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Super Mario
L'enfant terrible du football italien est aujourd'hui noir et s'appelle Mario Balotelli. Conspué sur tous les stades de la Santiag', Super Mario n'en est pas moins l'un des meilleurs espoirs de sa génération. Portrait d'un homme plein de contradictions.
Il pourrait être en train de se promener sur les pelouses de l’Angola, de claquer son doublé à chaque match de la CAN et d’être le héros du peuple ghanéen. Mais voilà, Mario Balotelli, né Barwuah, a vu le jour à Palerme, a grandi dans la région de Brescia et a choisi de défendre les couleurs de son pays d’adoption, l’Italie. Du Ghana, il a conservé principalement une chose, comme se plaisent à le lui rappeler chaque week-end bon nombre de supporters: sa couleur de peau. À part ça, Mario a le parcours classique d’un prodige italien. Premières armes en 2005 dans l’équipe pro de l’AC Lumezzane, dans la région de Brescia en Serie C1 à seulement quinze ans, et l’Inter qui pointe le bout de son nez seulement un an plus tard puis le recrute moyennant une indemnité de 350 000 euros. Balotelli accepte, malgré son amour d’alors pour le Milan récemment confessé : « J’étais rossonero quand j’étais petit. Le Milan m’est resté dans la peau » .
Comme n’importe quel autre rejeton, c’est en coupe nationale qu’il se fera d’abord remarquer. Un doublé contre la Reggina, un autre contre la Juventus, une première titularisation en Serie A qui s’ensuit, un premier but en championnat en avril, la saison 2007-2008 est celle de Mario Balotelli. San Siro s’enflamme, le « Si tu sautes, Balotelli va marquer » est alors un chant à la mode. Logiquement, il demande et obtient la nationalité italienne en août de la même année, le jour de ses 18 piges. Direction l’Italie espoirs, où ses trois premiers matchs se solderont par trois buts. Plus de doute possible, Balotelli est bel et bien un phénomène.
Notoriété oblige, il divise désormais l’Italie où chacun a son avis sur le joueur : il y a ceux qui l’aiment d’amour, ceux qui le haïssent, ceux qui sont franchement racistes, ceux qui ne sont pas racistes mais quand même… Alors, plutôt que de dire que ça fait sacrément chier qu’un noir puisse porter le maillot du pays, on préfère parfois dire que Balotelli est insupportable. Mais le pire dans tout ça, c’est que c’est vrai : look de parvenu, prétention, attitude et caprices de rock star, le tout pour un môme né en 1990. Ce qui fait beaucoup à la fois pour un pays encore à l’ancienne, peu enclin au métissage culturel, et dont le football se méfie encore des jeunes.
Le truc, c’est que Super Mario est un peu plus complexe que sa montre et ses diam’s ne voudraient bien le faire croire. Un brin naïf, voir touchant (il aime se poser en symbole de l’Italie du futur et du melting-pot), un brin niais (il a deux chiens, un caniche blanc, Jenny, et un labrador noir, Lucky « et elles s’entendent très bien » ), un brin schizo ( « Balotelli aime les belles montres, Mario se moque de l’argent » ), l’enfant prodige est moins égocentrique qu’il n’en a l’air : loin des télés, Balotelli se rend de temps à autre au Brésil dans une favela de Salvador de Bahia où il devient éducateur. Un projet mené par son chef-scout de frère, Giovanni. Car la famille adoptive de Balotelli est une famille de scouts qui considèrent qu’il est plus important de devenir un homme qu’un champion et que l’éducation est une chose primordiale. Alors Mario donne de sa personne, l’air de rien. Il y a peu, il s’est même rendu à la fondation Don Gnocchi, qui s’inspire des « principes de charité chrétienne » et qui aide « ceux qui se trouvent dans le besoin » . En guise de remerciement, on l’y a accusé d’être encore Milaniste.
La critique, encore et toujours. Le joueur y est désormais habitué. Régulièrement, c’est Mourinho qui lui balance deux trois scuds en pleine face. Réponse ? « Je me motive tout seul. Je n’ai pas besoin que les journalistes écrivent ou que l’entraîneur parle. Je fais partie de ceux qui regardent les matchs qu’ils ont joués. Et si j’ai été naze, je m’en rends compte tout seul et je me dis que l’on ne peut pas jouer comme ça » . Entre deux critiques, Mario se fait copieusement insulté sur tous les terrains d’Italie ou presque, passe parfois à côté de ses matchs, joue souvent divinement bien et claque à l’occasion des buts d’anthologie, comme contre le Rubin en C1.
Et, lorsqu’il marque, Balotelli a son truc pour fêter ses buts : il court vers les supporters et pointe de son index le drapeau de l’Italie qui orne le maillot de l’Inter. Sa manière à lui d’exprimer sa fierté d’être italien, mais aussi de se rappeler au bon souvenir de Marcello Lippi.
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