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Subašić, l’homme croquettes
En stoppant un penalty contre l’Espagne, Danijel Subašić a permis à la Croatie de rester dans le match. Derrière, l’équipe au maillot Lustucru s’est payée les tenants du titre ainsi que la première place. Tout ça grâce à son gardien de but, un homme qui aime deux choses dans la vie : le travail et ses chats.
Quand vous faites une interview avec Danijel Subašić, il faut faire attention à ce que vous portez. Souvent taquin, le Croate de 32 ans est capable de vous faire croire qu’il est de mauvaise humeur et refuser l’entretien si vous vous pointez avec des pompes roses. Drôle quand on sait qu’il porte une tenue rose durant cet Euro. Comme quoi. On vous rassure, il ne refuse jamais rien, Danijel. C’est ce qu’on appelle un bon gars. Pour sa première compétition internationale dans les cages de la Croatie, le Monégasque n’est pas du genre à se mettre la rate au court-bouillon. « Suba » , c’est un mec détendu. C’est en tout cas l’image qu’il aime donner. Pas certain que la réalité soit si éloignée quand on demande l’avis de celui qui le côtoie au quotidien à la Turbie, André – dit « Dédé » – Amitrano, l’entraîneur des gardiens de l’ASM. « Globalement, la pression, il s’en fout. Il est souvent détendu à l’approche des matchs, il a toujours été comme ça. » Alors quand le Croate sort un penalty de Sergio Ramos et relance complètement le match, « Dédé » se marre un peu. « Il est un peu roublard sur le coup, car il s’avance un peu, mais c’est son travail de sortir les penaltys. Le reste, ce n’est pas son problème. »
Surtout que dans l’exercice, le portier monégasque vient de sortir cinq des sept dernières tentatives contre lui. « Il y a des périodes comme ça » , poursuit Amitrano. Tout n’a pas été systématiquement rose dans la vie du Croate. Quand il débarque à Monaco, alors en Ligue 2, personne ne le connaît. Formé à Zadar avant de faire les beaux jours de Split, c’est un portier un peu rondouillard qui arrive en Principauté. Bien loin du mec élancé qui fait aujourd’hui la pluie et le beau temps derrière Luka Modrić. La faute à un travail spécifique du préparateur physique monégasque Carlo Spignoli. Moralité, « Suba » fond rapidement et prend du muscle. Et son jeu s’en ressent. « Au début, quand il arrive, je ne le connais pas, se souvient Amitrano. J’ai alors regardé des cassettes et au bout de deux entraînements, j’ai compris qu’il avait quelque chose : vitesse au sol, un jeu bondissant, très aérien sur les plongeons. Même s’il se veut sobre, il aime le côté spectaculaire. Et je l’ai vu évoluer dans ses prises de balle. Au vrai, il s’est adapté au football français et non l’inverse. C’est un garçon intelligent, qui sait bien travailler. »
Un statut fragile dans l’opinion des gens
À force de progresser, le garçon s’est fait un nom. Et un prénom. À la Turbie, c’est le déconneur numéro 1 avec Nabil Dirar et Andrea Raggi. Suba, il passe son temps à jacter et à vanner. Il est comme ça. Les seuls moments où le garçon retrouve son sérieux, c’est quand il parle de ses chats. Deux chats monégasques qui adorent le réveiller le matin à coups de patte sur le nez en guise d’appel à croquettes. À 32 ans, Subašić n’a pas encore d’enfants, mais il se lève quand même tôt pour contenter ses félins. Il le fait de bon cœur, lui qui adore arriver tôt à l’entraînement. D’ailleurs, le premier mot qu’il a appris en français était « fatigué » . « Il le répétait tout le temps avant et après l’entraînement, rembobine Amitrano. Il a sué, mais il adore ça. C’est un travailleur acharné. » Depuis la remontée en Ligue 1, le club de la Principauté n’a eu de cesse de lui coller des remplaçants dans les pattes. Sergio Romero, un finaliste de la Coupe du monde avec l’Argentine. Puis Stekelenburg, un autre finaliste avec les Pays-Bas. Subašić n’a pas bronché. Il a bu sa concurrence. À la régulière.
Mais les noms circulent toujours du côté du Rocher. Comme si Subašić ne pouvait jamais être tranquille. « C’est un gardien très critiqué, mais il amène toujours quelque chose à l’équipe, poursuit Amitrano. À un moment, il a été sous-médiatisé, mais la campagne en Ligue des champions lui a fait du bien (quart-de-finaliste en 2015). Depuis, il a pris un statut, mais il est fragile. Il est plus facilement critiquable que d’autres gardiens. Il reste fragile dans l’opinion des gens. » Suba, lui, s’en fout. Quand vous lui parlez de ses matchs, il répète toujours la même chose : « Top, top, mon ami. Mais le plus important, c’est l’équipe » , avec son accent très particulier. Cet Euro en tant que numéro 1 de la sélection, il l’attend depuis longtemps. Avant de s’envoler pour le rassemblement croate, en mai dernier, Subašić s’était offert un dernier gueuleton en bordure de Villefranche-sur-Mer, au Trastevere, un restaurant où il a ses habitudes. Anton, le taulier de l’établissement, est croate. Là, face à la mer, Subašić ne s’inquiétait pas tellement du fait de se retrouver dans le groupe de l’Espagne. Il se demandait surtout qui allait nourrir ses chats durant son absence. Il a trouvé. Alors, affronter Cristiano Ronaldo, c’est de la rigolade à côté.
Par Mathieu Faure