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Supercoupe d’Espagne : l’or rance d’Arabie saoudite

Par Quentin Ballue
5 minutes
Supercoupe d’Espagne : l’or rance d’Arabie saoudite

Deux ans après une première édition à Djeddah, la Supercopa revient en Arabie saoudite, cette fois à Riyad. La fédération espagnole a envoyé le FC Barcelone, le Real Madrid, l'Atlético et l'Athletic à 4000 kilomètres de chez eux, convaincue par des arguments sonnants et trébuchants. Une nouvelle occasion pour la monarchie du Golfe de se montrer sous un jour favorable, en poussant sous le tapis les sujets qui la dérangent.

Rien que d’y penser, le régime saoudien se frotte les mains. Une grande partie du monde du football aura le regard tourné vers le stade international du Roi-Fahd ce mercredi. L’enceinte avait déjà accueilli un concert du groupe sud-coréen BTS et un show de la WWE, pour lequel le boxeur Tyson Fury s’était joint aux superstars du catch américain. Dans quelques heures, elle sera le théâtre de l’une des plus grandes affiches du football international, un Clásico Barça-Real. Un joli coup de pub pour la monarchie saoudienne, qui espère certainement par la même occasion faire oublier l’embarras suscité par l’explosion survenue le 30 décembre en marge du Rallye Dakar.

Éviter une sortie de route

Justement, l’explosion d’un véhicule, qui a gravement blessé le pilote français Philippe Boutron à deux jours du départ de la course, a jeté le trouble. Présents dans la voiture au moment de l’incident, Thierry Richard, Joël Pally et Mayeul Barbet ont tous parlé d’attentat. Contrairement aux autorités saoudiennes, qui soutiennent étrangement la piste d’un accident. Le parquet national antiterroriste a ouvert une enquête pour « tentative d’assassinat en lien avec une entreprise terroriste ». Selon RMC Sport, la Direction générale de la sécurité intérieure n’a toutefois reçu aucun des éléments du dossier, et ce n’est pas faute d’en avoir fait la demande.

« L’Arabie saoudite a intérêt à jouer le jeu de la transparence, sinon cela pourrait envenimer ce climat de suspicion, explique Fatiha Dazi-Héni, spécialiste des monarchies de la péninsule Arabique à l’Institut de recherche stratégique de l’École militaire (IRSEM). Les Saoudiens refusent pour le moment de considérer cela comme un attentat. Ils veulent éviter d’en parler parce que ça les gêne considérablement. Depuis 2015, il y a eu très peu d’attentats, ou alors ça a été étouffé. Le prince héritier Mohammed ben Salmane souhaite diversifier l’économie du pays et se départir de la mauvaise réputation ultra conservatrice du royaume. Un attentat rappellerait la période noire de terrorisme connue dans les années 2000 donc forcément, ça ne peut que perturber l’élan du pays. »

Nouveau look pour une nouvelle Arabie

Un élan que le régime a construit depuis plusieurs années, en misant notamment sur le sport. Parmi ses récentes prises de guerre : le rachat du Newcastle United Football Club, la Supercoupe d’Italie à Djeddah (2018) puis à Riyad (2019), le combat événement entre les poids lourds Anthony Joshua et Andy Ruiz en décembre 2019, le Rallye Dakar qui se tient dans le royaume pour la troisième fois cette année et un Grand Prix de Formule 1, dont la première édition a eu lieu en décembre, en présence de Justin Bieber, David Guetta ou encore Jason Derulo. Un élan néanmoins contrarié par la guerre au Yémen, l’assassinat du journaliste Jamal Khashoggi en octobre 2018 et la question récurrente du respect des droits de l’homme aux frontières du royaume.

Il y a une émulation, et ça attire les investissements des autres pays du Golfe. Les Koweïtiens investissent en masse dans les nouveaux projets en Arabie. Il y a ce double ressort, ça effraie et ça attire.

D’où les critiques d’Amnesty International avant cette Supercoupe d’Espagne. « Les lignes rouges sont très nombreuses et la répression totale pour ceux qui critiquent les réformes. En revanche, l’organisation de ce type d’événements est aussi une manière de mettre le doigt sur des choses qu’on peut condamner et discuter avec les Saoudiens, qui sont un partenaire stratégique important pour la France et d’autres pays », éclaire Fatiha Dazi-Héni. L’argument avait justement été utilisé par le président de la Fédération espagnole Luis Rubiales pour expliquer le choix d’exporter la Supercopa en Arabie saoudite. « Le Qatar a dû revoir la politique de la Kafala (le système de mise sous tutelle des travailleurs étrangers, NDLR) et même si les évolutions sont timides, ces pays qui sont très soucieux de leur image sont obligés de tenir compte des critiques. Les femmes ont aujourd’hui accès à plus de professions, elles peuvent se déplacer à l’étranger et conduire. Elles ont obtenu plus de droits pour s’émanciper », précise la politologue, qui a passé deux semaines sur place en décembre. Dans la même veine, les Saoudiens autorisent désormais les catcheuses à performer lors du show Crown Jewel, ce qui n’avait pas été le cas pour la première édition en 2018.

De là à dire que la monarchie a réussi sa mue ? « À l’international, notamment en Occident, c’est épouvantable, puisque domine l’image d’un prince héritier très répressif. D’un autre côté, la promotion du tourisme et d’une nouvelle Arabie fonctionne plutôt bien en interne, notamment auprès des jeunes et des femmes. De même que Poutine a réussi à redonner une certaine fierté nationale aux Russes, le prince tend à promouvoir un récit ultranationaliste qui n’existait pas avant, puisque tout était basé sur un narratif religieux. Beaucoup de jeunes Saoudiens tirent de la fierté en voyant l’Arabie saoudite sous un nouveau jour, en promouvant le sport et le divertissement. Il y a une émulation, et ça attire les investissements des autres pays du Golfe. Les Koweïtiens investissent en masse dans les nouveaux projets en Arabie. Il y a ce double ressort, ça effraie et ça attire. » Gageons qu’avec la crème du football espagnol sous ses yeux, le régime fera tout pour ne montrer que le côté pile.

Tonton Daniel
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Par Quentin Ballue

Propos de Fatiha Dazi-Héni recueillis par QB. Fatiha Dazi-Héni est auteur de L'Arabie Saoudite en 100 questions (Tallandier, 2020) et du rapport Mohammed Bin Salman et le pari sur la jeunesse (IRSEM, Etude n°80, mai 2021).

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