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Strootman, le répit inattendu
À Rennes, vendredi soir, Kevin Strootman a offert la victoire à l'OM (1-0) moins de trois minutes après son entrée sur la pelouse. Une surprise tout droit sortie du chapeau d'André Villas-Boas, alors que plus personne ne comptait sur le Néerlandais à Marseille. Mais le milieu de terrain a prouvé qu'il avait encore un rôle à jouer dans cette saison.
Les premières foulées de Kevin Strootman sur le champ de patates du Roazhon Park étaient presque passées inaperçues. 82e minute, André Villas-Boas surprend son monde : le technicien marseillais fait entrer le Néerlandais à la place de Valentin Rongier, souvent brillant ces dernières semaines. L’ancien Nantais a le droit à un concert de sifflets, mais les supporters rennais ne voient pas venir le piège. Trois minutes plus tard, le milieu de terrain de 29 ans se place astucieusement sur un coup franc de Payet – repoussé difficilement par Mendy -, récupère le ballon au pied du poteau et envoie une frappe croisée précise faisant exploser les fans marseillais et offrant un succès précieux à l’OM. « On sait que Dim’ (Payet) est très bon dans ce registre, racontait Strootman en zone mixte après le coup de sifflet final. Là, le gardien a poussé la balle au niveau du poteau et je savais qu’il fait être prêt pour le deuxième ballon. Valère me l’a laissé, je l’ai pris, j’ai eu un peu de chance et j’ai marqué. » Le beau pied de nez d’un gars dont tout le monde voulait se débarrasser en ce mois de janvier.
Depuis un moment, Strootman n’est plus en odeur de sainteté à l’OM. La question peut se poser autrement : a-t-il déjà convaincu dans la durée sous le maillot phocéen ? Arrivé de la Roma en août 2018 contre un gros chèque (25 millions d’euros), il peine à tirer son épingle du jeu depuis l’arrivée de Villas-Boas. Au point que les bruits de couloir faisaient état d’un possible départ – le Hertha Berlin se serait renseigné sur le bonhomme -, les dirigeants étant plutôt enclins à le laisser partir cet hiver pour se séparer d’un gros salaire (500 000 euros mensuels). Ce qui n’aurait pas forcément déplu aux habitués du Vélodrome, pas vraiment tendres avec le Batave ces derniers temps. « Je ne dois pas répondre à ça, si vous écrivez des choses dans les journaux, c’est votre problème, s’est agacé le principal intéressé dans les coursives de l’enceinte bretonne au sujet d’un éventuel transfert. Je préfère ne rien dire, je ne sais pas ce qu’ont pu vous dire les dirigeants, mais j’ai un contrat de trois ans et demi, j’ai signé pour jouer ici. Le plus important, c’est l’OM, pas moi. » Une posture claire et nette, qui met en évidence une chose : à Marseille, le collectif prime sur tout le reste.
Tout le monde aime Kevin
Les attitudes ne trompent pas, même un soir de victoire difficile. Les amoureux des poncifs diront que le groupe marseillais vit bien, les autres ne pourront pas vraiment les contredire. Pendant qu’il répondait à la presse, Strootman a eu le droit au défilé de ses coéquipiers derrière lui, et chacun d’eux avait un bon mot ou une tape dans le dos pour féliciter le héros du soir, qui n’aura pas attendu d’entrer sur le terrain pour se faire remarquer. Dans son costume de remplaçant, il aura aussi pris part aux petites échauffourées entre les deux équipes à la pause. « Strootman aurait dû être sanctionné pour son comportement à la mi-temps » , glissera même un dirigeant rennais après la rencontre. La preuve, en quelque sorte, que l’international néerlandais est toujours aussi impliqué dans la vie du groupe marseillais. Avant le déplacement à Rennes, Rongier avait même tenu à prendre sa défense : « Je vous trouve dur quand vous insinuez que Bouba (Kamara) fait mieux que Kevin. Il a aussi cette intelligence de déplacement pour voir où il y a des trous et quand on part à l’attaque, on sait qu’il sera là. » L’histoire voulait que l’ancien Nantais soit celui qui laisse sa place à Strootman vendredi soir.
Une raison de plus pour Rongier de vanter les qualités du natif de Ridderkerk après la victoire : « Personne n’a jamais douté de lui au club, que ce soit de sa qualité ou de son professionnalisme. Je suis super content pour lui, il rentre ce soir, il me remplace en plus et il nous délivre. Ce n’est pas évident pour un joueur d’être remplaçant, surtout quand c’est quelqu’un de la trempe de Kevin. » Barré par Kamara au poste de sentinelle dans les grands rendez-vous (Lille, Lyon, Bordeaux), Strootman n’a pas pour autant perdu la confiance de Villas-Boas, qui sait garder la totalité de son groupe concerné. C’est pourquoi le milieu refuse de voir ce but comme une revanche sur sa situation actuelle : « L’entraîneur avait raison avec son onze de départ, l’équipe a bien joué, et Bouba a fait un super match ce soir. Je suis sur le banc, c’est comme ça et je ne suis pas le seul. Cela veut aussi dire qu’on a de la qualité et il faut en profiter. » Le discours d’un mec droit dans ses baskets et désireux de renverser l’opinion des Marseillais, supporters comme dirigeants. Mais en attendant, il se contentera d’un joli répit.
Par Clément Gavard, au Roazhon Park
Tous propos recueillis par CG