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Stop au fantasme du « nouveau Leicester »
C'est désormais un passage obligatoire, chaque équipe que l'on n'attendait pas en tête de son championnat devient un Leicester bis. Une situation que vit actuellement l'OGC Nice, alors que l'aventure que vivent les Niçois a ses propres caractéristiques.
Comme tant d’autres avant eux, les Toulousains viennent de passer sous le rouleau-compresseur niçois. Un bon vieux 3-0 à l’Allianz Riviera pour terminer la 16e journée, avec comme coupables les Usual suspects, Alassane Pléa ou encore Younès Belhanda. En conférence de presse d’après-match, Pascal Dupraz bougonne, livre une analyse classique et sans saveur : « C’est une défaite logique devant un Nice supérieur dans tous les domaines. On n’a pas pesé assez. » Avant d’oser la comparaison qui brûle les lèvres de tout le monde depuis quelques semaines : « Nice me fait quand même penser à ce que j’ai vu l’an passé à Leicester. Il y a du dynamisme, de la fraîcheur, une bonne assise technique, des joueurs cadres. On sent que Nice a franchi un palier. »
Déjà fin octobre, après la victoire des Aiglons à Metz, Raymond Domenech, n’ayant jamais peur des mots, avait lâché à L’Équipe : « Leicester est en train de se profiler. On a l’impression qu’il y a une équipe qui ne paye pas de mine, comme ça, mais qui joue au football, qui a des joueurs qui marquent, qui remplace ses blessés sans que cela n’affecte les résultats, c’est une équipe qui peut surprendre. » Tout le monde commence donc à s’y mettre. Comme si les Foxes étaient la première surprise de l’histoire du sport, désormais, chaque équipe un peu inattendue qui s’installe sur le trône de son championnat recevra, même sans l’avoir demandée, l’étiquette de « Nouveau Leicester » . Pour le RB Leipzig en Allemagne, même combat. La percée un peu brutale des gars pondus par Red Bull a reçu le même traitement, quitte à agacer certains joueurs.
Deutsche parallèle
Yussuf Poulsen, attaquant danois de Leipzig, s’était insurgé fin novembre : « On ne se compare à personne. Nous ne sommes pas Leicester et ils ne sont pas Leipzig. Le monde change, l’équipe est totalement différente, le championnat est complètement différent. Il n’y a aucune raison de nous comparer à Leicester. » Et à raison. Car s’il y a bien une aventure qui ne ressemble pas à celle de Leicester, c’est celle de Leipzig. Club créé en 2009 par un monstre de l’industrie des boissons énergisantes, Leipzig avait survolé toutes les divisions inférieures avant d’arriver en Bundesliga avec l’objectif avoué de chambouler le règne du Bayern. Le RB a mis les moyens, détient le record du plus gros transfert de l’histoire de la D2 allemande avec l’achat de David Selke, et est pour l’instant en train de respecter son cahier des charges, et ce malgré la première défaite de la saison survenue ce samedi sur la pelouse d’Ingolstadt.
Loin de ces Foxes très longtemps en piteux état, vice-champion en 1929 avant des décennies de « plus rien » , et qui avaient démarré la saison de leur titre avec le maintien pour objectif. Mais peu importe, les neuf dixièmes de la planète avaient misé sur un duel entre Munich et Dortmund, et l’essor de Leipzig n’entrait dans le logiciel de personne. Heureusement que le titre de Leicester avait créé une jurisprudence pour rassurer tout le monde. Le monde a connu des « nouveaux Michael Jordan » à la pelle. Chaque rappeur blanc devient instantanément un « nouvel Eminem » . Des comparaisons presque toujours bancales, mais peu importe, les observateurs ont besoin de phares pour se repérer, et pour arrimer tel ou tel phénomène à un précédent qui lui ressemble vaguement. Et aujourd’hui, c’est au tour de Nice.
Futés comme des renards
Qui peut dire qu’il avait prévu que Nice serait premier à l’aube de 2017 ? Pas grand monde, certes. Faut-il pour autant y voir une surprise aussi colossale que la chevauchée fantastique de Leicester ? On fait de Lucien Favre un nouveau Claudio Ranieri, un entraîneur étranger dans son championnat qui a toujours montré qu’il était talentueux, sans jamais réussir à remporter de grand titre. C’est peut-être là le parallèle le plus solide entre les deux équipes. Mais si le GYM était à la rue et a flirté avec la Ligue 2 il n’y a pas si longtemps, il reste sur une saison 2015-2016 de costaud où il a terminé 4e de Ligue 1. La réussite de ces dernières semaines relève donc plus de la continuité que de l’inattendu. Certains se plairaient à voir Balotelli et Belhanda dans le rôle de réincarnations version Côte d’Azur de Vardy et Mahrez, mais aucun de leurs profils – ni sportif, ni humain – ne sont similaires.
En outre, là où les Foxes gagnaient avec un effectif bricolé composé de joueurs sur qui personne n’avait misé, et d’autres qu’ils avaient réussi à relancer, Nice possède une solide ossature de jeunes formés au club, dont certains sont de franches réussites – Sarr, Koziello, Cardinale. Sur le papier, ça donne l’équipe la plus jeune des cinq grands championnats pour le GYM avec 24,6 ans de moyenne d’âge. Mais le sigle « nouveau Leicester » colle encore à Nice comme le sparadrap du capitaine Haddock. Pire, ils ont ce dimanche soir l’occasion de donner encore du crédit à cette thèse. Car Leicester n’avait pas bâti son succès en ne battant que des pipes, mais aussi en tabassant les grands du Royaume, Chelsea, Liverpool, City. Nice a déjà collé un 4-0 à Monaco en septembre. Une performance au Parc des Princes, et la machine à comparaisons risque de tourner encore à plein régime.
Par Alexandre Doskov