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Strasbourg, en hissant les voix

Par Maxime Brigand
Strasbourg, en hissant les voix

Finaliste de la Coupe de la Ligue pour la troisième fois de son histoire, le Racing a l'occasion d'honorer ses supporters avec un trophée, huit ans après un dépôt de bilan qui a plus que jamais soudé le club.

La photographie du printemps 2010, d’abord : le Racing est en voyage à Châteauroux pour une soirée qui a la forme d’un labyrinthe à deux issues. « Survivre ou mourir » est-il alors possible de lire sur une banderole accrochée sous le nez du parcage strasbourgeois, à Gaston-Petit. Deux ans plus tôt, le Racing était à l’étage supérieur et venait déjà de connaître une incroyable dégringolade : onzième de Ligue 1 au soir d’une victoire au Mans lors de la vingt-septième journée, Strasbourg avait avalé ensuite une imprévisible série de onze défaites consécutives et fini sa course dans le fossé. Au printemps 2010, après une défaite dans le Berry (2-1) qui avait fait voler les sièges du stade, le Racing s’offre une nouvelle sortie de route et récupère un billet pour le National. Là, dans la nuit, Milovan Sikimić se pointe face aux supporters et refuse de mentir aux gens : « Désolé, on est une équipe de merde. » Il plane dans l’air une ambiance funèbre, on parle de la « mort » sportive et financière d’un club historique – et donc immortel – et on se pose des questions, beaucoup de questions. Une, principalement : comment résister ?

La survie par les voix

Un peu moins de neuf ans plus tard, la France du foot tient sa réponse : si Strasbourg s’est retapé et est revenu dans l’élite, c’est aussi grâce à ses voix. Des voix qui se sont rassemblées pour lutter contre la disparition de leur club, qui avaient monté lors du premier semestre 2010 la Fédération des supporters du Racing afin de faire contrepoids à Jafar Hilali, alors actionnaire majoritaire d’une institution en danger, et qui connaissaient aussi d’avance la suite de l’histoire. Cette histoire, c’est celle d’un club qui a déposé le bilan lors de l’été 2011 après plusieurs années de gestion catastrophique, qui est reparti en CFA2 avec une Meinau débordante et qui a surtout longtemps vécu dans une drôle de schizophrénie : Strasbourg s’est battu pour revenir dans un monde où il avait perdu la tête. Mais le Racing y est revenu car tout a changé, rapidement, grâce à une nouvelle équipe dirigeante incarnée par Marc Keller et car aucun supporter n’a rangé son écharpe.

Ça, c’est notamment le fruit de la réussite de la Fédération, qui a organisé des nombreux déplacements dans les divisions amateurs et qui a réussi à entretenir une culture supporter forte malgré les coups reçus. C’est le côté positif de la renaissance du Racing : elle a été suivie par une jeune génération, qui a vu ce club se reconstruire et incarner une certaine idée du foot. Une idée symbolisée par de nombreux joueurs (Grimm, Liénard, Caci…) et un coach, Thierry Laurey, qui ne cache pas sa volonté de voir chez ses soldats une sensibilité à « l’histoire du foot » . Interrogé par L’Équipe cette semaine, l’entraîneur alsacien, arrivé sur le banc en mai 2016, se félicitait alors d’avoir « retapé » la « belle voiture de collection » qu’est le Racing.

La Majorette d’enfance

L’image est ici parfaite : on s’attache à ce club comme à une Majorette d’enfance, on ne peut le détester et on avoue être presque heureux de le voir s’envoyer une finale de Coupe de la Ligue ce week-end. Parce que les supporters strasbourgeois le méritent, parce que ce club a prouvé qu’il était plus fort que la mort et qu’il pouvait résister aux tempêtes. Le football que le Racing propose n’est d’ailleurs pas éloigné de tout ça : Laurey a toujours assumé vouloir proposer « des buts, du spectacle » , tout en responsabilisant au maximum ses joueurs. Le jeu alsacien est équilibré, mais souvent risqué, tenu par une attaque souvent performante, mais aussi une défense qui peut parfois reculer trop facilement. Face à Guingamp, samedi soir, Thierry Laurey a déjà annoncé dans L’Équipe qu’il faudrait que son équipe rende une copie « parfaite » . La troisième Coupe de la Ligue du club sera à ce prix. Ce n’est plus l’histoire d’une résistance, c’est celle d’une famille à honorer avec des cotillons.

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