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Superligue : le cœur des hommes a parlé
Andrea Agnelli, Florentino Pérez et leur clique pensaient avoir plié le game. C’était compter sans le raz de marée qui s’est abattu sur la Superligue depuis dimanche. L’unanimité et l’intensité de la vox populi sont en passe de torpiller ce projet, puisque Manchester City, Manchester United, Arsenal, Liverpool, Tottenham et Chelsea ont déjà quitté le navire. Une victoire majuscule pour les supporters, et pour les joueurs.
« Quelle belle journée pour le football. Continuons à jouer, continuons à nous battre, continuons à rêver. C’est la toute première raison pour laquelle nous faisons cela ! » Le message posté peu avant minuit par Benjamin Mendy résume tout. Pris en otage par leurs dirigeants, qui n’avaient évidemment pas daigné les consulter au moment de les embarquer dans le yacht de la Superligue, joueurs et supporters du « Big 12 » ont réussi à renverser la table. Manchester City, Manchester United, Arsenal, Tottenham, Liverpool et Chelsea ont en effet décidé de faire machine arrière au bout de 48 heures. Même si certaines sources, encore non vérifiées, affirment que l’UEFA aurait sorti le carnet de chèques pour les faire changer d’avis.
Les patrons du Real Madrid, du Barça, de l’Atlético, de la Juventus, de l’Inter et de l’AC Milan subsistent, mais le yacht a pris des allures de Titanic. « C’était rapide lol », a twitté Aymeric Laporte, avant de développer : « Jouer sans la joie et la faim de gagner ainsi que la crainte et la déception de perdre enlèveraient assurément une grande partie de ce qui fait que nous aimons ce sport. Je suis très fier de voir la réponse des fans du monde entier. Espérons que nous vous reverrons bientôt dans les stades et que cet épisode sera un bon rappel pour tout le monde : LE FOOTBALL EST POUR LES FANS. »
— Aymeric Laporte (@Laporte) April 20, 2021
Imagine all the people…
D’inspiration nord-américaine, cette Superligue aura, clin d’œil de l’histoire, été torpillée par ce qui apparaît dès la première ligne du préambule de la constitution des États-Unis. We, The people. Nous, le peuple. Avant même l’officialisation de la sécession, la twittosphère a tremblé, et les fans ont montré les dents face à cet acte de haute trahison. Dès lundi, la fronde s’organise un peu partout. Plusieurs groupes de supporters du LFC annoncent retirer les drapeaux habituellement installés dans le Kop. Le soir même, à Leeds, pancartes et banderoles étaient de sortie devant Elland Road, du côté des Peacocks comme des Reds. Rebelote mardi aux abords de Stamford Bridge, où les fans de Chelsea ont souhaité envoyer un message avant la rencontre face à Brighton. Soutien unanime, y compris dans les pays ne comptant aucun membre parmi les douze, comme l’Allemagne et la France. Par le biais d’un communiqué, l’Association nationale des supporters exprime ainsi son opposition « inconditionnelle », dénonçant « une tentative de privatisation du football européen », « une insulte grave à la culture de nos tribunes » ainsi qu’« une menace existentielle » pour les clubs et « les fondations même d’un football accessible à tous et toutes ».
Le petit-fils de Bill Shankly est lui-même monté au créneau dans le Liverpool Echo, en déclarant qu’il voudrait que la statue du légendaire manager écossais soit déboulonnée du parvis d’Anfield : « Ce qui se passe ne pourrait pas être plus éloigné de ce qu’il voulait pour ce club de football. Ce n’est pas un euphémisme de dire qu’il se retournerait dans sa tombe. Si j’en avais l’occasion, je serais heureux de voir la statue retirée. Ce qui fait le plus mal, c’est que Liverpool a une histoire et une tradition de faire les choses de la bonne manière, qu’il a créées. Être l’un des six clubs qui poussent pour ce changement est inacceptable. » Tout n’est pas encore gagné, mais l’anomalie est réparée.
Game changers
Même goût de victoire pour ceux qui font le Beautiful Game sur le terrain. Si Zinédine Zidane a ouvert le robinet d’eau tiède en refusant de donner son opinion et que Thomas Tuchel et Andrea Pirlo ont choisi de la jouer corporate en se rangeant derrière leur direction, Jürgen Klopp et Pep Guardiola ont eu le mérite de se mouiller au moment d’exprimer leur opposition au projet (et donc à leur patron). Comme bon nombre de leurs confrères et de joueurs, de Mesut Özil à Marcus Rashford, en passant par Benjamin Pavard, James Milner, Ander Herrera, Dani Alves ou Dejan Lovren. Après les messages individuels, l’effectif de Liverpool a d’ailleurs décidé de parler d’une même voix mardi soir : « Nous n’apprécions pas cela et nous ne voulons pas que cela se produise. C’est notre position collective. Notre engagement pour ce club de football et ses supporters est absolu et inconditionnel. Vous ne marcherez jamais seuls. »
Un communiqué publié sur les réseaux sociaux, aux yeux de tous, y compris ceux de John Henry, un propriétaire qui ne faisait déjà pas l’unanimité auprès des supporters. À la suite de cette vague de départ outre-Manche, le projet de Superligue se retrouve mis sur pause. N’en déplaisent à certains, et comme l’a rappelé Cesc Fàbregas, « ce magnifique sport n’est rien sans les fans ». Une bonne piqûre de rappel pour Messieurs Andrea Agnelli, Florentino Pérez, Joan Laporta, Enrique Cerezo, Joel Glazer, Stan Kroenke, Roman Abramovich, Daniel Levy, Steven Zhang, Ferran Soriano, Ivan Gazidis et John Henry : tout l’argent du monde n’offre pas le droit de faire n’importe quoi.
Par Quentin Ballue