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Super Victor
Personne n'aurait parié dessus, mais Victor Moses a bien fini par s'imposer à Chelsea. Replacé au milieu de terrain par Conte, Moses est devenu le porte-bonheur des Blues et s'amuse enfin à Stamford Bridge, après avoir longtemps hérité du rôle de vilain petit canard.
« J’ai le sentiment d’avoir trouvé une maison à Chelsea. » Venant de la part d’un homme qui a dû quitter son Nigeria natal à onze ans après le massacre de ses parents lors de violences religieuses, et qui a rejoint l’Angleterre orphelin et demandeur d’asile, la phrase prend une saveur particulière. Et depuis qu’il est arrivé à Chelsea en 2012, Victor Moses n’a eu que peu d’occasions de considérer ce club comme une maison, lui qui a passé trois saisons sur quatre en vadrouille, prêté un peu partout. Et pourtant, Moses n’a jamais lâché. Envoyé en prêt à Liverpool en 2013, puis à Stoke City l’année d’après, et enfin à West Ham la saison dernière, le bonhomme a valdingué, mais sans briser le lien avec la maison mère. Mieux, à l’été 2015, avant d’aller enfiler la tunique des Hammers, il a même signé une prolongation de contrat avec Chelsea jusqu’en 2019. Depuis la rentrée, les Blues se sont enfin décidés à récupérer leur joueur, sans forcément croire qu’il cartonnerait à ce point. Car depuis qu’il a mis les deux pieds dans le plat et qu’il est devenu un rouage majeur de la machine de Conte, Victor Moses plane. Quatre ans après sa seule saison à Chelsea – moyennement concluante, douze titularisations en championnat pour un seul but –, Moses est actuellement titulaire sous Conte, enchaîne les grosses performances, et marque les buts qui comptent comme celui de la victoire face à Tottenham le week-end dernier. « Je trouve ça incroyable que quelqu’un comme lui ait été sous-estimé » , s’étonnait Antonio Conte récemment, résumant l’état d’esprit ambiant.
Le Conte est bon
Les oiseaux moqueurs diront que Moses doit tout à un concours de circonstances. Qu’il a déjà souhaité se barrer définitivement de Chelsea, quand en janvier 2015, Mourinho a voulu le faire revenir de Stoke, et que c’est le joueur lui-même qui a demandé à rester et à terminer son prêt. Résultat, c’est Cuadrado qui avait été recruté en urgence le dernier jour du mercato d’hiver pour devenir le profil offensif recherché par les Blues. Les mauvaises langues ajouteront que sa réussite soudaine est liée au nouveau système mis en place par Conte, et que ce 3-4-3 parfait pour Moses volera en éclats dès qu’Ivanović sera complètement remis de sa blessure. En attendant, Moses anime le couloir droit de Chelsea comme un chef, en profitant de la sérénité offerte par Azpilicueta derrière lui pour multiplier les rushs devant et fatiguer ceux qui défendent sur lui. Puissant physiquement – 1,77m, 75kg –, Moses est à la base ailier droit, mais l’attaque de Conte s’est stabilisée sur le trident Hazard-Costa-Pedro. Alors Moses a accepté de descendre d’une ligne, et d’occuper la droite du solide milieu à quatre concocté par le coach italien. Depuis que Conte a adopté ce schéma, au début du mois d’octobre, cela fait sept matchs d’affilée que Moses est titulaire. Avec sept victoires consécutives, et une première place au classement à la clé. Le temps des doutes, quand Benítez ne l’utilisait même pas en finale de Ligue Europa 2013, alors que Moses avait marqué quatre buts en jouant seulement 426 minutes dans la compétition, semble bien loin.
Pas de CAN en janvier
Mais Moses n’est pas sorti de sa boîte sans prévenir. On peut commencer à le tracer à partir de ses années au Cosmos 90 FC, le petit club londonien dans lequel il a fait ses premières classes. Victor Moses n’avait que treize ans, mais son entraîneur de l’époque, Tony Loizi, aime en parler comme du « Gareth Bale du Cosmos 90 FC » . À quatorze ans, Moses file à Crystal Palace où il fera ses débuts en pro à seize ans en Championship. La découverte de la Premier League arrive trois saisons plus tard, mais avec Wigan. Moses est plein de promesses, mais ne s’impose pas, tout comme il ne s’imposera jamais dans les trois clubs dans lesquels il a été prêté par Chelsea. Un peu à cause de blessures récurrentes, beaucoup à cause de son incapacité à profiter de son temps de jeu pour montrer qu’il en a sous le capot. Mais après les camps d’entraînement de Chelsea l’été dernier, Antonio Conte était formel : Moses ne bougerait pas cette année, et il voulait l’avoir sous la main : « Moses a d’importantes qualités : la technique, la force physique, la capacité à couvrir 70 mètres sur le terrain… » De son côté, le Nigérian ne cesse de congratuler le coach qui l’a enfin sorti du placard : « Il m’a juste dit : « Tu sais quoi ? Tu es un bon joueur, et je veux juste que tu prennes plaisir à jouer au football. » » Niveau sélection, après avoir squatté les équipes de jeunes de l’Angleterre depuis les U16, il a finalement opté pour le Nigeria, avec lequel il a planté un doublé contre l’Algérie il y a deux semaines en éliminatoires du Mondial 2018. Mais bonne nouvelle pour Chelsea, les Super Eagles ne sont pas qualifiés pour la CAN. Moses pourra donc passer son mois de janvier à écarter les défenses adverses.
Par Alexandre Doskov