmet de génération en génération. Franchement, tu marches dans la rue, tu verras beaucoup plus de maillots de l’OM que par exemple de maillots du Barça, du Real ou de n’importe quel club ! Je pense que ça vient déjà des joueurs sénégalais passés par l’OM, notamment Mamadou Niang et Souleymane Diawara. Et puis, il y a aussi ce côté un petit peu africain de Marseille. Il y a la Méditerranée, tu vois aussi des Algériens, des Marocains, des Ivoiriens… N’importe quelle nationalité africaine peut se reconnaître dans l’OM.
Il y a quatre ans, on a créé l’Association des Marseillais du Sénégal, renommée OM Nation Dakar depuis l’arrivée de Jacques-Henri Eyraud à la direction. Même avant qu’on soit reconnu par le club, on réunissait plusieurs dizaines de personnes dans un restaurant pour les matchs. Pour la finale de la Ligue Europa en 2018, on a fait la plus grosse fan zone de l’histoire d’un club européen en Afrique. L’ambassade de France nous avait mis à disposition l’Institut français de Dakar et nous avons rassemblé 400 à 500 personnes.
Je vis aussi ma passion en me déplaçant à Marseille. J’ai toujours rêvé d’aller au stade et il y a deux ans, je suis allé au Vélodrome pour la première fois. Beaucoup de gens ici aimeraient faire ce genre de choses, mais le visa pour aller en France est très difficile à obtenir, donc ça complique un peu les choses. Quand je suis entré dans le stade, j’ai eu les larmes aux yeux, parce que je réalisais mon rêve. Mon premier match, c’était contre Strasbourg en Coupe de la Ligue. On a malheureusement perdu aux tirs au but. Mais j’y suis retourné l’année passée, pour Marseille-Nîmes. C’était très fort aussi. La deuxième mi-temps était explosive, avec des buts de Dimitri Payet et Dario Benedetto. Le Vélodrome, c’est incroyable… C’est une sensation que tu ne peux pas décrire. »
#3 - Gérard
Gérard Colin
58 ans, supporter depuis 1974, président fondateur de la section Champagne des Yankee
« Mon histoire avec l’OM a commencé à l’hôpital. Vers mes 10 ans, j’ai passé deux ans dans une maison de repos à côté d’Aix-en-Provence, moi qui venait de l’Aube. Un des infirmiers nous emmenait de temps en temps au stade Vélodrome. Mon premier match, c’est un Marseille-Lille, à l’époque Jairzinho – Paulo César. Je ne connaissais même pas les règles. Mais ce jour-là, j’ai été piqué par une autre maladie : le virus de l’OM. Après, je suis remonté dans l’Aube, mais j’étais devenu supporter marseillais. Je ne sais pas expliquer pourquoi j’aime l’OM, c’est un coup de foudre, ça m’est tombé dessus du jour au lendemain. À la maison de repos, j’écoutais les matchs à la radio sous l’oreiller. Dans l’Aube, il y avait déjà un club professionnel à Troyes, mais ça ne m’intéressait pas. Les seules fois où j’ai vu l’ESTAC jouer, c’était contre l’OM.
Après le titre de champion d’Europe en 1993, j’ai fondé la section Champagne des Yankee. On couvre l’Aube, la Marne, le Jura, la Haute-Marne, les Vosges… À chaque match à domicile, on part en bus de Bar-sur-Aube et on fait l’aller retour sur la journée du match, souvent du petit matin au petit matin du lendemain. Au départ, on était une dizaine, depuis on a rassemblé jusqu’à 400 membres. Avant la section, j’y allais de temps en temps en voiture avec des potes, mais c’était dur de trouver des billets. On allait souvent à l’extérieur quand l’OM venait dans notre région. Lors d’un déplacement à Nancy, j’avais rencontré Danielle Tonini (trésorière historique des Yankee, N.D.L.R.), qui m’avait donné des billets. Le lendemain, on s’est appelés pour créer la section. Au début, je gérais seul, ça me prenait un temps fou. C’était un peu compliqué avec mes proches. J’ai fait pas mal de sacrifices, raté plusieurs fêtes de famille à cause de l’OM. Maintenant, ça se passe bien. Et puis aujourd’hui, j’ai des responsables sur chaque secteur, la section me prend moins de temps.
Marseille et moi, c’est irrationnel. C’est dans le sang. Il y a la ferveur, les épopées européennes, des jours heureux et d’autres moins, comme les finales perdues… À Göteborg en 2004, on avait affrété une dizaine de bus. C’était dingue. Comme le week-end de fête sur le Vieux-Port pour le doublé en 2010. On a passé deux jours sans dormir à faire la fête. En tribune, je suis debout, actif, je chante. Un jour, je finirai par m’asseoir, je crois, vu la tournure que prend le football français. Je suis très pessimiste sur le sujet : les autorités tuent les tribunes populaires à petit feu. Au passage, je ne comprends pas le débat sur le manque de légitimité supposé des supporters de Marseille qui ne viennent pas de la ville. Pour moi, c’est l’histoire d’un homme et d’un club. Il n’y a pas de débat, il n’y a pas de vrais et de faux marseillais : il y a les supporters de l’OM. Point final. D’autant que ce qui différencie le supporter marseillais des autres, c’est bien la passion. Moi, ma passion : c’est l’Olympique de Marseille. »
#4 - PoF
Nicolas dit « PoF »
37 ans, supporter depuis 1987, illustrateur, twittos et animateur « On mouille le micro »
« Je suis né à Marseille, j’y ai vécu mes 30 premières années avant de m’exiler dans le Nord pour ma copine. On me demande souvent comment m’est venu cet amour pour l’OM. Mais quand tu es né à Marseille, ça ne t’est pas venu, c’est comme ça, ça ne s’explique pas. Petit, j’allais au stade avec mon père qui lui y allait avant avec mon grand-père. Ma première fois, c’était un OM-Lens, on avait gagné 2-0. En 1993, j’avais 10 ans. Je me souviens surtout de l’engouement : le jour de la finale à l’école, on était tous habillés en bleu et blanc à l’école. C’est aussi un club qui me correspond dans sa mentalité. Je ne me vois pas être supporter de Lyon par exemple. Ici c’est passionnel, avec une exagération constante, tout prend des proportions énormes. Et c’est marrant. On aime bien s’énerver à Marseille, on aime bien les injustices, gueuler. Cette espèce de ferveur constante, peu de villes l’ont. Dans un bistrot à Marseille, l’OM est le premier sujet de conversation. Quand tu vas au resto avec des clients, tu finis toujours par parler un moment de l’OM. C’est ancré dans la ville.
J’ai 37 ans, donc j’ai été toutes les sortes de supporters. Gamin, j’allais avec mon père en virage sud dans le Commando Ultras, puis tout seul. Plus tard, j’allais même en latéral via le comité d’entreprise d’un pote. C’était une autre ambiance, mais les commentaires des vieux sont souvent à mourir de rire dans ces tribunes. Et maintenant, je suis un supporter sans stade. Quand on vit à plus de 1000 km, on vit à travers la TV, le streaming et les réseaux sociaux. J’ai commencé à dessiner sur l’OM il y a 7 ans. C’est ce qui m’a fait connaître sur Twitter. J’ai même pu travailler directement pour le club une ou deux fois, et cette année j’ai sorti une BD, L’OM en vrac. Pour l’illustrateur que je suis, c’est une consécration de travailler sur mon club. Et comme je suis le seul sur ce créneau…
Passer un match sur Twitter ne remplacera jamais l’ambiance du stade. Mais pour un supporter à distance comme moi, c’est un outil qui recrée l’ambiance d’une tribune. C’est toujours sympa d’échanger pendant les matchs. C’est une façon sympa de voir les commentaires, de lire les conneries des autres, mais aussi de se sentir moins seul devant son écran. Les jours de match commencent dès le matin comme ça. Et puis, pour moi, ils se terminent tard parce que j’anime une émission après chaque rencontre. Tu regardes le match différemment quand tu sais que tu vas le débriefer, tu ne peux pas te barrer et éteindre la TV. J’ai un double écran avec le match à gauche et Twitter à droite. Je fais attention à ce que je dis : même avec 20 000 abonnés, ça peut avoir des répercussions, on a vite fait de foutre une sale ambiance. Après le match c’est le feu, l’émission dure 1h30, puis je suis claqué et je vais dormir. Le retour en Ligue des champions fut intense physiquement… Mais ça faisait vraiment plaisir : on est revenu à l’endroit où l’on devrait être tous les ans, parce qu’on est le plus grand club de France. »
#5 - Arnaud
Arnaud Thibault
36 ans, supporter depuis 1984, co-fondateur du Massilia Socios Club
« Disons que l’OM, on n’en tombe pas forcément amoureux, puisqu’on naît avec. C’est quelque chose de naturel, cela fait direct partie de ta vie. Dans la région, tout le monde suit l’OM de près. Il y a beaucoup de fierté dans le fait d’être marseillais, et avec l’OM, on veut défendre les couleurs de notre ville en France et en Europe. Outre ce sentiment d’appartenance, ce qui fait la différence ici, c’est la ferveur et la passion. La culture ultra est présente et ça ressort sur tous les supporters finalement. Bien sûr, il y a aussi le palmarès qui te rend fier et qui renforce l’attachement au club. Tu le sens quand tu te retrouves aux abords du stade, où il y a tout le monde qui arrive, qui arbore les couleurs, qui chante. Après, quand on rentre dans le Vélodrome, on voit tous les groupes qui poussent l’équipe. Tous ensemble. Tu as une sensation indescriptible, mais une vraie sensation de fierté, je ne sais pas trop comment l’expliquer.
Depuis 1993 et surtout ces dernières années, on traverse pas mal de passages à vide. Après, il faut prendre du recul par rapport à ça, mais j’essaie aussi d’apporter ma pierre à l’édifice en m’impliquant au sein du Massilia Socios Club. On a pour objectif de promouvoir un autre modèle que le foot-business tout en ayant un OM compétitif à l’échelle européenne et en conservant cette ferveur dans les tribunes. On souhaite que l’OM reprenne son destin en main, ce qu’il se passe depuis pas mal d’années nous donne raison. Les directions passent, mais c’est toujours les mêmes résultats, en dents de scie. Depuis avril 2019, les discussions avec la direction actuelle sont stoppées, mais on ne lâche pas car beaucoup ont envie de continuer l’aventure. Notre enjeu actuel c’est de continuer à communiquer sur notre mouvement, continuer à rassembler et être prêt le jour J, quand la porte va se rouvrir de nouveau.
Après, le club est toujours capable d’éclairs de génie. Franchement, un souvenir que je garde en tête, c’est le match de Ligue des champions à San Siro contre l’Inter en 2012. On perd, mais c’est anecdotique, car on prend un but à la fin et on se qualifie pour les quarts. C’était incroyable. On était 5000 et on n’entendait que nous. Même si après, ils sont un peu calmes les Italiens… À l’extérieur, on avait l’impression de jouer chez nous. Le parcage était en furie tout le match. Plus récemment, il y a eu le quart de finale de Ligue Europa chez nous face à Leipzig (5-2). C’était au Vélodrome et c’est l’une des plus grosses ambiances que j’ai connues. Il n’y avait pas juste deux virages, mais il y avait tout un stade qui était debout tout le match, c’était fou. »
Propos recueillis par Adrien Hémard et Victor Launay