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Les corners, l'arme fatale du Mondial
Dix en 2019, 8 en 2022, 22 en 2023. Le nombre de buts marqués sur corner lors des grandes compétitions à l'Euro ou au Mondial est en nette hausse cette année grâce à des équipes comme la Suède et l’Australie, qui en ont fait une marque de fabrique. Décryptage.
« La plus grande compétition féminine de l’histoire », se plaît à rappeler à tout bout de champ le président de la FIFA Gianni Infantino, au sujet du Mondial féminin qui se tient actuellement en Australie et Nouvelle-Zélande. Si la déclaration du patron du football mondial s’avère pour l’instant exacte, il n’aura pas pu s’en rendre compte par lui-même, n’ayant vu jouer que 12 des 32 sélections, comme l’a révélé Sky Sports. Il n’aura donc pas eu l’occasion d’observer le récital suédois face à l’Italie, durant lequel les coéquipières de Stina Blackstenius ont ébloui le monde par la qualité de leurs corners. Il n’a pas pu apprécier non plus le bijou de coup de pied de coin rentrant de l’Irlandaise Katie McCabe face au Canada, ni même le coup de casque de Wendie Renard pour redonner l’avantage aux Bleues face au Brésil, après un corner millimétré de Selma Bacha. Infantino est donc passé à côté des plus belles courbes de balle de ce Mondial, et il le regrettera.
120% d’augmentation des buts sur corner
Vingt-deux, c’est le nombre de buts qui ont été inscrits sur corner depuis le début de cette Coupe du monde. Soit douze de plus que lors du Mondial 2019, à ce stade des huitièmes : soit une augmentation de 120%. Un chiffre à nuancer néanmoins, le Mondial se jouant cette année à 32 équipes, contre 24 lors de la précédente édition. Mais l’évolution reste évidente : en 2019, dix des 146 buts de la compétition ont eu lieu sur ce type de phase de jeu, ce qui représentait un peu moins de 7%. Lors de l’Euro 2022, qui a vu l’Angleterre ramener le football à la maison, c’était huit sur 95, soit à peu près 8%. Mais pour ce Mondial 2023, les corners ont pour le moment amené 15% des buts inscrits. Une augmentation qui n’étonne pas Laurent Mortel, entraîneur des filles de l’AS Saint-Étienne : « Les coups de pied arrêtés sont de plus en plus travaillés désormais, dans les différents clubs et sélections. Ça fait un petit moment qu’ils sont tirés différemment, depuis les dernières éditions de l’Euro et de la Coupe du monde. Ce sont des choses qui m’ont marqué. »
La Suède en a fait son arme de prédilection : les joueuses de Peter Gerhardsson en ont converti quatre depuis le début de la compétition, et ont fait frissonner les défenses à chaque corner obtenu. Pour Laëtitia Philippe, gardienne du Havre et internationale tricolore à quatre reprises entre 2011 et 2015, ça n’a rien d’une surprise : « La Suède, c’est vraiment une équipe très performante. C’est déjà une sélection assez athlétique, et je pense qu’elle travaille justement beaucoup sur les coups de pied arrêtés. Elles ont aussi forcément des bonnes joueuses de tête, comme Amanda Ilestedt (défenseure d’Arsenal passée par le Paris Saint-Germain) qu’on connaît dans le championnat de France. » Pour être efficace sur corner, il est évidemment important d’avoir de bonnes tireuses, mais également d’être attentif aux détails, comme le souligne Laurent Mortel : « Ce qui va faire la différence, c’est la trajectoire, l’engagement, les qualités d’explosivité, la volonté d’aller couper ce ballon ou de gagner le duel, et pas forcément le rapport de force ou de taille. »
#FIFAWWC 🇸🇪⚡🇮🇹 Et le nouveau but pour la Suède en début de seconde période sur un nouveau corner ! La défenseure Amanda Ilestedt s'offre un doublé !
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— francetvsport (@francetvsport) July 29, 2023
« C’est une situation de jeu comme une autre »
Parfois redouté, souvent recherché, le corner est une occasion de but indéniable pour l’équipe qui en bénéficie. Pour Laëtitia Philippe, malgré la dangerosité de ce coup de pied arrêté, il faut savoir garder la tête froide : « C’est une situation de jeu comme une autre, où on sait qu’il faut aller s’imposer. On ne va pas se dire à chaque fois : “Ah merde, il y a un corner, c’est dangereux”. Je ne l’appréhende pas du tout d’une manière négative. C’est vrai que de plus en plus, les équipes essaient de travailler des tactiques où les joueuses sont souvent beaucoup dans les 5 mètres 50. Par notre taille, il faut réussir à aller dans le tas. »
Cette évolution est, pour Mortel, due à la place toujours plus importante de l’analyse vidéo, mais également à des mises en place qui changent dans les 16 mètres 50 : « Un autre aspect dans les coups de pied arrêtés, ça va être les notions de position et de bloc qui vous donnent ce dixième de temps d’avance pour être dans de meilleures dispositions. On passe quand même d’une défense où chaque joueuse marque son adversaire à une défense de zone. Donc vous voyez deux, trois joueuses de l’équipe qui attaque, notamment pour la Suède, se tenir avant le départ au ballon. Elles se regroupent, c’est une forme de bloc pour limiter l’intervention de l’adversaire et optimiser le temps d’avance. »
Des évolutions également parfaitement maîtrisées par l’Australie, adversaire de la France en quarts. Depuis le début de la compétition, les Matildas ont scoré deux fois sur coup de pied de coin, notamment face au Canada. Avec cette tactique rodée qui consiste à se rassembler dans les 5 mètres 50, afin de gêner une potentielle sortie de la gardienne adverse mais aussi ralentir l’intervention des défenseures. Des situations auxquelles devront être attentives les Bleues, qui ne pourront pas compter éternellement sur le mètre 87 de Renard pour repousser les ballons australiens.
Par Léna Bernard
Propos de Laurent Mortel et Laëtitia Philippe recueillis par LB