- Bulgarie
- 50 ans de Hristo Stoichkov
Stoichkov, le toucher culé
Ce lundi, Hristo Stoichkov fête son demi-siècle d’existence. Un jour pas comme les autres pour l’ancienne star du FC Barcelone. Jamais adepte de la langue de bois, le Chien était un artiste pur-sang sur la pelouse, doublé d’une grande gueule face aux médias. Avec un tel mélange, aucune raison de se mettre à changer, surtout à 50 ans.
Même à 47 ans et des brouettes, son faciès est encore bien reconnaissable. Lors de cette cérémonie au siège de l’UNESCO en mars 2013, Hristo Stoichkov est là, devant son auditoire, pour la promotion de sa nation, la Bulgarie. Un documentaire sur sa vie de sportif de haut niveau est à l’honneur, et toutes les images de sa carrière défilent ainsi. Pour s’introduire, l’homme voulait tout de suite faire dans le style. « Le numéro 8 m’a toujours porté chance, il symbolise l’infini. » En effet, de ses premiers exploits au pays à ses plus grandes heures avec la sélection, Stoichkov est un porte-étendard qui, il faut bien le dire, n’est pas près de trouver un successeur. Pourquoi ? Parce que trop de talent déjà, et surtout beaucoup, beaucoup trop de charisme. Quoi que l’on dise, le natif de Plovdiv avait le profil de l’emploi pour réussir. Non, Stoichkov n’avait peur de rien ni personne, pas même venir secouer dans son orgueil un club comme le FC Barcelone.
Docteur Cruyff
Comme dans chaque histoire d’amour, il y a toujours un début. L’alchimie prend donc effet lors de la demi-finale aller de Coupe des coupes 88-89 entre le CSKA Sofia et le Barça, futur vainqueur de la compétition. Même si l’obstacle est passé avec succès, le coach Johan Cruyff garde un œil avisé sur ce jeune buteur à la nuque longue, auteur des trois buts de son équipe et sacré meilleur buteur de la compétition, le tout à 22 ans. Lucide, le Hollandais volant flaire le bon coup, et le Barça invite le CSKA pour participer à un tournoi estival à Majorque, histoire de boucler le transfert. Stoichkov discute avec le maestro et son bras droit, Carles Rexach. L’affaire semble bien partie même si, ironie du sort, Stoichkov se fait expulser contre le Barça lors du tournoi. Qu’à cela ne tienne, il reçoit tout de même le maillot blaugrana en guise de message subliminal. Une fois seul à l’hôtel, Hristo ressort le maillot, le porte et se met à rêver de pouvoir un jour faire partie de la famille culé.
Son rêve prend forme un an plus tard. Après de longues négociations avec les autorités bulgares, Stoichkov devient le joueur le plus cher du bloc de l’Est devant Oleg Blokhine, pour un transfert estimé à 4 millions de dollars. En bon papa poule, Cruyff avoue avoir donné carte blanche à Stoichkov sur son salaire : « Hristo venait de l’Europe de l’Est, évoquait Cruyff. Les habitants de là-bas sont pauvres, ils ne connaissent pas la valeur de l’argent. Je lui ai dit de demander le salaire qu’il voulait, et que s’il avait des problèmes, qu’il explique que j’étais d’accord. » Entre génies, on se comprend.
Côté vestiaire, le Soulier d’or 1990 sait tout de suite se faire connaître. « Quand Hristo est arrivé à Barcelone, nous devions partir le jour suivant au Japon pour une tournée de matchs amicaux, se souvient Ricardo Serna Orozco, ancien défenseur du Barça entre 88 et 92. Nous avons tout de suite ressenti un bon feeling avec lui, parce l’on sentait qu’il souhaitait parler espagnol avec ses coéquipiers. Il demandait plein de mots, de façon très communicative. On sentait que même s’il venait d’un autre pays, il était prêt à s’intégrer le plus vite possible. » Venu afin d’aider le club à stopper la série de cinq championnats consécutifs pour le Real Madrid, le gaucher se sent comme chez lui. Sa première saison se solde par la première Liga de l’ère Cruyff, et ce, malgré une suspension longue durée pour avoir marché volontairement sur le pied d’un arbitre.
La Dream Team de Cruyff fait ensuite coup double l’année suivant avec une autre Liga, puis la fameuse première C1 de l’histoire du Barça. Fier de sa réussite, Stoichkov en place une pour sa patrie depuis la tribune présidentielle de Wembley : « Vous voyez hein, un Bulgare tient la Coupe d’Europe ! » Cité parmi les meilleurs joueurs du monde en fin d’année, Stoichkov va pourtant payer au prix fort sa réputation de mauvais garçon, infondée pour Serna. « Hristo avait un fort caractère, mais c’était un homme discipliné, tranche son ancien coéquipier. Pour le coup, ce sont des petits détails qui font la différence : cette année-là, le Milan avait réalisé un championnat fantastique, et Van Basten avait été meilleur buteur du championnat. Hristo venait tout juste d’arriver à un niveau aussi fort, et notre saison était surtout la consécration d’une équipe. Sa réussite individuelle allait venir ensuite. »
Rêve de gosse, puis l’anti-Van Gaal
Auréolé d’une nouvelle Liga sur le gong lors de la saison 92-93, le Barça accumule les trophées grâce à un Cruyff prêt à jouer avec les nerfs de son diamant des Balkans. « On faisait des concours, il gagnait toujours, explique Stoichkov dans le numéro 105 de So Foot. Toujours, et on pariait du fric hein. Une fois, à Tenerife, il m’a pris 100 000 pesetas, ce connard. Il m’a dit : « Si tu marques un but, je te donne 100 000. Si tu ne marques pas, c’est toi qui me les donnes. » Première mi-temps, on mène 2-0. Laudrup un but, et Goikoetxea l’autre. À la mi-temps, il me remplace. Je lui dis : « Mais pourquoi tu me remplaces ? » et lui : « File-moi mon pognon. » Quel fils de pute, toujours à me faire chier. Mais ça reste mon entraîneur, mon père, putain ! Il a changé certains aspects de mon jeu. Les gens ne se rendent pas compte du véritable travail effectué par Johan. Je lui serai toujours reconnaissant. » L’année suivante, Hristo est enfin récompensé : proche d’un nouveau doublé Liga-C1 avec le club, il atteint son dernier objectif fixé le jour de son arrivée au Barça, le Ballon d’or. Sans grosse déclaration ni écart de conduite cette fois, il lance un simple mais efficace « Ja la tenim ! » (ça y est, nous l’avons ! en VF), signe de son adoubement définitif dans le clan des légendes du Barça.
La suite ? Comme toute histoire d’amour en général, elle finit mal. Suite à la saison blanche du Barça en 94-95, son exil d’une année à Parme ne suffira pas à lui faire oublier son attachement à sa maison d’adoption.
De retour pour deux saisons supplémentaires, il jouera les remplaçants de luxe pour Bobby Robson, avant de cirer le banc de touche avec Louis van Gaal la saison suivante, placé derrière Christophe Dugarry dans la hiérarchie des buteurs. Depuis ce couac, Stoichkov gardera toujours une dent contre le Pélican, histoire de garder sa mitraillette à punchlines en bon état de marche. « Il fait souffrir les joueurs, il m’a traité comme si j’étais un footballeur nul, expliquait-il l’an dernier sur la radio espagnole Onda Cero. Il détruit tous ses joueurs. Combien sont partis à cause de lui ? Il est médiocre, c’est une mauvaise personne. Il a détruit le Barça de cette époque. » Trop dur, Hristo ? Pas selon Serna, en tout cas. « Hristo a toujours été très clair. Il dit ce qu’il pense, il est extraverti. Il le dit de façon pure, et ce qu’il dit ne doit pas être mal interprété. En réalité, c’est un petit enfant au grand cœur. Une idée va lui passer par la tête et il va la sortir. Parfois, il se rend compte qu’il a fait une gaffe. Mais dans ce cas, il sait s’excuser… C’est un grand passionné du Barça, un grand supporter. Et dans de tel cas de figure, c’est normal que cela ne plaise pas à d’autres équipes… » Qui plus est lorsque l’équipe concernée joue tout en blanc.
Par Antoine Donnarieix