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Subašić, dernier rempart, dernier symbole
Après les départs de Valère Germain et Nabil Dirar, Danijel Subašić est désormais le dernier joueur du club de la Principauté à avoir connu l'ère Rybolovlev de A à Z. Plus qu'un simple gardien, il restera l'emblème de l'ascension du nouveau Monaco.
Lorsqu’il débarque en janvier 2012, Subašić n’est qu’un mercenaire parmi d’autres de cette opération commando orchestrée dans l’urgence par Dimitri Rybolovlev. Au milieu d’un concert d’hommes de devoir, de joueurs médiocres et de jeunes à qui on n’a pas encore promis un destin, Danijel Subašić découvre un nouveau monde à 27 ans. Jamais la conviction de tenir un gardien qui écrirait un morceau d’histoire de l’ASM n’aurait pu alors poindre à l’esprit des observateurs. Figé sur sa ligne quand il fallait rassurer sa défense, partant à l’abordage quand la prudence était de mise, le gardien croate était un adepte du contre-temps. Jamais là où on ne l’attendait, il tissait peu à peu son style de gardien mi-sobre, mi-fantasque. La mission du maintien accomplie, il s’accorde même une drôle de prouesse un soir de clôture du championnat, à Boulogne-sur-Mer, sur un coup franc aux dix-huit mètres adverses. Trop peu pour mettre un voile sur les doutes, assez pour attester de sa différence et créer une base affective avec les supporters. Trois mois plus tard, il arrête son premier penalty à Louis-II, les premiers « Suba, Suba » jaillissent du Pesage, le portier se retourne et profite de ce moment de communion. Ce n’est qu’Arles-Avignon mais quelque chose est déjà en train de s’écrire. Subašić alternera entre les sorties douteuses et les prestations de haut vol tout au long de la saison, suffisant pour que Monaco retrouve enfin la L1 et le piquant des marchés des transferts clinquants.
Dani fait de la résistance
« Les dirigeants veulent les meilleurs du monde et tant mieux. » Lorsque Monaco amorce sa mue à l’été 2013, Subašić est encore du contingent des « autres » , de ceux qui subiront tôt ou tard les effets de la révolution. Touré, Tzavellas ou Kagelmacher, soldats de la remontée, sont déjà priés de quitter une aventure qui n’est plus à leur mesure. Les rumeurs sur un nouveau gardien d’envergure ne manquent pas : Valdés, Rui Patrício, Mandanda… C’est finalement Sergio Romero qui débarque dans un rôle de numéro un bis. Et le soutien de Ranieri ressemble à un coup de pression : « La saison dernière, Suba a fait quelques erreurs, mais tous les gardiens en font, non ? J’ai dit à Romero : « Si tu es meilleur que Suba, tu joueras, moi, tout ce que je veux, c’est gagner. » » Loin d’être impressionné, le Croate accepte le défi : « Je n’ai pas peur de perdre ma place ici. Le foot se joue dans la tête et je l’ai compris. Je ne connaissais pas Romero. Je sais qu’il a fait une saison en deuxième division, à Gênes. Comme moi, en fait. » Sans être magistral, il parvient à ne pas faire tâche et à retarder son éviction programmée. Elle aurait dû survenir au mercato estival 2014. Mais toutes les belles histoires ont besoin d’un peu de hasard. Le club de la Principauté s’apprête à retrouver la Ligue des champions et il a prévu depuis plusieurs mois de le faire avec Víctor Valdés. Un pré-contrat a même été signé. Mais le gardien catalan se fait les croisés à deux mois du terme de la saison et Monaco se rabat de nouveau sur un profil de numéro un bis. Après une entame de saison catastrophique où presque chaque tir cadré subi est synonyme de but encaissé, l’amoureux des chats va reprendre le contrôle de sa cage et diriger la meilleure défense de France, menaçant même au cœur de l’hiver le record d’invincibilité de Gaëtan Huard. Point d’orgue de cette saison de résistance, cette parade miraculeuse face à Giroud à Louis-II, empêchant l’exploit de se décolorer en débandade. Jusque-là choix par défaut, il devient un légitime héros. Ça aurait pu être Valdés ou un autre ce soir-là, mais il fallait que ce soit Suba, c’était le sens de l’histoire.
L’homme qui valait plus que des millions
Davantage encore que Valère Germain et ses amours multiples, qu’Andrea Raggi et son apport sportif relatif, Subašić a su grandir d’un même élan avec son club, avec quelques douleurs de croissance, obtenant tout par le mérite et la persévérance. Prouvant qu’aujourd’hui encore, on ne gagne pas qu’avec des stars, mais aussi avec des symboles. Ce soir et cette saison, Dieu seul sait à quoi ressembleront les performances de Subašić. Il sera peut-être à tour de rôle fautif et héroïque comme face à City, arrêtera sans doute une poignée de penalties puis manquera quelques sorties, mais il est déjà trop tard pour qu’il ternisse son histoire avec l’AS Monaco. Tout est déjà écrit. Car si Suba est toujours aussi imprévisible cinq ans et demi après son arrivée, il demeure désormais une certitude : quand il faudra raconter le Monaco des années 2010 dans vingt ans, on se souviendra de lui comme d’Ettori ou Roma aujourd’hui. Bien plus que les bébés-star engendrés par la post-formation clinique, c’est un enfant de Zadar qui aura incarné la renaissance de l’AS Monaco : « Avant de signer à Monaco, j’avais Évian et Brest qui s’intéressaient à moi, mais Dado Pršo m’a dit qu’il fallait que je vienne ici sans avoir peur. » Oui, il y a encore peu, Monaco n’avait pas grand-chose de plus à offrir qu’Évian ou Brest, si ce n’est une histoire aux pages jaunies. C’était avant Rybolovlev et ses millions, c’était aussi avant Suba, dernier gardien du symbole.
Par Chris Diamantaire