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« On a mis un peu cher à tous les clubs de L1 »
Diffusée depuis le 17 février, la série animée Gradins, produite par Canal+ et Bobby Prod, ridiculise les supporters de Ligue 1 en 17 épisodes. Youssef El Kouch, auteur de la série, nous en raconte les coulisses.
Comment ce projet est-il né ?
Ça avait été proposé en 2018 à Bobby Prod. Le projet était au fin fond des bacs, et finalement, Canal+ s’est chauffé pour faire une série pastille animée sur le foot. On a monté une team avec Johan (Ravit) le réalisateur, Alexandre (Gonzalez) et Karim (Tougui), deux des cocréateurs. On a brainstormé pour faire tenir ce concept. On s’est toujours dit qu’on ne ferait pas ça sur le match en lui-même, mais vraiment sur les supporters. Il fallait réussir à trouver un angle d’attaque. On a été à plusieurs sur un format de « room », avec des auteurs permanents et des auteurs qui tournent un peu. On a pris beaucoup de plaisir à faire cette série, on espère que ça va plaire aux fans de foot.
L’idée était de faire Les Kassos version foot ?
Oui et non. Les Kassos, ça a super bien marché, c’est devenu un peu culte. David (Alric), le producteur, voulait clairement refaire ça : quelque chose de culte sur le foot, en animé. Le point de départ était le même, mais très vite on s’est rendu compte qu’on ne devait pas et qu’on ne pouvait pas refaire Les Kassos. Déjà parce qu’on était très référencés sur le foot, évidemment. Dans Les Kassos, tout le monde a les références, c’est de la pop culture, c’est assez accessible. La différence fondamentale avec Gradins, c’est que dès le début, on s’est dit qu’on allait faire un contenu destiné aux vrais supporters de Ligue 1, pas les gens qui suivent de loin. On voulait que le mec qui soit méga supporter de son club se retrouve à fond dedans. A minima viser ceux qui kiffent le foot, avec suffisamment de « bonbons » pour les vrais connaisseurs. On admet en faisant ça que certains vont être mis de côté. Il y a un côté encore plus « niche » que Les Kassos. Et comme on allait faire un épisode par club, ça a aussi orienté le format. C’est un peu plus long que sur Les Kassos, on ne fait pas vraiment de sketch court. On essaie de prendre le temps de dire ce qu’on a à raconter sur chaque club.
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Vous avez consulté des supporters de différentes équipes pour trouver l’inspiration ?
On avait des gens dans la room qui suivent beaucoup la Ligue 1. On avait un bon équilibre entre ceux qui suivent beaucoup, et ceux qui suivent moins. L’idée était de savoir, si on était supporter de tel ou tel club, ce qui nous rendrait le plus fou avec ce club, positivement comme négativement. Sur certaines équipes, on a eu du mal à raconter quelque chose qui soit marrant et touche les supporters locaux. Mais la plupart du temps, quand tu suis la Ligue 1, tu sais quelles sont les tendances, les réputations de chaque club.
Quels sont les retours des supporters sur les épisodes évoquant leur propre club ?
Ça s’est relativement bien passé. Notre pari était de se moquer gentiment des clubs de Ligue 1, mais aussi avec les supporters, qu’ils se disent qu’on visait juste. On a mis un peu cher à tous les clubs, mais ça a été assez bien reçu. En revanche, et c’est ce qui n’est pas évident avec le foot, c’est qu’en quelques mois, ça peut énormément changer. L’épisode sur Clermont, on l’a écrit il y a plus d’un an maintenant, et la vanne reposait sur l’idée du supporter qui découvre la Ligue 1. Et au moment où on le sort, ça fait maintenant deux saisons que Clermont est en L1, en plus ils ne sont pas ridicules !
Gradins – épisode 3 : La Ligue 1 ça monte à la tête (cc @ClermontFoot) pic.twitter.com/rS078lD6lZ
— Studio Bagel (@StudioBagel) March 2, 2023
En animation, c’est plus simple de faire des vannes sur le foot ?
Je pense que oui. Quand tu penses à tout ce qui a été fait sur le foot, en dehors de l’humour, ce qui résonne le plus c’est de l’animation, comme Olive et Tom, Foot 2 rue. En animation, tu peux aller plus loin et faire des choses que tu ne pourrais pas faire dans la réalité. En live, tu ne fais que copier le foot, tu es cantonné à quelque chose d’un peu réaliste. Sauf que la magie du foot, pour moi, et pour tout le monde, c’est un peu cette dramaturgie insaisissable, ces matchs d’anthologie impossibles à reproduire en live. En animation, on a les moyens de complètement faire exploser la soupape du réalisme, comme on a fait sur les épisodes de Rennes et Paris avec des références de pop culture. Le format en lui-même est marrant, tu peux faire arriver des tigres sur le terrain. La pluie de choucroute (dans le premier épisode), je pense que ça n’aurait pas été très bien vu d’un point de vue écologique, donc je suis content qu’on ait fait ça en animation. (Rires.)
C’est plus facile de faire des blagues sur un PSG qu’on vanne tout le temps, ou sur Clermont, Lorient ou Troyes ?
Paradoxalement, on s’est parfois cassé les dents sur certains gros clubs, et on a eu des évidences ultra-limpides sur des clubs avec moins de résonance. Quand tu as des gros clubs comme Paris, Marseille ou Lyon, tu as tellement de choses à dire que c’est compliqué de faire tenir tout ça en deux minutes. Pour Marseille, on a galéré à trouver l’angle, car il y a beaucoup de choses à dire sur Marseille. Paris aussi. Des clubs comme Clermont ou Troyes, on a trouvé assez rapidement ce qu’on voulait dire sur eux. Et on a déroulé.
Quatre clubs de Ligue 1 n’ont pas eu le droit à leur épisode : Reims, Nice, Strasbourg et Brest. Pourquoi ?
C’est malheureusement pas de chance. C’est comme une première saison dans l’élite : tu as besoin de prendre des réflexes, te rassurer, commencer par des valeurs sûres. On a commencé par les clubs qui nous venaient assez facilement. On a passé pas mal de temps sur Nice et Strasbourg, et on n’a pas trouvé l’angle pour partir dessus. L’idée, et je croise les doigts, c’est qu’en cas de saison 2, on fera tous les clubs qu’on n’a pas faits avant, peut-être des clubs de Ligue 2 aussi. Notre but est de faire un hommage aux supporters de la Ligue 1. On n’arrête pas de la critiquer, mais on y revient toujours. On se dit que c’est dommage si chaque supporter n’a pas le droit à son épisode dans la série.
De ton côté, tu es supporter d’une équipe ?
De manière très banale : Paris. Depuis un petit moment, il y a un manque de reconnaissance de la part du club, un détachement, l’impression que le club que tu supportais avant n’est plus vraiment là. Mais je regarde encore les matchs de Ligue des champions et parfois de Ligue 1. Dans la room, tu avais aussi du Bordelais, du Lyonnais, du Stéphanois…
Propos recueillis par Jérémie Baron